Procès "Laporte-Altrad" - 7ème jour : Altrad (1/3) : "Personne ne voulait de ce maillot"

  • Mohed Altrad, le président de Montpellier
    Mohed Altrad, le président de Montpellier
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Lundi après-midi, Mohed Altrad a une nouvelle fois été entendu par le tribunal correctionnel de Paris. Cette fois-ci, il fut demandé au président du MHR de s’expliquer sur les contrats passés entre son groupe et la FFR au sujet du maillot tricolore. En clair : celui-ci a-t-il oui ou non été bradé par Bernard Laporte pour servir les intérêts du milliardaire héraultais ?

Ce lundi après-midi, le procès "Laporte-Altrad", qui s’achèvera jeudi soir, a donc repris au tribunal correctionnel de Paris. A la 212 ème chambre d’audience, c’est Mohed Altrad, président de Montpellier et sponsor maillot du XV de France, qui a donc été entendu par la présidente, Rose-Marie-Hunault. Pour rappel, l’interrogatoire de l’entrepreneur héraultais avait débuté la semaine dernière mais, après six heures d’audience, la présidente avait dû suspendre la séance. Ce jour, Altrad fut donc exclusivement entendu à propos du "partenariat maillot" liant son entreprise, Altrad Investment Authorities, au XV de France. L’accusation, représentée par les procureurs de la République Céline Guillet et François-Xavier Dulin, reproche ici à Bernard Laporte d’avoir "bradé" ledit maillot à Mohed Altrad, auquel il avait été précédemment lié par un contrat d’image.

Altrad : "Le prix est subjectif, irrationnel..."

La première partie de l’audience s’est concentrée sur le premier partenariat maillot, signé en 2017, d’un montant de 1,5 million d’euros et qui fit apparaître le logo "France 2023 #Altrad" sur la tunique des Bleus. "Au mois de février 2017, expliquait le patron du MHR, Bernard Laporte a décidé de trouver un partenaire pour soutenir le dossier de candidature de France 2023 : ça coûte de l’argent de voyager pour exposer le projet et tenter de convaincre les uns et les autres. Moi, je voulais faire quelque chose pour que la France gagne. Je voulais associer mon nom à une démarche publique."

À cet instant, la présidente demandait pourquoi il n’y avait nulle trace de cette négociation entre la FFR et le groupe Altrad : "Elle fut simplement verbale, poursuivait Altrad. Nous avions un mois pour floquer les maillots (avant le début Tournoi des 6 Nations, N.D.L.R.). Nous étions dans l’urgence. Ce fut un accord de gré à gré." Mais alors, demandait Rose-Marie Hunault, y a-t-il eu à l’époque un contact entre l'entrepreneur héraultais et maître Bayon, l’avocat que Bernard Laporte chargea plus tard d’organiser l’appel d’offres concernant le sponsor maillot proprement dit ?

"Des personnes du groupe Altrad intervenaient dans ce dossier et ont peut-être échangé avec maître Bayon à cette époque, disait le patron du MHR. Mais moi, je n’ai pas rencontré maître Bayon." À cet instant, la juge se demandait pourquoi le partenariat maillot entre le groupe Altrad et le MHR était évalué à 3 millions d’euros, quand il fut trois fois moins élevé pour le XV de France, pour ce premier partenariat. "Le prix est quelque chose de subjectif, parfois irrationnel, répondait Altrad. Ce prix était mon appréciation et personne ne l’a contesté".

Altrad: "Il n'y a pas de relation intime entre Bernard Laporte et moi"

Le deuxième volet de l’audience, lui, fut centré autour du deuxième partenariat, qui fit du groupe Altrad le sponsor maillot du XV de France à compter de février 2018 pour un montant de 6,2 millions d’euros par an. A l’été 2017, une première offre, à 5,4 millions d’euros, fut donc soumise à la FFR par le groupe AIA. À ce sujet, Bernard Laporte disait au tribunal la semaine dernière qu’il l’avait fermement refusée.

Par mail, Mohed Altrad écrivait pourtant le 23 juillet 2017 au sujet de cette même offre : "Très bon accord, cher Bernard. Pour l’équipe de France et pour moi. Je t’embrasse, Mohed". La présidente s’interrogeait alors sur la chronologie précise des faits : "J’avais simplement besoin d’un accord écrit pour présenter le projet le lendemain au conseil d’administration du groupe, répondait Mohed Altrad. Bernard Laporte a cherché à le négocier à la hausse et je lui ai expliqué que le maillot ne valait pas plus cher. Le XV de France était une nation déclassée. Personne ne voulait de ce maillot, ni Orange, ni la Société Générale (deux des partenaires de la FFR, N.DL.R.). Je les connais bien: Orange s’occupe de la téléphonie du groupe Altrad et la Société Générale est notre banquier. Je savais qu’ils n’étaient pas intéressés."

Mais alors, pourquoi l’accord de juillet 2017 mentionné dans un échange de courriels fut-il ensuite brisé pour faire place à un appel d’offres et une consultation des partenaires officiels de la FFR ? "Au départ, poursuivait Altrad, nous pensions que la consultation de gré à gré qui avait eu lieu pour le premier maillot s’appliquerait aussi. Puis nous avons pensé qu’il fallait faire un appel d’offres : j’avais consulté maître Bayon qui m’a alors conseillé ce processus pour sécuriser le contrat maillot. […] J’ai donc réclamé, lors d’échanges téléphoniques, cet appel d’offres parce que celui-ci devait avoir lieu : vous savez, je ne suis pas responsable de la désorganisation potentielle de la FFR".

Reste à savoir pourquoi cet appel d’offres, auquel il fallait répondre le 16 novembre 2017, intervint aussi tardivement dans les négociations. "In fine, poursuivit Altrad, j’ai failli ne pas y répondre moi-même. Les articles dans la presse sur la FFR avaient un impact sur ma famille et mon groupe. Tout ça me pesait et il y avait du découragement. Pour tout vous dire, j’ai répondu à cet appel d’offres cinq minutes avant qu’il ne soit clos".

Le maillot du XV de France fut donc vendu pour 6,2 millions d’euros par saison. Mais pourquoi une telle différence entre les deux offres, soumises entre juillet et novembre ? "J’ai simplement évolué dans ma réflexion, expliquait le président du MHR. Et puis, la FFR m’offrait alors plus d’options pour les hospitalités au Stade de France.-Je n’arrive pas à vous suivre M. Altrad, rétorquait la présidente. -Ce surplus d’argent, reprenait celui-ci, pourrait aussi aider les clubs amateurs à former des champions du monde. J’en avais la conviction. -Mais pourquoi ne l’aviez-vous eue qu’au mois d’août, cette conviction ? - Je ne sais pas. Mais si vous cherchez une relation intime avec Bernard Laporte, il n’y en a pas, madame la présidente. Notre relation était professionnelle".

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