Procès "Altrad-Laporte" - 5e jour : Simon :  "J’ai été traîté comme un voyou"

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    Procès "Altrad-Laporte" - 5e jour : Simon :  "J’ai été traîté comme un voyou"
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Serge Simon, poursuivi pour prise illégale d’intérêts, a été entendu mercredi par le tribunal correctionnel de Paris au fil d’une audience particulièrement tendue : " Qu’est-ce que je fais là ? ", a-t-il donc martelé à la présidente. De son côté, le procureur a même estimé que le vice-président de la FFR lui avait carrément manqué de respect…

L’audience de mercredi s’est ouverte de façon plutôt paisible par l’audition d’un premier témoin, à savoir Laurent Gabbanini, le directeur général de la fédération. Celui-ci, qui n’avait pas été entendu dans l’enquête prémilinaire du parquet national financier, a comme attendu conforté les versions de Mohed Altrad et Bernard Laporte au sujet du sponsor maillot des Bleus ou de la commission d’appel, supposément soumise à pression par le président de la FFR pour servir les intérêts de l’entrepreneur héraultais.

Sur le partenariat d’1,5 million d’euros signé avec le groupe Altrad en 2017 pour soutenir la candidature de "France 2023" à l’obtention de la Coupe du monde, Gabbanini disait ceci : "Au matin du France-Angleterre de février 2017, Bernard Laporte, Serge Simon et Claude Atcher ont réuni tous les partenaires majeurs de la FFR (Société Générale, Orange, GMF, BMW) pour leur présenter les vertus d’une candidature à la Coupe du monde. A cette issue, on a demandé lequel d’entre-eux voulait nous accompagner en contribuant financièrement à cette aventure. Le sentiment général qui se dégageait était que leur contrat de partenariat était suffisant, que les budgets pour l’année étaient déjà adoptés...".

Coupe du monde - France 2023
Coupe du monde - France 2023

Selon le directeur général de la FFR, le groupe Altrad était donc seul en lice et, de facto, la mise en concurrence fut donc respectée. Le procureur de la République François-Xavier Dulin, plutôt virulent envers un simple témoin, assura de son côté en s’appuyant sur certains témoignages que cette réunion de début février n’avait jamais eu lieu et qu’ "aucun des partenaires ne semble connaître M. Gabbanini".

Sur le sujet de la commission d’appel, le DG de la fédération ne cachait pas avoir été contacté par Mohed Altrad le 30 juin au matin, afin qu’il lui communique la décision de ladite commission. "Je lui ai dit que je n’étais pas au courant. J’allais enterrer mon père ; mon esprit était occupé par ailleurs. J’ai donc dit à M. Altrad d’appeler Bernard Laporte et c’est malheureux de ma part, j’aurais dû aller chercher l’information moi-même." Alors interrogé par l’accusation sur la frénésie d’appels qui se produisit sur son téléphone ce matin du 30 juin,le directeur général fut clair : "Il existe au rugby une bienséance qui doit exister ailleurs et qui fait que lorsque l’un de nous traverse une épreuve douloureuse, il reçoit des messages amicaux, pour ne pas dire fraternels".

Au terme de l’audition de Laurent Gabbanini, un échange plutôt vif eut enfin lieu entre l’avocat d’Anticor (association luttant contre la corruption en France), maître Gasnier, et la défense de Bernard Laporte. "Ne pensez-vous pas, interrogeait Anticor, monsieur Gabbanini, que votre actuel témoignage puisse être altéré par votre proximité avec Bernard Laporte ?""Stupide intervention ! , tranchait à l’autre boue de la salle Jean-Pierre Versini-Campinchi, l’un des avocats du président de la FFR. Que voulez-vous qu’il réponde ? Que ce qu’il vient de jurer à la présidente, c’est du n’importe quoi ?" Gabbanini, lui, concluait simplement : "Quand je lève la main pour prêter serment, monsieur, je ne le fais pas à la légère".

Simon au procureur : "Je vous adore, vous !"

Passé l’audition du témoin Gabbanini, survint celle de Serge Simon, à priori l’individu le moins menacé du procès : "C’est un moment capital de ma vie, disait Simon en préambule. Je l’attends depuis très longtemps. […] Pour tout vous dire, j’ai pourtant l’impression d’avoir déjà été jugé deux fois, d’abord une campagne médiatique ayant duré longtemps, puis par une enquête où j’ai été traité comme un voyou : j’ai été perquisitionné par des policiers en armes, mis sur écoute, j’ai fait de la prison. Parce qu’à mes yeux, la garde à vue, c’est de la prison : on vous enlève la montre, les lacets…"

Bernard Laporte et Serge Simon lors de la visite de l'usine de fabrication du nouveau maillot de l'équipe de France
Bernard Laporte et Serge Simon lors de la visite de l'usine de fabrication du nouveau maillot de l'équipe de France

Poursuivi pour un seul chef d’accusation, la prise illégale d’intérêts, il est reproché au vice-président de la FFR d’avoir donné instruction à Joël Dumé, alors patron des arbitres, d’envoyer un directeur de jeu (Romain Poite) pour conduire le match entre Montpellier et le Racing 92 de mars 2017, une rencontre pourtant précédemment reportée par la Ligue Nationale de Rugby, la LNR estimant que les Racingmen avaient été perturbés par l’annonce de la fusion parisienne. "Il n’y avait aucune raison valable de reporter ce match, poursuivait Simon. Alors, nous avons été au bout de notre démarche. […] Moi, je me fous de Montpellier. Si cela avait été Carcassonne, cela aurait été pareil. Mais il y avait une chance sur millle que Racing-MHR se joue, alors nous avons dépêché un arbitre".

Soit. Mais pourquoi n’avoir pas prévenu le Racing que des arbitres seraient envoyés sur cette rencontre ? "La Ligue était prévenue et a prévenu le Racing, disait Simon. Tout était clair. -C’est votre vision des choses, tranchait aussitôt la présidente, Rose-Marie Hunault. -Ah… Je ne vous ai pas convaincu alors ?-Ca, on le verra au moment du délibéré, monsieur Simon". Entre les deux parties, le dialogue se poursuivait et soudain, Simon apostrophait la présidente : "J’ai participé à une chaîne de décision mais n’ai pas donné d’ordre à M. Dumé. Je n’aurai pas dû participer à cette chaîne de décisions, peut-être. Mais est-ce du pénal ? Est-ce que je mérite le tribunal correctionnel ? Répondez-moi : qu’est ce que je fais là ? J'ai l'impression que dès que Simon et Laporte font quelque chose, c'est mal... C'est du délit de sale gueule... ".

Alors interrogé au sujet d’un courrier de négociations envoyé à la Ligue à l’été 2017 et soumis au préalable à la consultation de Mohed Altrad, il disait : " C’était une malice politique de ma part. Je voulais l’emmener dans ce combat contre la Ligue. Ce n’était que de l’orthographe… -Vraiment ?, questionnait aussitôt la présidente. Pourquoi avoir dès lors repris les observations de M. Altrad dans leur intégralité ? Pour durcir notre lettre, probablement".

Porte de Clichy, la température est soudainement montée de plusieurs crans lorsque le procureur, François-Xavier Dulin, a pris la parole pour interroger Serge Simon sur des sujets déjà effleurés par la présidente. Simon, à présent très agacé, élevait la voix : "Je vous ai donné la réponse dix-huit fois, monsieur le procureur. Je vous adore, vous ! Mais vous êtes l’architecte d’un raisonnement qui ne tient pas ! -Vous me manquez de respect, ripostait aussitôt le procureur. Je vous signale que cela n’avait pas été le cas avec les autres prévenus et croyez moi, c’est gênant..."

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