Chateau : "Notre construction ne s'est pas faite sans douleurs, sans critiques, sans efforts"

Par Rugbyrama
  • Karl Chateau - Perpignan
    Karl Chateau - Perpignan
  • Mathieu Acebes - Perpignan
    Mathieu Acebes - Perpignan
  • Laurent Arbo - 2015
    Laurent Arbo - 2015
  • Lifeimi Mafi, ailier de Perpignan
    Lifeimi Mafi, ailier de Perpignan
  • Facundo Isa (Toulon)
    Facundo Isa (Toulon)
Publié le Mis à jour
Partager :

Arrivé en 2013 à l'Usap en provenance du Stade toulousain, le troisième ligne et vice-capitaine des Sang et or revient à froid sur le titre de champions de Pro D2 et sur la remontée en Top 14. Il analyse la saison et se projette sur l'avenir. Entretien.

Rugbyrama : Qu'est-ce que cette remontée en Top 14, quatre ans après, ponctuée d'un titre de champion vous apprend sur ce groupe, sur cette équipe, sur l'Usap ?

Karl Chateau : Je viens d'achever ma cinquième saison à l'Usap. Les quatre ans en Pro D2 m'ont appris que la construction avait été longue, qu'elle avait coûté beaucoup d'efforts et beaucoup de joueurs. Certains nous ont quitté durant ces quatre ans mais leur apport nous a fait du bien. Nous avons eu je pense la volonté de ne rien lâcher, de s'accrocher même quand ça n'allait pas bien. Nous avons toujours voulu croire dans notre groupe et le projet du club. Les resignatures qui ont eu lieu l'an dernier dans l'effectif doivent être comprises dans cette optique. Ce groupe n'avait connu jusque-là que du mauvais. Cette saison, nous avons donné raison à nos convictions pour accéder au Top 14.

Vous avez été beaucoup touchés par des coups du sort et des aléas cette année... est-ce que ça vous a donné de la force ?

K.C. : Oui, totalement. Le groupe a été touché très tôt. Il y a trois ans lors de la demi-finale contre Agen nous avions atteint la qualification sur la dernière journée. On était arrivé avec peu de certitudes et énormément de fragilité. Cette année, il y avait de la confiance, que ce soit sur le plan du jeu, mais aussi dans la force du groupe. C'est ce qui nous a permis d'aborder les phases finales différemment. Il y avait de la fraîcheur physique. Le travail qui a été fait depuis un an et demi sur la cohésion du groupe a porté ses fruits.

Le travail fait depuis un an et demi, cela correspond aux arrivées de Patrick Arlettaz et Perry Freshwater dans le staff. En quoi ce changement a t-il été important en octobre 2016 ?

K.C. : Leurs arrivées correspond à la fin d'un cycle car François Gelez était là depuis les débuts de Pro D2. Cela n'a pas été un changement total parce que Patrick a gardé certaines choses mais oui, beaucoup de choses ont changé. Nous avons appris à nous concentrer beaucoup plus sur nous, sur un jeu efficace. Le but était de mener une philosophie de jeu similaire sur toute une année avec très peu de changements dans les approches stratégiques des matchs. Ensuite, il a fallu amener une constance en défense et en conquête. C'est ce qui nous avait manqué pendant trois ans. Il y avait eu des grosses performances en conquête mais nous avions toujours des résultats en dents de scie, que ce soit à domicile ou à l'extérieur. Les arrivées conjointes de Patrick et de Perry ont permis d'avoir les idées claires sur notre projet de jeu, elle nous ont aussi permis de se forger une identité. Nous, les joueurs, nous nous sommes appropriés totalement le jeu parce que nous avons cru en leurs idées. Ce que Patrick a abordé et apporté au niveau du jeu, ça nous a plu.

Le président François Rivière considérait que le groupe avait vraiment pris de l'amplitude et de l'ampleur après le revers à domicile contre Béziers. Mathieu Acébès disait lui qu'il avait senti quelque chose se passer lors du stage de pré-saison à Font-Romeu en juillet dernier. Vous, qu'en pensez-vous ? Est-ce que votre saison s'est construite à Font-Romeu ?

Mathieu Acebes - Perpignan
Mathieu Acebes - Perpignan

K.C. : C'est à Font-Romeu que nous avons validé tout ce que nous avions réussi la saison précédente. Certes, nous étions parti de beaucoup trop loin mais tout ce que nous avions construit sur la fin de saison comme lors des défaites à Oyonnax nous a permis de croire en nous. On s'était dit que nous avions les capacités de se battre avec les équipes du top 6. Nous sommes ressortis de cet exercice avec énormément de frustration sans forcément en parler beaucoup entre nous, mais je pense que chacun avait hâte de réattaquer la saison. Le stage à Font-Romeu a éclairci nos objectifs et il a donné soif à tout le monde de se découvrir. Très vite, nous avons vécu des moments sympa ensemble extra-rugby. Ces moments ont confirmé notre appétit de vouloir faire une grande saison et aller chercher la montée en Top 14.

On a compris qu'il fallait faire des efforts pour atteindre nos objectifs

En parlant de fraîcheur physique, le staff de préparateurs physiques a été étoffé avec les arrivées de Laurent Arbo, Ange-François Costella et Marc Milhau. Comment avez-vous vécu ce changement ?

K.C. : Pour nous, ils ont été les recrues de l'année. Leur travail a payé car nous avons réussi à maintenir un rythme important tout au long de la saison et nous avons pu viser des matchs avec une programmation sur plusieurs semaines. Ils nous ont permis de nous confronter à 100 %. Ils nous ont fait baver mais on sait qu'à l'échelon supérieur on va encore plus en baver durant l'intersaison. On ne va pas se plaindre car on le voulait. On a compris qu'il fallait faire des efforts pour atteindre nos objectifs.

Laurent Arbo - 2015
Laurent Arbo - 2015

Est-ce que vous aviez déjà vu et vécu un tel engouement populaire autour de vous?

K.C. : Je savais très bien la capacité des catalans à se mobiliser pour leur équipe mais je n'avais jamais vraiment eu la chance de pouvoir le voir. On leur avait donné beaucoup d'appétit par rapport à notre fin de saison en 2017 (L'Usap s'était classée 7ème, N.D.L.R) et le début de saison a confirmé les ambitions. Ils ont reconnu dans ce groupe les valeurs qu'ils souhaitaient voir apparaître depuis plusieurs années. On leur a offert ce qu'ils recherchaient et ils nous ont suivi partout. Peu importe les résultats, nous les avons eu quasiment tout le temps à la sortie des vestiaires pour nous dire un mot gentil. C'était incroyable et durant les phases finales c'était un atout indéniable. Voir un tel public, si nombreux, c'est beaucoup de bonheur.

En tant que joueur, comment l'avez-vous vécu ?

K.C. : En tant que joueur, c'est grisant. Il faut faire attention de ne pas se laisser emporter par tout ça mais c'est de la force et de l'énergie à puiser. Il y a une volonté de ne pas les décevoir, que ce soit à domicile ou à l'extérieur. Cela a été un levier de motivation pour nous.

La finale face à Grenoble s'est jouée à Toulouse, à Ernest-Wallon , là où vous avez été formé. Ce retour a t-il rajouté quelque chose ?

K.C. : Ça boucle la boucle. J'avais eu la chance de jouer sur cette pelouse avec le maillot du Stade toulousain avec les professionnels. J'ai vu ce stade pendant trois ans tous les jours , j'y allais en cours, j'habitais à côté du stade. C'était pour moi l'occasion de revenir et de montrer l'évolution que j'avais eu pendant cinq ans. C'était une petite revanche pour montrer à tout le monde que j'avais le niveau pour évoluer en Top 14 avec Perpignan.

Vous fais partie de la génération 92 avec laquelle vous avez grandi et évolué à Perpignan. Comment voyez-vous votre évolution ?

K.C. : La construction n'a pas été facile , elle a été compliquée. Elle ne s'est pas faite sans douleurs, sans critiques , sans efforts. Elle a été plus longue que ce que certains auraient voulu qu'elle soit. Avec cette génération mixte 92/93 nous avons eu la chance d'être amis avant que d'être coéquipiers. Nous nous sommes croisés en sélection nationale dans les catégories jeunes et dans nos parcours respectifs. On a passé beaucoup de temps ensemble à l'extérieur et nous avons partagé beaucoup de choses. Sur le terrain, forcément c'est beaucoup plus simple. En plus, on partage les mêmes idées sur le jeu, sur la volonté de réussir avec ce club. Cette génération a envie de montrer que collectivement elle a le niveau d'évoluer avec l'Usap en Top 14.

Vous avez été capitaine de cette équipe lors de l'exercice 2015/2016, capitaine par moment cette saison, comment prenez-vous ce rôle ?

K.C. : Ma nomination n'a pas été facile par rapport au contexte du groupe à ce moment-là. Nous traversions une période difficile. En plus, elle n'a pas été faite par le groupe mais elle est venue de l'éxtérieur. C'est difficile pour un leader de ne pas être adoubé ou élu par le groupe. Le message a forcément moins de poids. Ce n'était pas la meilleure période pour être capitaine. Personnellement, au niveau rugbystique mes performances n'étaient pas au même niveau que celles de la saison précédente. C'était dur de se sentir légitime par rapport à cela. Je ressentais le fait que mon rôle n'était pas mérité.

Mafi a su tirer le groupe vers le haut

Et ça fait grandir...

K.C. : Ça m'a en effet appris beaucoup de choses sur le monde du rugby, sur la vie d'un groupe. Ça fait grandir en tant qu'homme et en tant que joueur. Cela aurait été un aveu de faiblesse que de refuser ce rôle donc je ne me voyais pas dire non. Ce qui sûr c'est que j'aurais dû l'aborder différemment. Quand Christian Lanta est arrivé, nous en avons discuté très rapidement et le problème a été évacué. C'était pour moi une bonne chose que Lifeimi Mafi prenne ce rôle. Je pense que ce titre est aussi la victoire d'un capitaine et d'une certaine idée du rugby. C'est très bien de l'avoir fait avec Mafi comme capitaine.

Lifeimi Mafi, ailier de Perpignan
Lifeimi Mafi, ailier de Perpignan

Pourquoi ?

K.C. : C'est quelqu'un qui entraîne par ses qualités de joueur, il est entraînant par sa volonté de gagner, de vaincre son adversaire direct et l'équipe d'en face. Pour ceux qui le connaissent individuellement, même si il ne parle pas très bien français et pas beaucoup tout court, c'est quelqu'un de très attachant avec lequel on peut discuter de pleins de sujets. Il est très ouvert et c'est une personne géniale. En tant qu'homme, il sait se servir des compétences de tout le monde et donner la parole à tout le monde dans le groupe. Dès Font-Romeu, il a su tirer le groupe vers le haut. Là-bas, il avait désigné ses lieutenants, ceux avec qui il voulait partir au combat. Chacun avait des rôles pendant la saison selon les matchs : il voulait qu'on fasse passer des messages. Cela a été un moment important de notre construction.

Son dernier essai en finale est aussi un symbole...

K.C. : Après cet essai, tout le groupe a voulu se rejoindre dans l'en-but. Pour nous, cela a scellé définitivement le sort du match. Tout le groupe a voulu célébrer l'homme et le joueur qu'il était. C'est le petit clin d'oeil du destin qui fait que l'on s'en souviendra longtemps.

Est-ce que vous vous sentez désormais prêts pour le Top 14 ?

K.C. : C'était notre objectif d'y aller. Ce sera un nouvel objectif de s'y maintenir. Il faudra faire énormément d'efforts mais oui, le groupe est prêt. Le club a fait des choix par rapport à la création du groupe. Nous nous sommes construits autour d'un projet de jeu, d'un collectif et d'un groupe et nous savons très bien que nous ne pourrons pas en Top 14 reconstruire toute une équipe. L'avantage que nous avons est que nous disposons d'un socle humain qui est très important. Il va falloir continuer de se construire sur la confiance qu'on a entre nous. Il faudra forcément apporter des compétences et des nouveaux joueurs. Il faudra aussi élever son niveau de jeu pour combattre toute la saison sur des matchs à très haute intensité. On sait très bien qu'on sera le petit poucet du Top 14 et qu'il faudra se battre tous les weeks-ends. Il faudra de temps en temps jouer à la catalane avec un énorme cœur pour s'accrocher de partout.

Vous faites partie d'une troisième ligne avec Alan Brazo et Genesis Mamea Lemalu qui s'est montrée complémentaire en Pro D2. En Top 14 à quelle genre de confrontation vous vous attendez à ce poste ?

K.C. : Oui, notre troisième ligne avait un bon niveau en Pro D2 et il ne faut pas oublier que Lucas Bachelier n'était pas là non plus... mais en Top 14 c'est autre chose. Il y a un ou deux troisième ligne de niveau international dans chaque équipe. Il va falloir se battre. Le Top 14 est long et il faut tenir physiquement la cadence. Le club va peut-être devoir chercher des joueurs au poste pour pouvoir tenir toute la saison collectivement.

Facundo Isa (Toulon)
Facundo Isa (Toulon)

Ce sera forcément excitant de jouer contre des Liam Gill, Facundo Isa....

K.C. : C'est drôle qu'on parle de ces deux-là parce que ce sont des joueurs contre lesquels j'ai joué quand j'avais vingt ans. Avec Liam Gill nous étions tous les deux capitaines en -20 ans en Afrique du Sud. Facundo Isa avait un an de moins mais il était surclassé. Liam Gill, je l'ai joué deux fois, je le suis de près. Ce n'est pas un monstre physique, mais il a joué en Super Rugby, il a été international wallaby. Comme lui, on va dire que nous ne sommes pas connus pour avoir un physique hors-norme, ce n'est pas notre gros point fort. Mais je me dis que si il y arrive avec ses qualités et son talent, je peux m'en inspirer.

Par Enzo Diaz

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?