La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. Il commente l'actualité de ces derniers jours, marquée notamment par la victoire des All Blacks sur les Français, victoire qui l'a émerveillé...

La magie blanche.

Les Blacks m’ont toujours fait rêver - affirmation bien peu originale : ils sont si nombreux dans ce cas - et je crois bien que c’est à cause d’eux, qu’adolescent j’ai lâché le ballon rond que m’avait fait adopter mon nordiste de père, pour les rebonds capricieux et à contretemps de l’ovale. Le premier souvenir des joueurs à la fougère argentée remonte à l’invraisemblable transformation de l’arrière géant, Don Clarke, leur donnant une difficile victoire (5-3), dans un Athlétic park de Wellington balayé par une tempête si violente que nul n’aurait misé un centime sur la réussite du numéro 1 "noir" - chez les Néo-Zélandais, l’arrière portait encore ce chiffre dans le dos et le pilier droit, le 15 –C’était en 1961 et nos coqs entraînés par Guy Basquet, comprenait un Agenais, Pierre Lacroix, qui me donne encore le plaisir de me conter cette "épique rencontre". Trois ans plus tard, j’ai eu le bonheur de les voir "pour de vrai", lors de leur tournée en France. Il y avait, toujours, Don Clarke dont le prénom se confondait, pour moi, avec un titre de noblesse qu’il méritait. Auprès de lui, le "pin" aux énormes "paluches", Colin Meads, le vif et fluet ouvreur maori Mark Hereweni, le stratège à la crinière dorée Chris Laidlaw - plus tard numéro 9 du LOU - , mon préféré : la "panthère noire" W.J. Nathan aux courses félines, le besogneux et rugueux Kel Tremain…enfin, le capitaine Wilson Whineray dont la phrase devenue historique :  "Les grandes équipes ne meurent jamais", est toujours citée, quand un club, au passé reconnu, se retrouve en difficulté.

Par la suite, beaucoup d’autres noms se sont inscrit dans la légende du rugby : Brian Lochore, un autre grand capitaine, Sud Going, le Kelleher des années 60, le pasteur Mickael Jones qui ne jouait pas le dimanche, le buteur infaillible Graham Fox, l’auto-tamponneuse Jonah Lomu, le troisième ligne centre aux pieds et aux mains si habiles, Zingan Brooke, David Kirk dit David la Science, Ian Jones, le cueilleur de cerises et ce Sean Fitzpatrick qui ne savait pas faire un lancer…pas droit !…Les "français" aussi : Mourie, Mexted, Haden, Whetton, Shelford, Mac Dowel, Botica…Et ceux de maintenant, Tana d’abord, bien sûr !

Et là, en ce samedi 28 novembre, invité à la soirée tahitienne organisée par mes meilleurs amis agenais, soirée pour laquelle je m’étais engagé un mois auparavant, sans prendre garde à la venue au même moment, de mes héros de l’autre hémisphère, il a donc fallu que je mente effrontément en prétextant un soupçon de grippe A pour éviter le spectacle des plus belles vahinés afin de m’installer en solitaire, devant la petite lucarne et les All-Blacks. Même une invitation personnelle de ma si belle voisine n’aurait pu me faire quitter l’unique fauteuil du salon !

Et pourtant, dès la première image, quel coup au cœur de les découvrir en tunique…blanche ! La même émotion que celle ressentie, certainement, par ce vieux supporter d’Armandie qui crut bien "s’infarcturiser" lorsqu’il vit ses protégés en tenue …orange, il y a trois ans !

Auparavant, dans l’après-midi, Rugby + nous avait gratifié de l’affrontement entre le Métro-Racing et le S.C Albi : du TOP 14, du suspense, du combat certes mais cent cinquante coups de pied, dix en-avant, la confusion dans le maul et le ruck et de la pénalité à outrance ; Andrew Mehrtens, presque quadragénaire, sans esquisser le moindre placage, sans engagement sur la ligne d’avantage, a réussi, par trois coups de pied contre deux, à donner un succès étriqué mais précieux aux "ciel et blanc" de Pierre Berbizier.

Quelques heures plus tard, on a pu se demander si c’était le même sport que la télévision nous transmettait ! Toujours est-il que l’on nous a offert le plus beau cadeau de l’année 2009, une télé-réalité merveilleuse, jubilatoire, provoquant en moi une telle excitation qu’au coup de sifflet final, j’ai cru bon d’absorber quelques bières (!) toujours en solitaire, pour fêter une troisième mi-temps rendue obligatoire par l’extase des deux premières : Ah, cet essai de Muliana, après le coup de pied incertain de Clerc, Cowan en second rideau, longue passe, Muliana, Smith, Sivivatu, re Muliana, le tout parti de cette zone des 22 mètres où il est interdit de relancer chez nous ! Facile de s’extasier sur Dan Carter et Richie Mac Caw, sûrement d’une autre planète, mais c’est faire trop peu de cas de leurs coéquipiers, merveilleusement collectifs –quelle efficacité dans les tâches obscures : la mêlée, les rucks, les leurres, le jeu sans ballon, les courses "coupées"… ! Quelle joie de jouer, de s’engager, d’oser, de créer, de prendre et de donner du plaisir.

Quelle leçon formidable pour nos jeunes qui n’ont plus que le droit "d’occuper le terrain", qu’on abrutit de consignes transgressées seulement quand la partie est perdue ou que le bonus "défensif" n’est plus détenu !

On en vient à nos lacunes, à nos insuffisances, pire à notre…suffisance. Encore une fois, après deux victoires consécutives, la première contre les champions du Monde, succès superbe, indiscutable même si quelques "grognons" ont mis en avant la lassitude des "Bocks" et d’autres "ronchons", la mansuétude de M. Barnes, le plus francophile des arbitres d’outre-Manche – parfois, il m’arrive d’être "grognon" et "ronchon" à la fois – la seconde, contre des Samoans étrangement amorphes, une heure durant, comme anesthésiés par de folles nuits parisiennes ; encore une fois donc, on s’aperçoit que nos crêtes flamboyantes n’ont pas supporté un doublé victorieux et nous avons réédité, comme en 14, la marche si française, "la fleur au fusil", certains commentaires nous projetant déjà sur le "Toit du monde" et bien sûr en finale de la Coupe du Monde 2011 ! Il paraît aussi que, toute la semaine, avait été "adoucie" pour permettre à nos joueurs, de "récupérer" après l’épisode samoan. Par ailleurs, et j’adore Fabien Barcella, mais je n’ai pas vu un seul jour sans une interview de lui sur une chaîne TV ou dans un journal. Est-ce ainsi qu’on peut préparer un match qu’on savait pourtant qu’il allait être d’une grande intensité car "les grandes équipes ne meurent jamais", n’est-ce pas ? Ne parlons pas de la soirée, - détente oblige - Anthony Cavanagh, au théâtre du Gymnase ! Pendant ce temps, Graham Henry "allumait la forge".

Le SUA, sagement, sans faire de bruit, profil bas, bien protégé des médias par son duo d’entraîneurs, continue sa marche discrète vers le TOP 14.

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