Rendez-vous avec les Fidèles !

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le responsable de la formation au SUA. Cette fois, ses pérégrinations nous mènent à Aiguillon, à Saint-Sylvestre, à Biarritz, à Lourdes ou encore à Bon-Encontre... toujours dans la bonne humeur !

"Il y a dans la fidélité, de la paresse, de la peur, du calcul, du pacifisme, de la fatigue, et quelquefois de la FIDELITE" E. Rey, De l’Amour, Grasset.

Mercredi 17 février

Toujours la pluie sur le Lot-et-Garonne et l’humidité sur le terrain d’Aiguillon. A deux reprises dans son histoire, le SCA a connu les joies de l’accession en Fédérale 3 mais chaque montée s’est accompagnée d’une cascade de descentes peut-être parce que la grenouille s’était voulue plus grosse que le bœuf. Actuellement, les Sang et Or souffrotent en 1ère série mais l’essentiel n’est pas là : l’essentiel, c’est qu’il y ait toujours du rugby au pied du Pech de Berre, à l’ombre du Château des Ducs et au majestueux confluent du Lot et de la Garonne. Dur de se battre pour l’ovale quand l’enfant du pays, Marouane Chamack pousse si bien le rond dans les rangs des Girondins. Pourtant, ils sont, ce soir, une bonne trentaine à nous écouter, les deux Henri(y) – l’un plus mouvement général et…agenais, l’autre, plus petit périmètre et…gersois – pendant une longue séance, sous ce crachin de Bretagne qui rend la passe difficile. Nous sommes venus à la demande de Jean-Pierre, troisième ligne sollicité chaque été par les cigales voisines mais resté fidèle au club qui a guidé ses premiers pas rugbystiques. Il est aidé par Jean-Louis Leterre, l’ex-arrière du Boucau des années 70, l’un des deux fils d’un des meilleurs coachs de France, Pierre Leterre, une des chevilles ouvrières de la splendeur tulliste quand le SCT combattait à armes égales avec le CAB. L’ancien – pas loin de 80 ans – est toujours membre du Comité Départemental 47 et garde un œil avisé sur l’évolution de notre sport.

J.P nous confie que, dimanche prochain, lors de la venue des banlieusards agenais, les Cassipontains, il compte bien faire opérer, ensemble, sous le maillot aux couleurs catalanes, un père et ses deux enfants. L’espérance de jeu d’un rugbyman permet, de plus en plus souvent, au niveau des séries régionales, de placer, côte à côte sur le terrain, un papa et son fils ; c’est beaucoup plus rare quand il s’agit d’un duo de rejetons ! Alain, 47 ans, employé de mairie, responsable des Espaces Verts de la ville – allez donc visiter son parc fleuri – est à la fois, joueur de la Réserve après avoir longtemps occupé un poste de seconde ligne au niveau de l’équipe fanion, et également, éducateur de l’école de rugby et ce, depuis 1984. D’ailleurs, coach Jean-Pierre a débuté sous ses conseils avisés et avoue qu’il doit à son mentor la passion de l’ovale. Le fils aîné, futur ingénieur, poursuit ses études dans une grande école de Grenoble et pratique au sein de l’université. Les vacances de février l’ont ramené à la maison familiale et au stade Louis Jamet, la première jouxtant le second. C’est un bon trois-quarts centre mais son éloignement ne lui permet pas d’évoluer régulièrement dans les lignes arrière aiguillonnaises. On n’a pas les moyens de payer l’avion hebdomadaire ! L’autre fils, le petit dernier, mesure 1,97 m, pèse 106 kilos, ne manque, bien sûr, pas de puissance mais fait preuve également de beaucoup d’adresse. Vous comprendrez qu’un potentiel pareil ne peut échapper aux yeux des sergents recruteurs du SUA et j’ai fait, lors des deux derniers printemps, le siège de ce jeune géant…en vain ! On est bien à Aiguillon et on a aucune envie de quitter le cocon familial. Dimanche, ils seront tous les trois sur le pré et tant pis pour Pont du Casse !

Vendredi 19 février

De la boue jusqu’aux mollets et quatre loupiotes pour éclairer ma lanterne. Sur le piton, la basilique de Peyragude brille pourtant de mille feux. Bien avant Bernadette, dans les premiers temps du christianisme, une bergère y aurait aperçu la Vierge. Nous sommes un peu moins d’une trentaine à peiner sur le terrain annexe de Saint-Sylvestre pendant que les footeux squattent le terrain d’honneur. Les coachs pennois ont énuméré la longue liste des blessés et ne m’ont donné qu’une seule recommandation : ne pas allonger la kyrielle des indisponibilités sinon la réception de Layrac risque d’être encore plus épineuse. Patatras ! Un petit quart d’heure, un skill australo-néo-zélandais provoque le télescopage du meilleur avant local avec le sauteur attitré de l’alignement. Arcade en vrac pour le premier, nez cassé pour le second ! De quoi calmer les meilleures ardeurs et diminuer un moral déjà limité. La suite de l’entraînement restera des plus pacifiques. Une douche agréable, la chaleur du préfabriqué qui sert de club-house, quelques bières, les effluves de la tartiflade, relancent rires et bonnes humeurs. On s’est entraîné une petite heure, on va rester à table deux fois plus longtemps mais ce temps paraîtra bien court tant il fut sympathique.

Le Président de l’ASPSS, joues roses et la soixantaine souriante, fringué à ma mode, m’a placé sur son oreille droite : l’intonation parisienne impose au gascon de la taquiner : "Comment peut-on devenir Président d’un club de rugby du Sud-Ouest avec un tel accent ?
J’ai rien demandé, on est venu me chercher parce qu’il n’y avait soi-disant personne pour occuper le poste. Je ne connais rien au rugby mais j’apprends.
Vous faites quand même l’équipe ?
Non, je n’ai aucune compétence. Par contre, ce sport me séduit beaucoup : les relations humaines y sont très fortes… "

Il montre du doigt toute la tablée, géants et nains, ventripotents et squelettiques, jouvenceaux et vieux bricards, ouvriers, paysans et fonctionnaires, sans emploi… des fous rires et des tapes dans le dos. Même les deux blessés sont requinqués !

Je poursuis dans les piques gersoises :

"Ici, on commence Président du club de rugby et on finit…Maire et Conseiller Général."

Vive répartie : "La politique, j’ai déjà donné… Le rugby me permet de l’en consoler…"

Sur l’autre chaise, l’autre voisin, professeur de biologie dans un collège de Villeneuve/Lot me glisse : "C’est l’ancien chef de cabinet de Miterrand" et il ajoute le nom, G.M. Des bouffées de souvenirs s’entrechoquent dans ma mémoire : la découverte des "bretelles" du Président par le Canard Enchaîné et Libération en 1993, les écoutes téléphoniques qui dataient du premier septennat avec la hantise du Chef de l’Etat de la mise sur la place publique de la fille adultérine, Mazarine, du passé auprès de Vichy et des prémices de la maladie. Des noms resurgissent : Christian Prouteau, le chef de la cellule anti-terroriste et ancien chef du GIGN, le capitaine de gendarmerie Paul Barril, également ancien chef du GIGN, Jacques Verges, Jean Edern Hallier, Edwy Plenel et même Carole Bouquet ! Qui n’a rêvé d’entendre la voix de l’actrice tout près de son oreille ?

Mon voisin ajoute : "C’est un super gars : simple, ouvert, tolérant". Je n’en doute pas. Je sui sûr que G.M a suivi loyalement jusque au-delà de la ligne, les ordres du Président. Il a payé le prix de la parole donnée, de la fidélité à l’engagement, Miterrandiste jusqu’au bout. L’ancien grand patron d’EDF dirige maintenant un modeste club de rugby de Promotion Honneur du Comité Périgord Agenais ! Admirable !

Samedi 20 février

Le terrain annexe d’Aguilera sous les eaux ; nos Crabos y perdent leurs plumes tandis que les Reichels imposent leur puissance. Au second match, un de mes anciens élèves (brillants !) de Carnot tient le sifflet. Son bilan : trois cartons blancs et un carton jaune contre la "maison bleue". L’avais-je donc si souvent puni ? Le long de la main courante, Benjamin Gélédan, un autre potache de Carnot, maintenant équipe de France des moins de 20 ans. Ne manquait que la présence d’Arnaud Mignardi peut-être le plus doué des générations Carnot – avec Erwan bérot ! – mais pas forcément le meilleur élève…surtout en anglais !

A la réception, absence remarquée de Michel Célaya, si proche des jeunes du B.O. Je m’en inquiète et mes interlocuteurs font preuve du même étonnement. J’espère que Michel est en pleine forme. Michel, un autre exemple de fidélité !

Dimanche 21 février

Antoine-Béguère, le stade magique, celui qui nous a marqués, toute ma génération, bien plus encore que Colombes, Ernest-Wallon, Jules-Soulé, La Croix du Prince, Sauclières, ou Mathalin. La galerie des portraits des internationaux couvre l’entrée Ouest. Au sud, les Pyrénées et le Pic du Midi découpent l’azur de leurs aiguilles couvertes de neige. Dans les grandes tribunes trop vides, un demi millier de supporters se sont massés côté Est. Mon voisin : "On a pourtant battu le rappel pour être nombreux car il s’agit d’un match de survie."  Déjà condamné aux play-down, le F.C Lourdes reçoit Le Bugue et une défaite à domicile entraînerait un déficit de points préjudiciable quant à la lutte pour le maintien en Fédérale 1. Et oui, ce club qui faisait si peur aux plus grands : le Stade toulousain, Agen, Béziers, Narbonne, Toulon, l'Usap, etc… etc… a maintenant peur du Bugue ! Et aujourd’hui, ils ont bien raison de craindre ces descendants de l’homme de Cromagnon métissés de Fidjiens et de Géorgiens. Les Pyrénéens peuvent rendre grâce à l’unité de leur mêlée et surtout à la précision de leur buteur Mathieu Pouey – 4 réussites sur 4 tentatives – Les riverains de la Vézère souvent sanctionnés peuvent nourrir des regrets, un de leurs avants ne pouvant passer les bras à 5 minutes de la fin pour décaler l’ailier François Beaugendre et l’expédier vers le succès. Mon voisin poursuit : "Heureusement que nous avons Michel Crauste, il tient le club à bout de bras"…Quelle fidélité ! Michel Crauste, 62 capes et 3 Brennus, 10 ans de Présidence ! ! ! En quittant le stade, je rencontre Michel Hauser, - 1 Brennus, 1 cape, 1 club – encore sous l’émotion du final et de la peur de perdre…Un autre fidèle ! "Ceux qui vivent sont ceux qui luttent".

Mercredi 24 février

Beaucoup de monde dehors car l’église de Bon-Encontre est trop petite. Ils sont nombreux à vouloir l’accompagner, joueurs, dirigeants et supporters du RCBB en tête. Dimanche, ils ont joué pour lui, son fils Jérôme en tête et à l’ouverture, buteur de surcroît alors que l’autre enfant Frédéric conseillait le même jour, l’équipe réserve, également victorieuse. A mon arrivée à Agen, nous nous étions disputés à propos d’un seconde ligne des Espoirs qu’il avait récupéré. Cette "chamaillerie" nous avait finalement rapprochés. J’appréciais sa finesse, ses traits d’humour, ses réparties vives : un homme très intelligent qui disait devoir sa réussite à la musique. Bien que responsable d’une entreprise d’une quarantaine d’employés – Futur Agri - bien que faisant partie des Mousquetaires du SU Agen, il restait fidèle à son club du RCBB dont il assumait énergiquement mais avec doigté la Présidence. C’est sur un air d’accordéon qu’il nous a quittés. Ceux qui vont lui succéder savent qu’il leur a tracé le chemin à suivre.

Jeudi 25 février

Stage Cadets ; à midi dans la salle Pierre Clerc, 60 appétits juvéniles creusés par les exercices du matin. Aux cuisines, au service, au nettoyage de la salle, à la vaisselle…les éternellement fidèles du SUA, Nelly et Marie-Claude, aidées par l’impériale Nicole. Un mot aussi pour Patrick aussi bien supporter de nos jeunes que de la Première. Quelles chances pour la Maison Bleue !

Dans l’ascenseur, ma voisine toujours plus belle, toujours aussi fidèle… à l’immeuble ! Quelle chance pour moi !

P.S : Sur l’histoire de la Maison Centrale dont il est question dans le dernier blog, Henri m’a prêté un superbe livre : "L’insurrection d’ E…. , 19 février-23 février 1944. Une prison dans la Résistance", 1974 Editions Sociales. Cet ouvrage remarquable a été conçu par l’Amicale des Anciens Détenus Patriotes de la Centrale. Vendredi dernier, en passant devant la gare de Penne d’Agenais, je ne me doutais pas que c’est de cet endroit que partirent, vers Dachau, en déportation, 1200 prisonniers d’E. , le 30 mai 1944.

P.S bis : Aiguillon a écrasé Pont du Casse 44 à 14 et Penne n’a pu vaincre Layrac 10-18. Les trois B…. ont survolé les débats et le Président de l’ASPSS n’a pas démissionné : Fidèles !

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