La chronique de Rodolphe Rolland

Par Rugbyrama
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Dans sa chronique, Rodolphe Rolland évoque bien sûr la finale du Top 14 qui opposera Clermont à Perpignan samedi. Et, à l'instar de Pierre Villepreux, il attend du jeu et milite pour la responsabilisation des joueurs.

Bien sûr, la finale inédite qui approche va dépoussiérer le Brennus et effacer pour un soir l'empreinte écrasante des deux Stades.

Bien sûr, ce sacre du printemps avec ses "nouvelles" têtes de gondole, est peut-être le signe annonciateur d'un renouveau dont le rugby français a besoin.

Bien sûr, basculant les indéboulonnables autocrates de cette dernière décennie, Clermont et Perpignan vont donner sans doute de nouvelles couleurs à la grande fête.

Bien sûr enfin, il y a, énumérées ci-dessus, maintes raisons de se réjouir. Alors, pourquoi cet air maussade ?

C'est que je ne peux me départir d'un enthousiasme mitigé, d'un certain vague à l'âme causé a posteriori par ces deux demi-finales incolores.

Vrai, c'est un sentiment de frustration inquiète qui l'emporte, frustration quant au peu de jeu proposé dans ce qui devrait être l'aboutissement d'une saison et qui fut, au final, le reflet fidèle de ce Top 14 mi-figue, mi-raisin dont Marc Lièvremont dénonçait hier encore la faiblesse du niveau. Je nuancerai toutefois mes propos, avouant sincèrement que des quatre équipes engagées à l'examen de passage, seul l'USAP aura honoré son contrat et gagné l'estime des plus incrédules.

Pour le reste, j'enrage, oui j'enrage de voir tant de potentiel réduit à l'étroit de ces stratégies du moins.

J'enrage d'attendre après trente-six chandelles, qu'un Stade français, qui en a aussi gardé sous le pied, daigne bien aérer enfin son rugby.

Je fulmine de voir la cavalerie clermontoise, celle de l'offensive grand veneur, limiter son jeu à ce service minimum à une passe qui trouve sa justification dans un excessif "qui peut le moins, peut le plus".

Pierre Villepreux, dans une chronique d'octobre 2008, avait stigmatisé cette tendance préjudiciable du rugby français à abuser des schémas tactiques structurés à outrance – le "game plan" comme on le nomme outre-manche – au détriment des choix spontanés et d'improvisations qui exigent du joueur de répondre idéalement et dans l'urgence à une situation donnée.

L'exemple de ces demies lui a donné mille fois raison : Paris incapable de changer de stratégie (?) en cours de jeu, Clermont s'en remettant à l'agressivité de sa défense et aux diagonales de Brock James pour repousser des toulousains exsangues. Des choix élaborés minutieusement par les staffs, décortiqués puis mijotés par nos gâte-sauces, concoctés, imposés, pour donner ce spectacle d'une rare indigence mais qui s'avéra gagnant pour Clermont comme il s'avéra gagnant pour l'équipe de France face aux All-Blacks à Cardiff ! La suite ? Les Anglais pour nous rappeler qu'on ne pouvait reproduire successivement telles poussées subites de testostérone (comme après le France-Galles de 2009) et qu'un système basé essentiellement sur le contre ne saurait faire foi de véritable stratégie.

Ah, il faudrait pouvoir confisquer le joystick des mains des coachs et rendre le jeu aux joueurs, ou plus simplement selon Villepreux, "que les formes et le travail d'entraînement donc toute la démarche de formation crée cette responsabilisation tactique et les fassent entrer dans d'autres attitudes mentales par rapport au jeu".

Seulement, c'est compter sans les joueurs eux-mêmes. Bien à l'abri derrière le rassurant des options tactiques pensées par d'autres, choyés, assistés par SMS dans leur vie quotidienne.

Devra-t-on les forcer à se libérer et à libérer le jeu par la même occasion ?

Que Guy Novès, du bord de touche, enjoigne à son capitaine de prendre les trois points d'une pénalité contre Cardiff en avril dernier me sidère ! Comme me sidère cette gestion du quotidien des joueurs de Clermont par SMS. Ils ne peuvent pas décider par eux-mêmes !

"A ce rythme-là, ils devront bientôt lever la main pour aller pisser", confiait Michel Desfontaines, ancien journaliste à L'Equipe.

Comment des individus peuvent-ils conserver leur libre-arbitre alors qu'ils sont assistés à ce point jusque dans leur vie courante ? Comment les joueurs peuvent-ils faire de bons choix quand sans arrêt on choisit pour eux ? Peut-on envisager d'étendre le système SMS de Clermont pour prévenir le titulaire d'un passeport de l'invalidité de celui-ci ? Tant de questions...

Le renouveau du rugby français !

Il ne passe pas nécessairement par cette finale inédite, mais par la volonté à restituer au joueur sa place au centre du collectif, pour qu'il soit décisionnaire du jeu.

Après tout, la Renaissance avait bien placé l'homme au centre du monde.

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