La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, le manager du SU Agen.

Routes du Gers

Lundi 14 septembre

Chaque lundi, il pensait que rien ne pouvait lui arriver de mieux qu'emprunter la Route du Gers. Cette fois-ci, le rendez-vous professionnel avec un journaliste ami l'avait détourné par Astaffort au lieu d'emprunter son chemin traditionnel de Laplume : Astaffort, la bourgade de Francis Cabrel et de Pierre Gardeil, un lieu inclus dans le département du Lot-et-Garonne certes mais si gascon, au sud de la Garonne. Une cité qui lui paraissait d'autant plus gersoise que son nom signifie littéralement " qui résiste vaillamment ", devise correspondant si bien au FC Auch Gers. D'ailleurs, le Prince de Condé en personne, y avait reçu un bon coup de pied au c…pendant la Fronde et la milice avait eu besoin du secours des allemands après s'être fait tirer les oreilles par les maquisards du Corps franc Pommiès venus bien sûr…du Gers.

Lui, plutôt mécréant après avoir été si longtemps…enfant de ch&oeligur, avait rendez-vous avec un autre mécréant devenu pourtant propriétaire du presbytère de l'église Saint-Félix :Sans doute un premier grand pas plus ou moins conscient vers le repentir et l'absolution divine. La conversation, preuve supplémentaire qu'Astaffort est bien gersoise, avait tourné uniquement sur les dernières joutes qui venaient d'affecter le FCAG, une querelle entre le Président de la SASP et celui de l'Association, une querelle qui lui paraissait, depuis Armandie, incompréhensible. Il avait passé dix années auprès de B.S qu'il savait viscéralement attaché aux vestiaires du Moulias et il avait cherché vainement, tout aussi longtemps, à intégrer E.B au sein des rouges et blancs. Il savait les moyens financiers que ce dernier représenterait ; il savait aussi que sa rigueur dans les affaires, améliorerait la gestion d'un club trop souvent dans la lunette de la DNACG. En juin, ils s'étaient rencontrés autour d'une des meilleures tables gersoises, une discussion claire, franche, précise. Le Président avait parfaitement compris que le soleil auscitain ne pouvait continuer que par une politique de formation efficace. De son côté, il avait largement plaidé pour la venue de G.P aux manettes de l'équipe, accompagné par son " beauf " J.S, directeur justement du Centre de Formation. Il avait également vanté les mérites de G.L son ancien collaborateur, l'Henri Cazaubon du FCA, une mémoire du club mais aussi le garant de la technique et de l'esprit auscitains.

Ce lundi, il aurait bien demandé à son hôte B.C de l'accompagner pour visiter les ruines romaines, admirer les maisons à pans de bois ou encore se rendre sur le champ des Huguenots mais un journaliste est toujours dans l'urgence et l'invité emprunta directement la voie romaine pour rejoindre Lectoure. Pourtant, il n'aimait guère ce chemin, le jugeant trop dangereux, les automobilistes roulant à vive allure malgré l'étroitesse de la chaussée, mais deux lourds camions le précédaient et il savait que, dans la Nationale, il n'aurait aucune opportunité pour les doubler dans la longue cote de Ste-Mère. D'ailleurs, entre Agen et Auch, il était pratiquement impossible d'accomplir un dépassement sans mettre des vies en péril.

Au pied du Bastion, soudainement l'idée lui vint de quitter la vallée du Gers pour rejoindre celle de la Baïse, une route inconnue pour lui pourtant si fier de son pays. Il n'allait pas regretter son saute-mouton par Terraube, le Mas d'Auvignon, St-Puy, jusqu'à Pléhaut. Une terre riche, cultivée jusqu'à l'excès d'immenses parcelles, peu de bosquets, encore moins de haies, de grosses fermes seigneuriales sur les tucos. Le soleil avait brûlé les chaumes et le tournesol venait d'être récolté. L'ocre dominant évoquait l'Estremadure. Dans la brume, il devinait l'Arbizon et le Néouvielle. Encore une fois, il était fier de son pays. A Pléhaut, il bifurqua vers le Sud, rejoignit St-Jean-Poutge, le pays de F.M, traversa le Brouilh. A l'Isle de Noë, il reconnut les volets bleus de la maison de Sylvain et jeta un &oeligil sur le château de Cham. Au carrefour du Trouette, il attendit patiemment que le flot de voitures venues d'Auch soit passé pour franchir la 21. Depuis qu'il avait emprunté la départementale 639, il n'avait eu de cesse de conduire prudemment par crainte des virages, des platanes et…des gros camions espagnols qui ont l'habitude de foncer à tombeau ouvert entre Garonne et Pyrénées.

Jeudi 17 septembre

C'est une séance impromptue sans aucune préparation, un peu comme ces fêtes non préparées et qui s'avèrent les meilleures ; ce soir, les Espoirs, après le long entraînement de la veille, sont au repos ; à peine une légère séance de musculation ; les stagiaires du Centre de formation s'ennuient dans l'attente du dîner. Sur Armandie, ils sont 9 autour de moi, 6 avants, 1 ouvreur, 1 centre et 1 ailier : un Montferrandais, la tête à notre prochain match contre les jaunards, les deux Géorgiens, le Fidjien, le Tahitien, le Namibien, un jeune toulonnais et mes deux gersois. A l'improviste, nous allons travailler le jeu aérien, des renvois, des diagonales, des touches, le tout réalisé sans prise de tête, dans les rires et la galéjade. Florian et Miko progressent dans les airs, Marc améliore ses lancers, Teamo ses réceptions, Kasper et Sylvain leurs soutiens, Christopher et David leurs drops et leurs up and under. Leka prend la grêle stoïquement. Le temps passe vite quand on travaille dans la joie et c'est Thérèse qui nous extrait du terrain en criant que la soupe est prête. Encore un moment de bonheur.

Samedi 19 septembre

Le B.O, même à l'extérieur, continue de faire confiance à ses deux lutins Lesgourgues et Couet-Lannes ; presque aussi jeune qu'eux, le centre Gimenez venu du Stade Toulousain, confirme les promesses entr'aperçues jusqu'à ce jour. Cela n'empêche pas la rentrée de Yachvili apportant toute son expérience en deuxième mi-temps. En face, la coalition étrangère ne parvient pas encore à jouer dans le même tempo. A propos, les Espoirs de Brive ne détiennent-ils pas le titre national de la catégorie ? Que deviennent-ils ?

Dimanche 20 septembre

Le car Pascal avec Francis et Valérie au volant déroule sur les 500 km d'autoroute qui séparent Agen de Clermont. Impossible de trouver la moindre voie de ce type dans notre Gers. Un bien ? Un mal ? C'est à midi que tombe la terrible nouvelle : Florian, 18 ans et 3 mois, international junior, formé à l'UA Vic-Fezensac puis au Football club Auscitain, SUA depuis un trimestre, s'est tué contre un platane entre Valence sur Baïse et Condom. C'est dans le club de basket qui réunit ces deux villes que notre géant de 1,98m avait débuté sa carrière sportive. En juin dernier, avec mon ami Francis, nous étions allés le chercher dans son village de St-Jean-Poutge pour rejoindre la maison bleue. C'est en se rendant au match des Reichel prévu sur Armandie que la mort l'a pris, trop jeune, trop gentil, trop plein de vie, numéro 5 sur le stade, numéro 25 des accidents mortels qui endeuillent depuis le 1er janvier notre si beau ( ?) pays.

Mercredi 23 septembre

Ce matin, sur la route de St-Jean-Poutge, aux dangers déjà décrits, s'ajoute le brouillard, un brouillard tenace comme ceux de Garonne. On croit l'abandonner sur les hauteurs de Laplume où un coin de ciel bleu s'entrevoit mais nous replongeons dans la purée de pois en descendant sur la Baïse.

Eglise trop petite ; ils sont là, les dents serrées, les yeux douloureux, les vicquois, les garçons du Pôle Espoir de Jolimont, les auscitains, les sélectionnés du Comité Armagnac-Bigorre dont des Tarbais qui auraient du jouer contre lui, dimanche après-midi, et bien sûr, tous les Agenais, Leka le fidjien catholique, Kote l'orthodoxe géorgien, Kasper le protestant de Namibie…La mère a le courage de leur parler longuement, sans défaillir, de leur raconter combien Florian aimait le rugby, les aimait tous, maillots rouges, maillots bleus… Elle leur raconte le départ de Florian dimanche matin ; il est parti, grand sourire, heureux d'aller jouer, un signe de la main. En observant toute cette jeunesse déchirée, il ne peut s'empêcher de penser : " Et maintenant, à qui le tour ? "

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