La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez la chronique d'Henry Broncan, manager du SU Agen, qui revient notamment sur le sacre de Perpignan.

Quatre moments de bonheur qui se bousculent en l"espace de quinze jours à peine. Difficile de faire mieux. "Il en est des bonheurs comme des montres : les moins compliquées sont celles qui se dérèglent le moins" a dit Chamfort.

"Pourvu que ce soit là"

Le premier coup de chance ne pouvait être que Gersois ; je suis pourtant un mauvais Gersois car je ne suis pas un des satellites de Pentecôteàvic ; la faute d'abord à une corrida de l'enfance, dans l'arène de Saint-Sébastien où mes 15 ans n'avaient pas supporté le face à face mortel de l'homme et du taureau. Pourtant Dieu sait que les rugbymen sont aficionados. Ensuite la foule, le bruit, les cris, les chants…les ans les rejettent ; "on n'a que le bonheur qu'on peut comprendre" (Maeterlinck). Pourtant, j'ai beaucoup d'amis à Vic et même une cousine plus très proche. Depuis des lustres, je suis obligé de trouver des prétextes fallacieux pour refuser leurs invitations.

Parce qu'il est lui aussi passionné de corrida, je vais à la rencontre d'Henri Cazaubon – le drop miraculeux de 1976 – sur terrain presque neutre : l'auberge de Montréal dont je vous ai déjà longuement parlé. Montréal, c'est Philippe Mothe et les titres SUA de 82, 84 mais c'est aussi le pays de Bernard Laffitte, mon Président pendant la période auscitaine. Le Chef est en forme, torse bombé sous son t-shirt : FCAG sur le cœur et SUA sur le portefeuille. La table abonde aussi : nos compagnons calent sur le magret à l'os et notre Henri toujours aussi serein savoure un cigare ferrassien. De mon côté, j'opte pour l'Armagnac 1944.

Nuitée dans une chambre d'hôte du voisinage, sur le chemin de Compostelle : "Pourvu que ce soit là" c'est l'enseigne de cette ferme de Lasserre de Haut parce que les pèlerins, quand le crépuscule se profilait et qu'ils apercevaient une belle bâtisse, espéraient qu'il s'agissait bien de leur gîte nocturne. D'ailleurs un groupe important de Toulousains en route pour St Jacques occupe les 2 dortoirs. De mon côté, j'ai droit à la chambre coloniale, baptisée "La gloire de mon père", d'un ancêtre officier de l'Armée d'Afrique : un siècle en arrière dans le temps, tout un décor de bibelots, de photos, de statuettes, lit d'époque, oreillers et édredons fleuris. Le divin sera pour l'aurore : le petit déjeuner sur la terrasse, devant les vignes de Tariquet ; le soleil réveille doucement les coteaux assoupis et le village de Lauraët sort de l'ombre. Qu'il est beau mon pays !

Lannemezan chez les Pros !

L'ami du dimanche soir, parce qu'il connaît ma maladresse pour fouiner Internet et parce qu'il sait que je n'ai toujours pas réparé l'autoradio qui me permettait d'être en phase avec Pascale Lagorce, me crie dans le portable : "Lannemezan est en D2 !" Je n'ose y croire : les 6000 habitants du Plateau refrappent donc à la porte des Grands. Ce club que l'on croyait anéanti il y a 9 ans, après son mariage contre-nature avec le gros ours tarbais, ose se représenter dans le monde professionnel à l'heure où l'on annonce ce dernier excommuniant lentement mais sûrement les villes dites "moyennes". En réalité, un club qui a produit, entre autres, Pierre Berbizier, Laurent Rodriguez et Philippe Bérot, trois grands internationaux et trois grands entraîneurs ne pouvait pas se laisser écarter par les exigences financières. Je suis heureux pour des hommes qui ont lutté contre l'inexorable et qui ont gagné : d'abord, un Président qui ne fut pas le meilleur seconde ligne de Bigorre et qui aurait pu lâcher les rênes pour un poste honorifique au sein du TPR, mais qui est resté fidèle à son clocher ; un trio d'entraîneurs remarquables : Marc Dantin dont j'avais remarqué la fougue alors qu'il éduquait les minimes de Blagnac ; Michel Antichan dont j'avais apprécié le sang-froid alors qu'il maniait la raquette et Olivier Argentin, fils de la Save, poussin puis équipier premier du Lombez Samatan Club ; pensée aussi pour ce groupe de joueurs en grande majorité délaissés par les grands clubs : Les Déon, Lacrampe, Sentous, (LSC puis FCAG), Leduc, Pujo... Je me souviens de la réflexion d'un ailier de l'URMC (ex SUA) après l'aller-retour du quart de finale : "Alors, le CAL, ils ne font rien !" ; je lui avais rétorqué : "Ils ne font peut-être rien mais ils gagnent !" Comme si avancer en mêlée, c'était ne rien faire ! Ce dimanche, Lannemezan sera ville déserte ; seuls les détenus de la Centrale garderont la ville. Les rouges et blancs envahiront la Cité de Carcassonne pour affronter les Provençaux d'Aix.

Le sacre de l'USAP 

Trois entraîneurs français dont le maître Gersois de Courrensan, onze français sur le quinze de départ - je rappelle que l'étranger est une richesse mais point trop n'en faut - plusieurs catalans issus du Centre de Formation : la victoire de l'USAP a vraiment fait chaud au cœur même si la dixième défaite de l'ASM avait quelque chose de pathétique. Revenons au cœur et à la "catalanité" : Hines trouve le moyen de préférer la Tournée des Lions au titre avec son club ; Carter est privé de terrain pour causse de blessure – son salaire et son absence ne l'empêchent pas d'être apprécié par ses coéquipiers : ce doit être quelqu'un de bien ! – l'international écossais Cusiter, le fidjien Naulu, le sud-africain Meyer, le roumain Tonita, le tonguien Vaki encadrent les 130 kilos de l'énorme samoan Tuilagi... dans les tribunes du Stade de France. Sur le terrain, Jérôme Porical éblouit les rugbyphiles des finales. Vingt-trois ans, route barrée la saison dernière par Montgomery, concurrencé par Philip Burger, cette saison, voilà enfin le poussin de l'Entente de la Têt à la lumière : l'exemple même du joueur formé dans son pays, à qui les entraîneurs font confiance, et qui se révèle meilleur que la recrue venue de l'autre côté de la terre ! Que dire de David Mélé de Port la Nouvelle propulsé souvent titulaire par le jeu des blessures et qui a toujours répondu présent ; de Jean-Pierre Pérez de Ste-Marie, le gitan aux cheveux longs et aux plaquages fous ; de Guilhem Guirado d'Arles sur Tech, grand deux de demain ; de Guillaume Villaceca, à Céret, Fédérale 2, la saison passée ! de Farid Sid, l'enfant de Rivesaltes ; d'Olibeau le guerrier illibérien et bien sûr du capitaine, Nicolas Mas formé, comme les Lièvremont, par M. le Maire d'Argelès sur Mer. Bravo aussi à la formation française présente sur le terrain par l'entremise de Grégory Le Corvec de La Valette, Damien Chouly du Palais sur Vienne, de Jean-Philippe Grandclaude de Fréjus. En lumière aussi le trio des ex-stadistes : Maxime Mermoz enfin révélé à lui-même ; l'enfant d'Epinal, Nicolas Durand, premiers pas à Valence d'Agen et Julien Candelon, premiers crochets à Tournon d'Agenais ! Encore manquait-il, écartés sur blessures, Adrien Planté d'Elne et Yohan Vivalda, deVilleréal à deux coups de pied d'Agen ! Cette longue énumération pour rappeler que nos meilleurs joueurs ont débuté pour la plupart dans "des petits clubs" auprès d'éducateurs passionnés et enthousiastes. Le titre, c'est la récompense de ces bénévoles sans qui notre rugby serait si pauvre. Ultime cocorico : trois entraîneurs bien français aux commandes !

En face, Nalaga savait-il qu'il jouait une finale ?

Rendez vous chez le Connétable

Agen, de loin, d'Auch par exemple, c'est Basquet, Ferrasse -ordre alphabétique – Lacroix, Sitjar, Zani, Dubroca, Sella, - ordre chronologique – je ne vais pas me faire des amis en sélectionnant ce "sept d'or" parmi la longue liste d'internationaux ! Or, quand vous devenez SUA, vous vous rendez compte que leur maître à tous, leur mentor, LA référence du jeu à l'Agenaise, s'appelle Charles Calbet. Grâce à Pierre Lacroix, j'ai eu l'honneur de rencontrer jeudi, ce personnage dont tous les amateurs de rugby m'ont entretenu longuement avec une admiration sans limite. Il n'a jamais porté le coq mais Armandie est son domaine : trois quart centre, capitaine, entraîneur, secrétaire général... historien. Aujourd'hui, c'est un bonhomme de 95 ans, l'œil vif, incroyable mémoire, beaucoup d'humour, talent narratif, cœur bleu et blanc.

Dès le coup d'envoi, j'encaisse 3 points : "Vous vous souvenez de notre dernière rencontre ?" 

Mine interrogative de l'invité.

"C'était en 1991 lors de la finale juniors entre vos jeunes du LSC et les nôtres... C'est vrai que nous n'avions échangé que pendant une courte minute !"

Le ton est donné : l'Histoire de son cher SUA défile et comme il sait l'attachement à mon pays, après Guiral, Jo Carabignac, Matheu et surtout Bédère – "c'est lui le père de notre jeu" - il sait me placer ses récits sur les Gersois d'Agen, Marcel Laurent, un temps son coach, ancien instituteur de Simorre, Camille Bonnet, trois quart centre, de Nogaro - "très fort" - également instituteur, André Verdier de Gondrin instituteur aussi, "l'oncle de votre si bon 3ème ligne d'Auch". Plus tard, Palladin, Malbet, Biemouret, Mothe, Lacroix, les Condomois... Charles, enseignant aussi, profondément attaché à la noblesse de son métier : les années de bonheur à l'école de Saint Jean de Thurac, les moments de détente le lundi après-midi, grâce aux parties de pêche sur le canal... Le temps passe trop vite : avec Pierrot, nous quittons la villa Jasmin. Peu à peu, je comprends mieux pourquoi le rugby est si fort dans cette ville.

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