La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Notre chroniqueur Henry Broncan revient sur la finale du Top 14. La prestation de son ancien poulain Omar Hasan ne lui a pas échappé...

Samedi 28 juin

"ET OMAR LES A TUER"

Bien sûr que les notes positives, les 5 étoiles, l'oscar du meilleur homme sur le terrain, le micro de "la guille" et les compliments de Pascale... n'ont pas été pour lui, même si Pierre-Laurent Gou a la délicatesse de lui tirer son chapeau et de qualifier d'apothéose sa dernière sortie, même si Grégory Letort qui s'y connaît en mêlées tordues se fend d'un "adieu au Roi", même si Patrick Derewiany nous fait grâce d'une belle photo, gueule ouverte de ténor, yeux féroces de puma et index rageur de vainqueur. A 37 ans bien remplis, après une saison plutôt dans l'ombre, Omar profitant du mal au dos de son concurrent italien, nous est revenu pleine lumière dans l'incandescente soirée dionysienne.

C'est en décembre 98 que Jacques Fouroux, jamais à cours de piliers, après avoir marqué Scelzo, nous a gâtés en faisant venir dans le Gers, le droitier de Tucuman ; Tucuman , je revois les grimaces exaltées et les épaules trépidantes du "Petit Caporal" quand il nous racontait les bouillonnements de la "Bajadita" : "pieds inversés..., tu ne talonnes pas..., secondes lignes bras liés à l'extérieur des fesses des piliers, flankers attachés aux bras extérieurs de ceux-ci... Omar, montre-leur." Et comme Omar encore trop timide, sans un mot de Français sur la langue, ne se montrait pas suffisamment enthousiaste à son goût, Jacques prenait l'un d'entre nous comme vis-à-vis et nous imposait toute l'énergie de son corps de convaincu.

Au F.C.Auch, à l'époque plus Armagnac que Gers, nous entamions notre première saison chez les Pros – 24 clubs –. Notre dernière recrue n'arrivait pas directement d'Argentine ; son périple professionnel l'avait conduit en Australie chez les A.C.T puis en Nouvelle-Zélande, à Wellington. Cet ancien trois-quarts centre, des photos de lui prises sur ses 18 ans le montraient relativement frêle, avait appris là-bas des comportements de haut niveau que les Français, dans leur ensemble ignoraient encore. Côté escalier monumental et d'Artagnan nous étions encore plus en retard à l'image des deux enfants du pays, deux surdoués, Grégory Patat de Bassoues et Jérôme Baradat de Nogaro. Le Café 12 et le Darolles abritaient des 3emes mi-temps d'une envergure bien supérieure aux deux premières. D'ailleurs à l'époque, même le staff : Roland - bravo Colomiers – Gérard pourtant instituteur, Philippe de Vic Fezensac – devinez le programme – et moi-même, nous n'hésitions pas à monter sur les tables des bars les plus "chauds" de la ville. Tous nos joueurs étant pluri actifs nous nous entraînions un peu le mardi et un peu le mercredi, plus doucement le vendredi, toujours le soir, sous les projecteurs bien pâles de Rive-Droite. Et voilà que nous arrive un vrai pro, un Argentin qui ne sait boire que de l'eau, qui réclame une salle de musculation (?) pour chaque matin, qui après chaque entraînement, installe plots et haies sur la piste d'athlétisme pour travailler vitesse explosivité, etc. Stupéfaction d'abord, admiration ensuite et enfin imitation. Bientôt les Thierry, François, Driss, Nicolas, etc. suivent son exemple. Sur le terrain, nous avions déjà une belle mêlée avec Pomes, Marty et Soucek à gauche, Jean-Ba au milieu et Christian à droite. Avec Omar nous n'avons pas été loin d'avoir la meilleure première ligne d'autant que la nouvelle recrue fit rapidement comprendre à Baptiste qu'il lui fallait rester davantage dans la fournaise avant de jouer les voltigeurs. D'ailleurs le SUA à l'époque triomphant suzerain s'empressa de nous les ravir, tous deux, à l'été suivant. Je me souviens entre autres d'un pack de Béziers concassé au Moulias, de Diomandé alors jeune gaucher puni à Kaufman. Quand son pack lui avait donné satisfaction, Omar le récompensait en lui donnant sa voix de baryton et les murs de nos vestiaires se mettaient à trembler.

Samedi soir, j'ai compris dès son entrée sur la pelouse, poings et dents serrés, qu'il serait à l'apogée. Des signes ne trompent pas : juste avant le coup d'envoi, Kelleher est venu le prendre dans ses bras. Byron en formidable demi de mêlée qu'il est, ne s'est pas trompé : il sait bien qu'à son poste, on ne peut se faire la belle que si le côté droit avance. A la fin du match seul le numéro 3 sera porté en triomphe : Albacete et Basualdo les compatriotes, le hisseront sur leurs épaules admiratives. A peine le temps d'en descendre et Yannick Bru, encore un entraîneur gersois, viendra l'étreindre longuement, le remerciant, en grand connaisseur, pour la prestation fournie. Auparavant Emmanueli – un des meilleurs gauchers de France – n'avait pu lui résister au-delà de l'heure de jeu et le jeune Domingo, en 28 minutes, a sans doute plus appris que dans toute sa carrière. Ecoutez, je crois bien qu'Omar va encore remettre à plus tard sa carrière de chanteur.

Invité avec Elie par le club de Bobigny, nous participons au bonheur des Balbynesiens : deux joueurs formés par eux ont fait partie du camp des vainqueurs ; Yves Donguy élevé dans la cité des étoiles – pas forcément le berceau idéal pour devenir rugbyman – a superbement contré Nalaga et Valentin Courrent, sans doute un peu déçu de ne pas être rentré à la 62eme minute, a inscrit une belle pénalité à la 80eme minute avant de devenir le premier Français Champion d'Angleterre et de... France !

Dimanche 29 juin

C'est sans doute la fatigue de cette longue nuit passée dans une boîte des Champs à refaire le match au milieu des Montferrandais les yeux d'abord humides de larmes puis de houblon – les Parisiennes m'ont paru presque aussi belles que ma voisine – mais cette tour Montparnasse si renommée ne va pas me laisser un souvenir impérissable. Certes, depuis la terrasse, Paris se laisse admirer depuis le Mont Valérien jusqu'au Château de Vincennes en passant par ses sites mondialement connus mais croyez-moi, au Chêne de Theux, vous serez beaucoup mieux. D'abord vous n'aurez pas besoin de vous enfermer dans un ascenseur, même s'il se prétend le plus rapide d'Europe, votre ascension sera gratuite, là-haut, personne ne viendra vous marcher sur les cors et faute de tour Eiffel et d'Arc de Triomphe, vous n'aurez que l'embarras du choix : au sud, le Néouvielle, le Pic du midi et le Balaïtous. Au nord, les vallées des 3 Baïse ; à l'ouest, les coteaux de St-Dode et de Belloc ; à l'Est, ceux de Moncassin et de Miramont d'Astarac ; c'est plus haut, plus loin, plus beau !

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