La chronique de Henry Broncan

Par Rugbyrama
Publié le
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Le manager du SU Agen évoque cette semaine ses souvenirs avec l'arbitre Didier Mené qui a rangé le sifflet il y a 15 jours.

Adieu l'arbitre !

Dimanche 22 février

Leny me montre fièrement, attitudes à l'appui, son vocabulaire rugbystique : "En-avant…mêlée…touche…ruck…flexion, touchez, stop, entrez". Ses deux ans sont vraiment décidés à faire plaisir à son grand-père. Nous attendons l'heure de nous rendre au match d'Espoirs qui va opposer le FCAG au SUALG sur le fameux terrain du Bourrec où tant de visiteurs ont perdu, souvent dans la boue, leurs illusions de victoire. C'est là, entre champ de tir et modeste mais virulente tribune en bois, entre un des rares immeubles de la ville et le Gers encore torrent –gare aux ballons frappés trop longs, l'épuisette est souvent impuissante –que se retrouvent les meilleurs supporters du club, les inconditionnels, avides de se rassembler pour commenter le match de la veille mais aussi pour observer le comportement de la relève. Cet après-midi, après la salutaire victoire sur Béziers, je sais que l'annexe de "Jacques Fouroux" fleurira de sourires d'autant que la première température printanière invite à la promenade autour de l'enceinte. Je sais aussi que la venue du SUA même s'il ne s'agit là que de l'équipe Espoirs est attendue avec des égards supérieurs à l'ordinaire.

Le fils qui aime donner des ordres à son père – chacun son tour ! – "A 16 heures 30, nous reviendrons vite pour voir Stade-Clermont…C'est le dernier match de Didier Mené". L'intention me surprend, non pas qu'il veuille assister à la principale confrontation du Top 14 mais lui qui fait parfois partie de la liste rouge des coachs bad boys du rugby français puisse s'intéresser à l'ultime représentation d'un arbitre, cela m'interpelle !

Avec Didier Mené, j'ai perdu plus de matchs que je n'en ai gagné et pourtant j'aimais bien rencontrer l'homme après chacune de nos rencontres et pas forcément –presque jamais même- pour discuter des pénalités qu'il nous infligeait parfois plus qu'à mon goût. Notre premier rendez-vous eut lieu lors d'un match de Coupe de France pendant l'hiver 97-98, au Moulias. Aux commandes du FCAA, le Président Fouroux, les entraîneurs Lacrampe et Pujo, sur le terrain Ciorascu, Baradat, Patat, Dalgarrondo, Bérot, etc…De notre côté, au LSC, nous connaissions le bonheur et la difficulté d'avoir atteint l'élite 2 et nous devions guerroyer dans une poule très difficile dont le Racing et Montauban occupaient les premiers rangs. Pas question pour nous de "lâcher" le match même si le désir de maintien occupait nos pensées. Au mois de mai précédent, nous avions fièrement conquis notre place en battant St-Paul les Dax sur le stade de Nogaro. Au retour, le car d'Aimé s'était arrêté sur la place de la Libération et devant la Mairie, le Darolles et le siège du FCA, les joueurs de la Save avaient plongé tout nus dans le grand jet d'eau…comme un défi, comme des pavés jetés dans la mare préfectorale.

L'élite 2 était composée de 2 poules de 10. Dans la leur, les Auscitains caracolaient en tête, sûrs de leur mêlée et de leur alignement. Nous nous battions au fond du classement de l'autre mais en ce dimanche frileux, nous étions galvanisés par l'envie de nous confronter avec les "nantis" de la cathédrale. Désigné pour ce choc par la sagesse fédérale, Didier Mené était déjà installé dans le panel : il avait rang parmi les arbitres internationaux et dirigeait des rencontres du Tournoi des 5 Nations ainsi que des tests matchs dont le fameux All-Blacks-Afrique du Sud de 96 qu'il cite comme étant son meilleur souvenir de referee. De notre côté, nous ne le connaissions que de réputation mais nous n'avions accordé qu'une importance minime à sa désignation. Ce n'était pas un sifflet de Provence qui allait calmer nos ardeurs !

A 15 heures, le Gers s'était donné rendez-vous au Moulias. Lombez et Samatan s'étaient vidées pour accompagner les "petits rouges". Nous nous étions préparés chez des amis auscitains parents de Chantal et la cuisinière doit culpabiliser encore car nous n'avions guère fait honneur à ses plats, la faute à cette boule qui rongeait nos estomacs car nous avions aussi un peu peur d'être ridicules sur le pré. Notre mêlée avait-elle reculé ? Les Auscitains l'ont chanté par la suite. C'est bien possible car Christian Rocca, la petite boule de Montaut les Créneaux, adepte de la Bajadita chère à Jacques, et Jean-Baptiste Rué, le futur SUA, avaient unis leurs efforts pour faire exploser notre talonneur, le vaillant Balat.

La bagarre a duré une bonne minute et Didier a sorti notre premier carton rouge : Yohan Marty, le robuste pilier de St-Elix le Château, maintenant pensionnaire du Président Laterrade à l'Entente Astarac Bigorre, dut regagner les vestiaires sous l'opprobre de la tribune auscitaine. Il fut accompagné par le seconde ligne du FCA, l'immense Sandu Ciorascu. A ce sujet, peut-être M. Mené s'est-il trompé ? Le colosse des Carpathes était à ranger dans le camp des pacifiques. Marty fut donc le premier des cartons rouges que nous distribua un arbitre international. Il y en eut d'autres : Raphaël Bastide dès les premières minutes d'un FCAG-Brive, Nicolas Laffitte lors d'un Castres-FCAG du Top 14, etc…5 ou 6 au bas mot, mais le plus médiatisé restera dans nos mémoires celui infligé à notre brave docteur Jacques Estingoy lors d'un SUA-FCA disputé sur Armandie au printemps 2005. Au match aller, arbitré par M. Gastou, nous nous étions imposés grâce à la force de notre mêlée, Yohan Marty dominant en particulier Christian Califano. Au retour, Jeannot Crenca avait su prendre les affaires en main en punissant Gregory Menkarska alors étoile montante –adjectif plutôt négatif pour un pilier – Conrad Stoltz avait traversé Jérôme Suderie et Caucaunibuca exclus au Moulias, s'était envolé à deux reprises vers notre en-but. Fiers comme des…Gersois, nous vivions mal l'humiliation de la domination agenaise. Jacques et son c&oeligur ancré dans la Patte d'oie encore plus mal que nous ! Estimant les "rouges" trop sanctionnés par le referee, et profitant du temps mort occasionné par une de nos blessures, il vint se plaindre des trop nombreuses sanctions que nous subissions. Didier, un brin agacé, un brin provocateur :

"Docteur, vous avez un problème ?" Réponse aigre de l'intéressé : "Oui, et c'est vous mon problème !" Rouge du maître des lieux et dépit du praticien…rouge de colère. Le sac de médicaments sera lancé sur les crampons de l'Autorité : Elastoplast, Synthol, Dafalgan, huile camphrée…le tout dans le désordre. Nos joueurs plièrent les genoux pour ramasser les dégâts et pour permettre à la partie de continuer. Exaspéré, Jacques lança un bras d'honneur direction la tribune Ferrasse, enjamba difficilement la talanquère et menaça le public d'une expédition punitive. Dalomis qui devait être déjà à la tête de la sécurité dut empêcher le pire.

La mémoire est quand même sélective et je me souviendrai surtout d'une magnifique victoire remportée par le LSC contre Oyonnax pour un match de maintien en Elite 2 en Mai 98. Le lendemain, j'annonçais mon départ pour Auch. Au printemps 2007, en battant le TPR, nous assurions avec le FCA la montée en Top 14. Le lendemain, j'annonçais ma signature au SUA. Dans la soirée, nous avions eu l'occasion de discuter longuement. Il savait ma passion pour l'histoire de la Résistance, je découvris cette nuit-là celle qu'il portait à l'Histoire de la Retirada, lui fils et petit-fils de Républicains espagnols parqués sur les plages catalanes en 1939.

A son large crédit, j'attribue le superbe cadeau de la Noël 2007 avec les 3 essais de Caucaunibuca et les 33 à 0 infligés au RCT de Boudjellal, Umaga et Gregan ; Notre dernier rendez-vous eut lieu au Moulias en janvier 2009 lors du dernier FCAG-SUA. J'aurais pu le féliciter à la fin du match mais ce soir-là, j'avais trop de peine pour les vaincus.

Le plus beau compliment que je puisse lui adresser, c'est de lui dire qu'avec lui, quand il était désigné pour un match à l'extérieur, nous étions rassurés parce que nous savions qu'on pouvait gagner. Par contre, on le craignait beaucoup quand il venait chez nous. Depuis une dizaine d'années, on s'aperçoit que l'arbitrage à domicile a quasiment disparu. Cette évolution, on la doit beaucoup à Didier Mené, toujours exemplaire dans ce domaine… Je vais regretter nos rendez-vous…d'après match !

Vendredi 27 février

Beaucoup de critiques sur la désignation de la date et pourtant le Stade de France est bien plus motivé le vendredi soir, que celui du samedi après-midi contre l'Ecosse. Comme d'habitude, les coqs, le dos au mur, le couteau gallois sur la gorge, sont parfaits. Ne pas oublier cependant les dernières offensives stoppées de justesse près de notre ligne et qui auraient pu être néfastes. Restons humbles !

Dimanche 1er mars

Pour le Carême, le SUA en habits de printemps, inflige 9 essais à de courageux mais dépassés Bressans. Encore 14 Espoirs au stade de la Verchère et un superbe encadrement des anciens. La difficile tribune de la CGT applaudit l'adversaire, debout. Restons humbles !

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