La chronique d'Henry Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Vendredi 13 juillet :

Fin du séjour à Super-Besse, depuis 1990, nous sommes une bande d'amis fidèles, de véritables amis qui ont l'habitude de se retrouver autour certes du rugby mais souvent à la table de la convivialité, de la confiance et de la complicité. Nous en profitons pour faire un peu de montagne : ascensions du Chambourguet et du Puy de Sancy - rassurez-vous, des enfants de 4 ans nous disputent la plate forme ! - Pèlerinage à Notre Dame de Vassivières - l'un d'entre nous n'oublie jamais de lui consacrer un cierge ! - pour déstresser tout en recréant le monde - politique, social... rugby - autour d'un verre - de plusieurs verres - encore que cette fois-ci - l'âge ? - nous aurons délaissé, pour la première fois, la mise au rouge du Buron, la boîte de nuit jusqu'alors incontournable... les débuts de la sagesse ?

Il y a quand même beaucoup de rugby là-dessous puisque c'est ce sport qui nous a réunis ; le thème choisi par Philippe Rouzière, le CTR du comité Auvergne était cette année : "le rugby c'est pas sorcier". Parmi les interventions, j'ai particulièrement apprécié celle d'une chercheuse de l'INSEEP, Sylvie Peres, catalane d'origine : elle a travaillé sur le métier d'entraîneur auprès d'une douzaine de directeurs techniques nationaux de diverses disciplines ; on pourra lui rerocher d'avoir délaissé notre Jean-Claude et d'avoir peut-être abusé des sports individuels mais le résultat de son travail nous a paru particulièrement intéressant. Sylvie a relevé 14 dilemmes dans notre profession ; ils sont souvent évidents mais ils ont besoin d'être rappelés fréquemment.

Je ne vais pas tous les citer mais pour ceux qui sont intéressés, ils peuvent consulter l'ensemble de l'oeuvre dans Google Omnas. Entre autres, j'ai particulièrement noté les variations entre les données observables et numériques (statistiques, tests...) et le jugement intime fondé sur l'intuition (l'oeil du maquignon...), l'écart entre le projet initial que l'on a construit et la nécessaire régulation et adaptation face à la réalité du terrain, la recherche de la charge optimale de travail par un glissement permanent entre sous charge et surcharge... le déplacement du curseur entre les relations collectives : la parole publique au groupe et les relations individuelles : le propos intime au particulier, le conflit personnel entre l'exigence de rigueur et de réalisme et l'envie de tenter des choses nouvelles, d'innover et de "construire des rêves" etc... la passion que l'on met dans son métier avec l'ambition de se perfectionner, de progresser, de tout savoir et la préservation de sa vie privée : il paraît que beaucoup d'entre nous ont du mal à rester mariés plus de 5 ans !

Un jeune CRT du Comité Périgord Agenais nous a présenté un travail réalisé sur le coaching, en TOP 14, pendant la saison 2005-2006. Des évidences, par exemple, les premières lignes sont les joueurs les plus remplacés et c'est, autour de l'heure de jeu, que les changements les plus nombreux ont lieu : quelques interrogations : après les joueurs cités ci-dessus, c'est le numéro neuf qui est le plus souvent suppléé ; enfin en 2005-2006, c'est le Champion de France, le Biarritz Olympique qui a exécuté le moins de transformations par rapport à l'équipe de départ. Il faudrait étudier la saison 2006-2007 pour voir si le Stade Français en a fait de même. On sait que leurs jokers ont été particulièrement efficaces dans les phases finales et que les coachs ont largement ouvert les portes de l'équipe I pendant la saison. On sait aussi qu'ils ont très peu utilisé leur second numéro 9 en cours de match et pourtant JF d'Agen et AA de Castres ne sont pas les premiers venus.

Dans ma chambre, OR de Fleury les Aubrais - une gare et lui ! - et DG du Métro Racing - la RATP et Foncia ! - ont affiché un article publié dans le dernier MO. Titre provocateur : "je rêve de voir Toulon et le Métro Racing en TOP 14", signature de Serge Blanco ! Lundi matin, en rejoignant mon bureau agenais, sur le paper board, Laurent LUBRANO, mon directeur général, avant de partir en vacances, n'a pas oublié de coller la même publication : je ne pense pas l'enlever avant juin 2008 !

Fin de stage et bilan : OG l'ancien pilier de Rumilly regrette qu'une étude n'est pas été réalisée sur "l'entraineur dans la tourmente". Une autre année peut-être ! Je crois que chacun d'entre nous pourrait témoigner : les résultats qui ne suivent pas le travail accompli, les faux amis qui s'en vont, le public qui nous siffle, le Président qui vous lâche - l'un d'entre nous a écrit : "Méfie-toi quand un Président affirme qu'il te renouvelle sa confiance... c'est le début de la fin ! - les joueurs qui ne croient plus à ton message, ta femme et tes enfants qu'on "pourrit" dans la rue et à l'école..." Vous me répondez : "c'est vous qui avez choisi la charge" et vous avez raison.

Samedi 14 juillet :

Retour dans les embouteillages autour de Brive et traversée du Lot et du Lot-et-Garonne. Le plaisir de visiter Tournon d'Agenais, cette harmonieuse bastide construite sur un site défensif par ordre d'Alphonse de Poitiers, disputée par les Anglais et les Français, les Protestants et les Catholiques. A la terrasse de l'hôtel du Beffroi, je me retrouve d'ailleurs, seul Français au milieu des sujets de la Gracieuse Majesté. A ce propos, j'ai appris que la préface - que j'avais rédigée - de l'ouvrage de BC a été refusée par l'éditrice de ce dernier qui l'a taxé d'anglophobie primaire. Je trouve que cette dame manque un peu d'humour et puisque vous ne pourrez jamais me lire dans cet avant livre, je vous la livre telle que je l'avais écrite :

"Je n'aime pas l'Anglais ! Dans mon village des fonds du Gers que le Prince Noir avait bien sûr brûlé, j'ai été élevé par un curé et un instituteur inconciliables sauf sur un point : l'Anglophobie et ça, les deux ont su nous l'insuffler ! Le premier nous faisait verser de "chaudes" larmes sur le bûcher de Rouen et le second sur les abominations de Sir Hudson Lowe, à St Hélène. A l'école, nous souffrions également de voir notre Empire Colonial plus restreint que celui de nos voisins d'Outre-Manche ! Ajoutez, au collège, un professeur d'Anglais bien sévère qui n'a rien fait pour me rapprocher de Shakespeare et finissez par Roger Couderc - uun peu chauvin - qui nous "remontait" chaque samedi après-midi du Tournoi des V Nations, contre les Britanniques, leurs arbitres, leurs hors-jeu, leurs yards, leur sang-froid, leur "cuisine" et même leur humour !

Alors, dans l'ouvrage de Manu, je suis bien content qu'Alvous ait dévissé son drop et que la vaillante sélection de Bronhac l'ait emporté, marquant d'ailleurs plusieurs essais, contre les Kickers et la force brutale symbolisée par le terrible Mac Lintock, il est vrai Ecossais, mais ne dit-on pas que "l'Ecosse, c'est l'Angleterre en pire ?".

Et pourtant, j'aime bien le rapprochement final entre ces deux hommes qui ne se seraient jamais connus sans le rugby ; ce gardien de stade me rappelle - une épaule en mieux, une jambe en pire - celui de mes débuts, dans l'ovale, à Mirande ; nous avions, pour lui, la même sympathie, même s'il nous menaçait de sa canne quand nous traversions "son" terrain... en mobylette ! Et ce seconde ligne, "aux cheveux rouges", terrible sur le pré et si doux dans la rue, j'ai eu sa version française à Prades, Tournay, Lavelanet. Piliers et talonneurs savaient à l'époque ne pas pousser en travers !

Dans "Fair Play", je revois le rugby éternel : la stratégie sur tableau noir, la réalité des relations humaines, les faux rebonds, quelques coups bas, les sacrifices absolus, les troisièmes mi-temps, les bagarres, les réconciliations, les amours... Cette fin, entre deux hommes si éloignés l'un de l'autre, par l'âge, le temps et l'espace, seul le rugby pouvait le permettre... Oui, je sais : le rugby, ce sont les Anglais qui l'ont inventé ! A cause de lui, allez, je leur pardonne le Prince Noir, Jeanne d'Arc, Napoléon, Fachoda... et même leur titre de Champion du Monde en 2003 !

Je leur pardonne d'autant plus qu'en 2007, nous allons leur ravir la Web Ellis Cup !"

Je crois que ce n'était pas bien méchant !

Dimanche 15 juillet :

Un troisième journaliste m'appelle avant la rentrée des classes du SU Agen ; c'est la non sélection de ma vedette Fidjienne pour la Coupe du monde qui les préoccupe. En fait, leur inquiétude concerne son retour en Lot-et-Garonne. Reviendra-t-il ? Quand reviendra-t-il ? Si oui, dans quelle forme ? Avec quelles formes ? Je sais que Caucau a des relations régulières, par téléphone, avec les administratifs du SUA ; je rappelle que tous les joueurs cadres du club se sont prononcés pour la conservation de celui qui leur a permis de gagner beaucoup de matchs par le passé. Maintenant je sais qu'une hirondelle - si belle soit-elle - ne fait pas le printemps... laissons-nous le temps jusqu'au 26 octobre !

Avec un peu de retard, je m'assois devant Nouvelle Zélande - Afrique du Sud : une heure à la limite de la somnolence avec des Blacks mal assurés en touche, passant trop rapidement par le sol, multipliant les passes devant la défense, opérant loin de la ligne d'avantage. Il est vrai que l'équipe (ter) des Springboks n'est pas marrante : le solide Muller, les frères Du Plessis - descendants de nos Huguenots ? - le terrible Cronje vous démolissent à chaque contact ; une nouvelle fois j'apprécie les appuis et la vitesse du métis Pietersen, cette fois-ci, placé à l'arrière ; je crois que le Mondial tient-là une de ses vedettes : celui-là je le verrai bien à l'aile du SUA ! Par contre, phénomène d'usure ? Affaiblissement de la défense à cause de remplaçants trop faibles ? Les dix dernières minutes néo-zélandaises sont fantastiques : passes dans l'axe et latérales, jeu debout, place nette à l'imagination... Ces types-là cachent-ils leur jeu ? Je ne pense pas que ce soit dans leur nature et les difficultés qu'ils connaissent, actuellement, ne peuvent qu'aider leur remise en question. Il est bien que Graham Henry, coach plutôt suffisant, ait quelques problèmes !

Pour une fois, accord total avec notre sélectionneur national et futur ministre : cet arbitre Dickinson est vraiment désolant !!!

Après-midi à Vianne, elle aussi bien belle bastide du Val d'Albret ; les profs d'Histoire du Département doivent se régaler de promener leurs élèves dans de tels sites : heureusement que je n'ai pas été enseignant en Lot-et-Garonne ; j'aurais été, toujours, hors de ma salle de classe et comme c'était ce que l'on me reprochait très souvent... dans le Gers ! A propos du Gers, c'est ma Baïse Mirandaise qui coule le long des remparts de Vianne et je suis tout heureux de la retrouver plutôt disciplinée, moins nerveuse qu'au Batardeau, plus mâture, presque adulte. Je constate que la bastide s'affuble (justement !) du qualificatif "la jolie" que je croyais réservée uniquement à la bastide gersoise : un plagiat ?

Lundi 16 juillet :

Premier entrainement et pour la première fois depuis 9 ans, je me retrouve sur un autre terrain que le Moulias, devant d'autres joueurs ; cette nuit, j'ai mal dormi comme une débutante avant son premier bal ! J'ai besoin de trouver mes repères et je me rappelle de cette citation de Mitterand à Rocard (?) : "Il n'y a pas de frontière plus facile à franchir que celle qui sépare le présent de l'avenir". Voilà, c'est fait : en route pour 3 ans. Ma motivation est intacte ; autour de moi, chez les joueurs, chez les entraîneurs, dans le staff, chez les dirigeants, je sais que j'ai des combattants ; je sais aussi que, comme à Auch, ceux qui ne voudront pas suivre, je les laisserai sur le bord du chemin. Dans ce métier, il ne faut pas avoir de regrets et il faut surtout éviter de se retourner.

Matinée de travail correcte : bon timing avec le préparateur physique, complicité avec les deux co-entraîneurs, motivation des autres membres du staff, application des joueurs. Seul le genou de ma Pépite suscite ma vive inquiétude. A midi repas en commun : les cuisines me rappellent les douceurs de Momo. A quatre, le chef et ses trois adjointes (!) tous bénévoles, vous dressent une table haut standing pour soixante personnes ! Deux lignes pour tous ces volontaires qui nourrissent avec affection les joueurs de France après les entrainements ! On les oublie trop souvent : ils font la convivialité de notre sport.

Premier rendez-vous, les yeux dans les yeux avec mon Président : tout nous oppose : son château et mon studio, sa Lexus et mon vélo, son amour de la vigne et mon goût pour le houblon, sa passion pour l'informatique et mon horreur des ordinateurs, son rôle de chef d'entreprise et mon côté anarchiste, son goût des voyages et ma phobie de l'avion... L'entrevue n'a pas duré plus de 20 minutes ; nous avons un premier point commun : nous sommes toujours pressés et nous allons direct à l'essai ! L'essai me paraît concluant : je pense que je vais m'entendre avec lui car nous avons un second point commun : nous sommes aussi fous l'un que l'autre... fous de rugby !

A l'USAP, un autre Président, Marcel Dagrenat s'en va. Dans une interview que j'avais accordée, il y a plus d'un an, à M.O., j'avais affirmé que je n'aurais jamais pu supporter un tel type de Président ; j'ai su que mes propos l'avaient blessé et par la suite je m'étais renseigné sur sa façon de fonctionner : aujourd'hui j'ai envie de lui dire combien je regrette mes propos tenus sur des apparences sans fondements et que l'USAP, si c'est confirmé, perd un seigneur.

Mardi 17 juillet :

Inauguration du nouveau terrain du SUA Football, tout frais pensionnaire de la CFA2. Convié par Monsieur le Maire et par Monsieur le Président du club, je participe au coup d'envoi. Monsieur VEYRET me passe à gauche et je renvoie sur Madame l'adjointe aux Sports.

Plus sérieusement, les jeunes du TFC gagnent 3 à 0 : des gamins sveltes, encore un peu frêles, large majorité de blacks et de beurs ; pas un mauvais geste, pas un mot à l'arbitre, respect des entraîneurs, collectif sans faille.

Réception très agréable dans les locaux du club house ; pendant une heure, nous papotons : les dirigeants du SUA football sont de fervents supporters du SUA rugby. Dehors c'est la nuit noire : les jeunes du TFC poursuivent leur décrassage ; je regrette que mes jeunes du Centre de Formation ne soient pas là.

Une supportrice : "dans vote blog, vous parlez du Lot-et-Garonne et jamais d'Agen... Nous, nous sommes d'abord d'Agen... Et arrêtez de critiquer nos feux rouges : il n'y en a pas plus qu'ailleurs !"

Un quart d'heure après, ma femme au téléphone : "Dis, il parait qu'ils vont mettre un feu rouge à... Samatan !" Si c'est vrai, il n'y a plus de Gers.

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