La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Retrouvez la chronique d'Henry Broncan, entraîneur d' Agen. Il revient sur la semaine qui a suivi la défaite de son équipe à Lyon.

Lundi 9 juin

Lendemain de match encore plus morose que la soirée lyonnaise. Comment a-t-on pu être si mauvais ? Une nuit entière à cauchemarder éveillé : plaquages manqués, pénalités encaissées, coups de pied dévissés, mêlées chahutées, lancements isolés... Aujourd'hui, des envies d'îles désertes, de Sahara, de Groenland, et d'Amazonie... même pas la force d'affronter le chêne de Theux... Tout vous insupporte ; la main tendue, le coup de fil amical, la tape dans le dos augmentent même votre énervement. Des excès de misanthropie qui vous rangent - un temps - dans le camp de G.B. Shaw : "Je n'ai jamais admiré le courage des dompteurs : dans une cage, ils sont à l'abri des hommes."

La vidéo conforte l'accablement. Comment a-t-on pu produire cet ersatz de rugby ? Certes, je n'ai pas oublié les spectacles affligeants de Narbonne, Blagnac, Limoges... mais la copie rendue hier est encore plus méprisable. Comment un groupe aussi serein, aussi uni, aussi collectif à Colombes, peut-il, trois semaines après, manquer le rendez-vous le plus important de la saison ! Comment peut-on se détruire, se faire si mal, se saborder ? Dans la haine qui vous bouffe, vous en viendriez à suspecter certains de prestations volontairement négatives. Pourtant, je sais que ce n'est pas vrai et que j'ai dans la composition de l'équipe et dans la conduite stratégique du match, une lourde part de responsabilité.

Au fond du seau un jour, je sais ma faculté à relever rapidement la tête dès le lendemain : les red-locks de ma voisine, un magret du... Gers dans l'assiette, un verre de Duras ou de Buzet et tout repart... Le texto de mon ami des Landes, par ailleurs malheureux de la défaite des siens, me rend le sourire : "Double cauchemar cette nuit : Sarkozy m'étreignait dans ses bras et X. –un de mes joueurs – te remettait son maillot du match."

Un peu d'humour - cette politesse du désespoir - et me voilà fin prêt pour aborder le mardi.

Mardi 10 juin

Comme si de rien n'était - saison terminée - le staff médical pointe à dix heures. A part Thomas Soucaze, grosse béquille sur le genou, il n'y a pas eu de blessés à Louis Vuillermet - sans commentaire - l'occasion de faire un point sur les activités de mes toubibs. Avec eux, j'avoue que j'ai passé des moments très agréables et je regretterai beaucoup si l'un d'entre eux se retirait tant j'ai apprécié leur compagnie bienveillante pendant la saison. Je me souviens les avoir un peu effrayés quand lors d'un des matchs amicaux de début de saison, je les avais houspillés parce qu'ils s'étaient fait ravir le banc de touche par mes anciens amis auscitains. Je voulais leur montrer qu'un territoire devait se respecter et donc d'abord être défendu. Maintenant que je connais leur doigté et leur savoir-vivre, je comprends qu'ils aient été choqués - un temps - par ma violente diatribe. Le trio médical m'a marqué d'abord par sa culture, sa passion pour les mêlées et pour... le SUA, son dévouement, sa compétence et son incommensurable patience. Mes proches savent le peu de respect que j'ai pour la médecine en général, la faute à un excellent professeur de français qui m'a trop fait aimer Molière en 4ème. Depuis le "Malade imaginaire", je me suis méfié de tous les bistouris et de tous les diagnostics. Certes, ma confiance dans les toubibs du SUA ne va pas jusqu'à me laisser soigner par eux mais j'ai - c'est le plus important - la certitude d'avoir gagné trois amis sûrs supplémentaires et l'amitié pour guérir vaut tous les suppositoires des disciples d'Hippocrate.

Et puisque je les considère tous les trois comme des amis, je vais les taquiner un peu. Martial, c'est le Monsieur de Lucette ; je lui décernerai la pomme de l'élégance, toujours chic jusqu'au pli du pantalon, fossettes et lunettes classe, yeux coquins ; seule la chevelure par grand vent se permet quelques excentricités. Un peu "bourge" quand même comme un bon socialiste qu'il est !

Christian, c'est le Monsieur des Capelains, petit prince d'un pays qu'il estime majuscule ; la pomme de la sagesse pourtant ; calme, imperturbable, philosophe même s'il croit parfois que la Lède est plus large que la Garonne. Il est vrai que ses juniors sont champions de France Balandrade et que ses seniors disputent la demi-finale de Promotion Honneur dimanche, à Valras, contre Echirolles ! Lacapelle-Biron, 450 habitants ! De quoi faire monter le petit maire sur ses ergots.

Laurent, c'est le Monsieur de son fils, talonneur des minimes du SUA, futur Swarzewski dont il occupe le poste, détient la chevelure et s'efforce de dépenser la même énergie. Pour lui, la pomme de la culture, du moins la culture historique : un amoureux de Clio qui me donne souvent des complexes quant à mes connaissances dans ce domaine. Politologue aussi, qui n'oublie jamais de me rappeler quelques heures sombres du parti que j'affectionne. A part ça, plutôt mal fringué, chemise négligée toujours par-dessus le pantalon, jamais rasé, l'aspect d'un qui aurait dormi sous le pont-canal, de beaux yeux quand même, l'humour malicieux, jamais agressif.

Au bout de cette année sportive rocambolesque, je tiens à louer l'œuvre exceptionnelle accomplie par ces trois hommes. Heureusement qu'ils étaient là pour m'aider à surmonter les tangages d'un bateau parfois ivre.

Mercedi 11 juin

Le Gers bien sûr et même la Vallée de la Save, un peu oubliée depuis quelque temps. Un orage violent a frappé Lombez et épargné Samatan. Le Prince noir avait fait exactement le contraire au XIVème siècle ! TF1, France 2 et 3 ont déplacé leurs caméras pour filmer les dégâts. Une de mes anciennes élèves témoigne longuement sur la petite lucarne. Vélo sur les coteaux : Montangat, St-Soulan... pas possible, ils ont durci les côtes !

Visite à Leny, 21 mois. Hier, il a mordu son copain de pension parce que celui-ci avait dansé avec Emma, sa copine ! Ça promet ! Avec plaisir, je constate qu'il joue avec un ballon du SUA ; avec dépit, j'apprends qu'il a regardé le match de Lyon à la TV et qu'il a reconnu son grand-père furieux ! Avec colère, je constate qu'il ne sait faire que des passes de basket ! Et son père qui en rigole !

Jeudi 12 juin

Long conciliabule à trois ; la volonté de se rapprocher. De mon côté, le désir de rester au SUA et surtout celui de démontrer que je peux faire mieux. Que mes amis se rassurent : je refuserai de monter au fond du car. Je veux bien concéder mais je ne reculerai pas.

Vendredi 13 juin

Le feu sur les épaules et le pif. Le soleil de Gruissan bien caché derrière les nuages ne m'a pas manqué malgré ses apparitions sporadiques. Festival de BD au Palais des Congrès, exposition d'artistes locaux sous le petit bois de l'étang, tournoi de vétérans - près de 300 participants - sur le terrain de foot : on ne s'ennuie jamais dans la ville de Didier Codorniou.

Samedi 14 juin

Multiplex rugby depuis le café de la Paix au vieux village. Aimé Giral et Sapiac grondent : leurs favoris souffrent sur leurs prés. Les montalbanais sont menés à la mi-temps 14 à 0 ! Ils regagnent les vestiaires sous les lazzis. Pour rassurer les joueurs actuels, qu'ils sachent que pour mon premier match en septembre 68, sous les couleurs vert et noir, nous avions perdu à domicile contre la modeste mais vaillante équipe de St-Claude, cornaquée par un formidable numéro huit, sauteur, buteur, Roland Crancée. Au coup de sifflet final, nous n'avions pas été seulement hués mais les plus vindicatifs de nos supporters nous avaient abondamment crachés dessus ! 40 ans déjà !

Seconde période, copie inverse : en Catalogne, Tuilagi charge comme Joffre à la Marne et le Parisien recule. Dans le Tarn et Garonne, l'Albigeois met genou à terre et celui qui sifflait tout à l'heure, applaudit des 4 membres ! Une pensée pour Fauqué qui méritait une autre sortie après tout ce qu'il a donné pour ce club. Garcia ne m'a pas semblé participer à la fête. Il aurait mérité d'en être ! Ce petit Audrain formé au pays de Molière a de sacrés appuis.

Auch n'a pas fini victorieux : c'est long, c'est dur le Top 14 quand on dispose de si peu de moyens. Joie d'avoir aperçu leur maul pénétrant, avants et trois quarts mêlés. Rogne à cause de cet essai concédé sur une attaque suicidaire. Dernier Moulias pour Raphaël Bastide et Brice Salobert, pour d'autres aussi, Pascal Idieder, Antoine Battut... Les deux premiers étaient mes fils de rugby.

De cette saison très lourde, pot de terre contre pots de fer, il restera cette victoire historique contre le Stade Français, historique car je suis sûr qu'à moins d'une manne céleste, jamais le FCAG ne pourra plus battre les Parisiens. Attention à la D2 : elle est sauvage pour les clubs qui descendent.

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