La chronique de P. Villepreux

Par Rugbyrama
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Cette semaine, notre expert décortique le jeu toulousain lors de la dernière rencontre de Coupe d'Europe contre Leicester.

La Coupe d'Europe nous donne l'opportunité de confronter des oppositions de styles. Le match Leicester-Stade Toulousain m'a semblé le plus significatif en la matière.. Quand la différence de score s'avère minime comme cela a été le cas, on peut concevoir que la victoire aurait pu changer de camp surtout si l'on accepte que l'essai des Anglais est justement la conséquence d'une prise de risque toulousaine qui dans la situation ne s'imposait pas (passe risquée dans une situation non favorable). Ceci pour dire que le jeu gagnant en l'occurrence Leicester pouvait aussi être le jeu perdant. Une victoire des toulousains aurait permis de valoriser le jeu en mouvement en regard du jeu plutôt statique des anglais. Statique car essentiellement joué dans l'espace de possession de la balle. Ce qui veut dire que l'utilisation des espaces latéraux est dérisoire compte tenu du temps de possession.

Il n'est pas question de fustiger ce jeu qui certes n'est pas ma tasse de thé mais de reconnaître aux Anglais le mérite d'appliquer un système, toujours le même, en y apportant toutes leurs ressources physique et mentales. Cet investissement total dans un jeu certes limité a été suffisant pour battre les Toulousains qui n'avaient pas dans le combat les mêmes arguments à faire valoir, ce qui nous a valu cette opposition de style particulièrement caractéristique.

Concernant le jeu anglais, on peut accepter que l'on est dans un système de jeu fermé, un "game plan" comme il l'appelle, toujours le même, dont on attend qu'il finisse par produire sur l'adversaire son effet de manière inexorable. Il s'agit alors de développer des enchaînements précis d'actions définies qui se répètent dans un ordre relativement immuable. On compte sur la perfection d'exécution que l'on a travaillée à l'entraînement, le plus souvent sans opposition, pour le mettre en oeuvre avec efficacité. Chacun sait exactement ce qu'il a à faire en terme de placement et déplacement mais aussi d'habilités techniques nécessaires pour y performer. De manière symétrique le système de défense est tout autant rigide. Sortir de ce système de jeu est difficile car cela demande d'autres capacités que leur méthode de formation ne favorise pas.

Le jeu toulousain s'appuie sur un fond de jeu qui vise à donner aux joueurs une connaissance tactique de l'ensemble des principes de développement tactique judicieux des séquences réalisées et des actions de jeu que constituent ces séquences, ceci tant en attaque qu'en défense.

Ceci est d'abord vrai dans le mouvement général à savoir- les phases de "plein mouvement" et dans les phases de relance de ce mouvement quand il s'arrête (les situations ruck and maul).

Cette assertion se vérifie aussi dans les phases statiques où les choix de lancement du jeu est conduit par le capitaine qui se doit d'aller déstabiliser l'adversaire sur les faiblesses tactiques momentanées ou présumées, ce qui permettra de retrouver dans les meilleures conditions et le plus vite possible le mouvement général et d'y appliquer les principes de développement tactique décrits précédemment.

Le jeu du collectif en attaque s'articule alors sur, non pas des répétitions programmées d'actions successives, mais bien sur les décisions prises par les différents porteurs de balle décideurs qui agissent et réagissent en fonction des effets produits sur la défense. Ceci nécessite bien sûr la disponibilité pour tous de choisir dans l'action de jeu en cours, le placement et déplacement adéquate à adopter pour se rendre utile quel que soit sa position momentanée (principe d'utilité).

On est confronté à une double capacité:

- Celle de suppléance absolue dans les rôles momentanées que la situation va imposer (polyvalence d'action)

- Celle pour tous de savoir prendre individuellement l'initiative juste pour répondre au contexte situationnel momentané ce qui implique de savoir où et comment se situer et agir dans la situation totale donc du rapport de force existant 15 contre 15 mais aussi, relativement à la situation globale précédente, dans le sens que chaque joueur va donner au contexte particulier dans l'espace de décision du porteur de balle (espace plus sensible qui concerne la vie du ballon donc la continuité du jeu).

Dans le "système toulousain", le jeu adaptatif est premier. Ce même système devient donc relatif et non absolu puisque c'est la réaction de l'opposition qui donne du sens au jeu de tous et en même temps au jeu individuel.

L'exploitation pertinente de la réalité de l'opposition et de sa mouvance doit amener, grâce au "fond de jeu" l'adversaire à tomber dans ses défauts.

Ce système responsabilise les joueurs et les place dans un perfectionnement tactique et technique évolutif. L'autre plus rassurant les contraint à rester dans une stabilité tactique qui est un frein à leur perfectionnement.

Il reste à Toulouse ce prochain week-end à démontrer que cette option peut aussi être la bonne. Ce qui veut dire aussi de rester fidèle à ses convictions.

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