Chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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La quinzaine est vite passée, mais Henry Broncan a tenu son journal de bord à jour.

Vendredi 8 février

Ce matin, j'ai affiché la liste des 22 joueurs sélectionnés pour affronter le LOU, demain à Armandie ; au-dessous, j'ai ajouté les non-retenus en équipe 1 et leur convocation pour livrer un match amical, ce soir, à Foulayronnes, contre Valence d'Agen, très bonne formation de Fédérale 1. Trois d'entre eux, trois gaillards d'avant, vont se précipiter chez le kiné pour faire valider des blessures dont je suis persuadé qu'ils n'auraient pas fait cas s'ils avaient été choisis pour jouer en première ! Qu'ils sont loin de l'esprit du FCAG où dans des cas semblables, les joueurs se hâtaient d'opérer en espoirs pour bien me montrer qu'ils étaient en pleine forme et que j'avais eu tort de ne pas leur avoir fait confiance en ne les retenant pas en 1re. Par contre, l'ouvreur international F.G va tester son mollet dans cette confrontation sur le petit mais coquet stade de la banlieue agenaise. Après la traditionnelle réunion du vendredi soir avec les associés, je gagne le lieu de la rencontre : non seulement F.G met en confiance - il l'avait déjà fait en championnat Espoirs…à Bourgoin ! - mais il s'engage au plaquage et se bagarre même avec le plus costaud de l'équipe dirigée par Ph. Mothe et B. Delbreil. A la mi-temps, mis sagement au repos par ses coachs, F.G regagne les vestiaires pour revenir, survêtement en sus, pour attendre sagement sur le banc des remplaçants, un possible retour au cas où l'un de ses jeunes partenaires se blesserait. Cette attitude me rassure par rapport à l'implication des professionnels de notre sport. Je reconnais que l'attitude de ses trois condisciples m'avait profondément choqué.

L'après-midi, nous est arrivé Y. N'G, un ailier formé à la belle école massycoise et passé ensuite par Lyon et Bayonne. Il sera essayé la semaine prochaine. En attendant, il opère au sein du S .C Graulhétois dont je connais bien le président Pierre Cathala pour l'avoir approché, lorsque étudiant, il venait rejoindre quelques-uns des camarades de Fac et de... fête lors des troisièmes mi-temps du LSC. Je l'avertis de la possible mutation de son joueur : "Aucun problème, me répond-il, Yannick est venu chez nous parce qu'il était au chômage et nous étions d'accord pour nous séparer s'il trouvait un club professionnel. Il a toujours eu un comportement impeccable et j'espère qu'il vous donnera satisfaction" . Je trouve cette attitude remarquable dans notre milieu où nous avons souvent tendance à vouloir camoufler nos meilleurs éléments.

A 20 heures et à Jean-Bouin, Brive inquiète longuement le Stade Français ; à la baguette, Luciano Orquera, le petit magicien italien que le public du Moulias n'avait guère apprécié, le sifflant copieusement et lui faisant perdre confiance. Je suis heureux de revoir à son meilleur niveau cette petite perle.

Samedi 9 février

Chez l'ami Besse - les temps de nos si précieux séjours au CFA me semblent malheureusement comptés - nous nous préparons au match du soir. La télévision montre le Pays de Galles contre l'Ecosse ; C.Ch l'ex-auscitain, toujours blessé, m'indique l'évolution du score Auch-Albi. Je souffre avec les "petits rouges" : l'annonce de la défaite m'assomme ; je savais que ce match était capital et dès à présent, je présage les gros nuages à venir. Le public aurait sifflé ses favoris à la pause : lui aussi aurait-il changé ? Aurait-il perdu cette âme gersoise ? Je ne peux pas penser un seul instant que mes chères "populaires" n'aient pas soutenu leurs enfants !

De notre côté, dans un match haché par un déluge de pénalités : 28 plus 6 coups-francs, nous souffrons comme d'habitude pour battre le LOU : Manu et Sylvain s'efforcent de se reconvertir aux ailes ; la mêlée flanche des genoux ; heureusement Jérôme aligne la mire ; un contre du jeune Loursac " 4e année de médecine - nous fait craindre le pire... Et dire que, récemment, j'avais affirmé que le rugby professionnel et de hautes études me paraissaient incompatibles !

Dimanche 10 février

Invitation à la rencontre de Promotion Honneur Aiguillon-Eymet ; les locaux ont invité leurs anciennes gloires et je leur rappelle notre victoire, avec Mirande, en 1973, sur l'actuel stade Louis Jamet, un maigre score : 6-3 ! Les convives se souviennent de la terrible seconde ligne Wolczack-Theyret qui leur avait expédié quelques marrons d'automne : Vivi Salesse, l'actuel Président de l'Association du SUA, présent aux retrouvailles, était le talonneur - capitaine - entraîneur et maître à jouer des riverains du Lot... A 15h30, match plaisant - des essais ! - dans la belle après-midi du Confluent : l'ouvreur visiteur - le pays du grand Erbani - ex-bergeracois s'amuse sur le terrain et "booste" les siens qui l'emportent logiquement. Déception des locaux et de leur coach Titou Rivière, ancien demi de mêlée du Biarritz Olympique et responsable du Centre sportif du Lac de l'Uby à Cazaubon - chez nous. Quelques bières nous consolent.

Lundi 11 février

Yannick N'Gog vient à l'essai - enfin un marqueur d'essais ? - ; je me souviens de la coupe rasta d'un ailier du LOU que nous avions rencontré, à trois reprises, cette année-là, et je découvre le crane rasé, des qualités physiques et quelques ballons... manqués.

A midi, repas du Président ; quelques joueurs ne sont pas là et ces absences me gênent. Je sais depuis longtemps que ce président est un affectif et qu'il aime ses joueurs. Vers 16 heures, une délégation de 4 joueurs sollicite une entrevue : entraînements trop durs, trop de mêlées, trop de mauls... Une litanie bien connue par le passé sur mon chemin.

Mardi 12 février

La journée a trop bien commencé : la vedette fidjienne recourt et son retour dynamise le groupe ; n'est-il pas le meilleur marqueur d'essais de l'équipe avec pratiquement une participation à un seul match alors que nous abordons la phase retour ? Comme son pendant de couleur, sur l'autre aile, semble guéri, l'espoir de concrétiser la domination coutumière renaît. Dans l'après-midi, lors de l'opposition traditionnelle, le moral rechute avec la blessure, au péroné, de S.M., l'enfant du pays, l'homme de confiance, malgré son jeune âge, des lignes arrières.

A 18 heures, réunion avec le Comité Directeur de l'Association. Auparavant, l'un de ses membres me prête un ouvrage remarquable "Résistances en pays tonneinquais" par Bernard Lareynie, Editions du Fleuve, décembre 2003. Sa lecture sera passionnante. J'apprécie de plus en plus ce département... J'expose les grandes lignes de mon projet sportif : une équipe largement régionale, quelques (2, 3 ? ) étrangers de talent, un centre de formation hyper performant.

Mercredi 13 février

J'apprends la mise sur la touche de P.M, mon associé la saison dernière à la direction du FCAG. Je l'ai connu en 1972 car, tout en entraînant l'USAM, je m'occupais déjà de l'école de rugby du LSC et des équipes du collège ; il était le capitaine des benjamins et le chef de classe d'une des 5èmes. En 1977, il débutait en équipe 1 à l'ouverture, à mes côtés : il avait à peine 17 ans. Il devint par la suite capitaine de cette formation et un des principaux artisans de la montée en groupe A, en 1985. Entre temps, j'avais déjà bien cru le perdre définitivement, en 1979 - un accident de la route - alors que les grands clubs de l'hexagone se le disputaient. Sur son lit d'hôpital, le col du fémur brisé, au chirurgien médusé, il avait osé affirmer : "Dans un an, je rejouerai." En 1993, il devint mon adjoint à l'entraînement du LSC avant de me rejoindre en 2004 au FCAG. Je crus bien le reperdre, la veille de la demi-finale contre Dax, en 2006, - un malaise -. Son rejet actuel me peine.

Ce soir, le club à toucher du dimanche matin se réunit pour préparer la formation d'une amicale. L'hôte est gersois, le foie gras, la garbure et le Tariquet aussi. On finira très tard mais nous avons refait brillamment le monde et même le Caoulet !

Jeudi 14 février

Le moral du mardi dégringole rapidement : l'ailier D.V. ressent des douleurs à la cuisse et la star R.C. déclare forfait dès le premier tour de terrain.

A 11 heures, comme un mannequin, j'essaie le blazer et je reçois la cravate rayée bleu et blanc. Le Rugby "pro" adore le formatage des tenues. Mon long pensionnat de 7 ans au lycée de Mirande, blouse grise obligatoire et nom cousu sur la poitrine, m'a rendu définitivement réfractaire à l'uniformisation. Je déclare à l'ami Gillou "... le premier SDF que je rencontre au Pont-canal va être content de mes deux cadeaux..."

18 heures, réunion du Comité de Direction de la SASP...

Vendredi 15 février

C'est le Gers ; Miramont d'Astarac est dans le brouillard... Dans l'après-midi, je rejoins Armandie curieusement ensoleillé, pour une séance de jeu au pied pour le jeune ouvreur samoan et son ami, l'ailier fidjien, encore junior. Beaucoup d'application de leur part, mais je sais que leurs nuits sont souvent trop courtes.

Samedi 16 février

Ils vont me donner la chair de poule. Devant les vedettes roses, ils vont inscrire une des plus belles pages du FCAG. C'est avec émotion que je revois ces jeunes espoirs, magnifique de solidarité, aiguillonnés par Hamid Arif, l'émir de Gascogne. Quelle fierté ! Je crois bien que j'ai essuyé la brume de mes lunettes lors de l'accolade finale : admirables !

Dimanche 17 février

Les admirables seront blagnacais. Rude Pénalva et roublard Jeannard. Ajoutez la qualité des piliers. Et nous ? Hier au soir, Pépito aura bien été l'auteur du seul essai agenais du week-end mais c'était avec l'Aviron bayonnais.

Lundi 18 février

Bien belle émission sur la 2. "La Résistance : Vivre libre ou mourir ". En voyant ce qui s'est passé à Oyonnax en 1943, je comprends mieux l'invincibilité de l'U.S.O, à Charles-Mathon : les gênes.

Un ami m'offre : "Renaud Jean, le tribun des paysans", Editions de l'Atelier. Auteur : Gérard Belloin avec l'apport documentaire de Claude Pennetier et Stéphane Baumont. Renaud Jean ? La très belle histoire du Lot-et-Garonne dans la première partie du XXème siècle. A connaître absolument !

En soirée, réception très sympathique d'un quotidien de la région pour présenter un supplément sur le centenaire du SUA. Nous sommes au château d'Aubiac. D'anciens glorieux internationaux sont là ; d'autres moins connus mais tout aussi méritants les accompagnent. On compatit - hypocritement ? généreusement ? solidairement ? - aux malheurs présents. J'ai la chance de retrouver une journaliste amie des bons moments du LSC. Elle était très belle - toute l'équipe était amoureuse d'elle - le temps a passé : un bon quart de siècle ! Elle est toujours aussi belle. Elle me promet de me faire connaître son fils âgé de 17 ans déjà militant d'un parti politique qui m'est cher. Cette rencontre me tarde.

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