"Si on n’est pas champions du monde avec les U20, je doute qu’on puisse l’être avec les grands"

  • Olivier Magne, le coach de France U20
    Olivier Magne, le coach de France U20
  • Olivier Magne, le coach de France U20
    Olivier Magne, le coach de France U20
  • Michael Simutoga (France U20) face à l'Afrique du Sud
    Michael Simutoga (France U20) face à l'Afrique du Sud
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MONDIAL U20 - Olivier Magne tire la sonnette d’alarme après l’échec des Bleuets qui termineront au mieux neuvièmes de la Coupe du monde en Angleterre. L’entraîneur des avants de l’équipe de France moins de 20 ans estime qu’il est grand temps de rénover et d’adapter notre système de formation afin de donner aux générations futures les moyens d’exister au plus haut niveau.

Avant le début de cette Coupe du monde, vous aviez de grandes ambitions. Est-ce que l'échec de ne pas être en demi-finale est d’autant plus douloureux à vivre ?

Olivier MAGNE: Oui. Après, on sait que dans le format de cette compétition (le premier de chacune des trois poules est qualifié, plus le meilleur deuxième, ndlr) il n’y a pas le droit à l’erreur. En perdant le premier match (contre l’Argentine, 15-24), on s’est compliqué la tâche. On avait la volonté d’aller un peu plus loin évidemment, pour se dépasser. Ces ambitions étaient légitimes mais c’était sans compter aussi sur la progression des autres équipes. L’Argentine ne cesse de progresser d’année en année, avec un format de formation qui lui est propre et qui lui permet à chaque fois de faire émerger des jeunes capables de répondre aux exigences du haut niveau. Nous, la comparaison est vite faite. Il faut qu’on arrive à avoir quelque chose de plus construit, de plus solide à long terme.

Olivier Magne, le coach de France U20
Olivier Magne, le coach de France U20

Entre le manque de réalisme, l’indiscipline et la baisse physique dans les dernières demi-heures, qu’est-ce qui vous a le plus pénalisé selon vous ?

O.M: En fait, c’est un tout. Sur l’ensemble d’un match, on manque de lucidité par moments, de réalisme, parce qu’on ne répond pas aux exigences du haut niveau sur le plan physique. Des équipes comme l’Argentine et l’Afrique du Sud mettent tellement d’intensité sur 80 minutes qu’on est incapables de pouvoir y répondre sur cette durée, alors qu’on est capables par moments de faire des très bonnes choses. On le fait pendant 50 minutes. Après, sur des séquences un peu longues, on est en difficulté parce qu’on n’est pas habitué à ce genre d’intensité. Derrière ça, il y a du déchet technique parce qu’on n’est pas lucides, du déchet stratégique aussi parce qu’on manque de joueurs qui soient capables dans l’effort de prendre les bonnes décisions. Ça nous met en difficulté. Ça, ça tient au fait que ce genre de match avec cette intensité, face à l’Argentine ou l’Afrique du Sud (31-40), les joueurs en jouent deux dans l’année. Ce n’est pas suffisant.

La technique, je pense que les joueurs la délaissent un peu

On a vu notamment sur les deux premiers matches un certain nombre de fautes techniques. Ces carences techniques, n’est-ce pas le plus inquiétant ?

O.M: Oui, mais c’est un ensemble de choses. La technique, je pense que les joueurs la délaissent un peu. Il faut évidemment revenir dessus sur la formation mais essayer d’équilibrer l’ensemble des composantes : le physique, la technique, l’aspect tactique. Maintenant, le fait de ne pas répondre d’un point de vue technique sur certaines phases de jeu, c’est essentiellement dû aussi au laps de temps inférieur à ce que les joueurs peuvent avoir dans leur championnat. Pour prendre une décision dans leur championnat, ils ont deux, trois secondes, alors que là ils ont juste une seconde pour le faire. Réaliser le geste juste dans des conditions de vitesse supérieure, les joueurs ne l’ont pas, tout simplement parce qu’ils ne le pratiquent pas. Mais ce n’est pas que technique, c’est un tout.

Michael Simutoga (France U20) face à l'Afrique du Sud
Michael Simutoga (France U20) face à l'Afrique du Sud

Est-ce que malgré tout, il y a des satisfactions au niveau du jeu sur ces trois matches ?

O.M: Oui, il y a notre conquête qui est bonne. Sur l’ensemble des matches, on est à 150%, c’est-à-dire qu’on a 90 % de nos ballons et on va chercher 40% de ballons de l’adversaire, sur les coups d’envois on récupère aussi des munitions. C’est bien la preuve que même avec une conquête à 150% positive, ça ne suffit pas pour gagner les matches, parce qu’aujourd’hui le rugby de haut niveau il est dans le rugby international. C’est autre chose. C’est une intensité sur 80 minutes, c’est la capacité à maîtriser, à être discipliné sur 80 minutes, à prendre les bonnes décisions avec un laps de temps réduit et rester lucides grâce au physique sur l’ensemble de la partie, pour exister à haut niveau.

Notre système de formation est en danger

C’est un peu la Coupe du monde des surprises, avec l’élimination de la Nouvelle-Zélande et la qualification de l’Argentine. Est-ce que c’est le début d’un changement de hiérarchie au niveau mondial chez les jeunes ?

O.M: Oui, en ce qui concerne l’Argentine. On pourrait voir très bientôt aussi le Japon (adversaire de la France ce lundi en match de classement, ndlr) émerger, parce qu’il y a un format qui est calqué sur celui de la Nouvelle-Zélande. Je pense que la Nouvelle-Zélande, multiple fois championne du monde dans ce format-là, sera aux avant-postes dans les prochaines générations. Je ne suis pas inquiet pour elle. Après, le potentiel sud-africain on le connaît. Les Anglais, aussi, sont capables à travers leur système de formation de faire émerger de très bonnes générations de joueurs. Ce sont des équipes que l’on retrouve régulièrement en demi-finales.

Quid de la France ?

Pour l’équipe de France moins de 20 ans, ne pas se retrouver en demi-finales régulièrement est vraiment un signe révélateur que notre système de formation est en danger. Il faut le rénover, l’adapter, pour permettre à cette équipe de France de régulièrement se qualifier en demi-finales et puis d’aller essayer de chercher un titre. Un seul titre de champion du monde en plus de dix ans (en 2006 en moins de 21 ans, ndlr), ce n’est pas suffisant. On ne peut pas laisser les choses en l’état. Il faut permettre à nos jeunes joueurs de pouvoir exister dans cette compétition et dans les compétitions futures. Si on n’est pas champions du monde avec les moins de 20 ans, si on n’est pas régulièrement qualifiés en demi-finales, je doute qu’on puisse l’être après avec les grands. Il y a quand même un lien très fort. Si nos joueurs ne sont pas capables à 20 ans de répondre aux exigences du haut niveau, ce sera compliqué de pouvoir le faire par la suite. Il y a de vraies questions à se poser. Il est grand temps pour le rugby français et l’ensemble de ses acteurs de taper du poing sur la table et de remettre les choses en ordre, de faire vraiment quelque chose qui permette à notre jeune génération de ne pas être une génération sacrifiée, de pouvoir lui donner les moyens d’exister au plus haut niveau.

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