Magne : "Il nous faut redevenir un sport noble"

  • Test Match - Olivier Magne
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Parler de rugby et du XV de France avec Olivier Magne, c’est élargir le débat. Souvent salué pour son intelligence de jeu et son élégance au temps de sa splendeur, l’homme est devenu un citoyen de son temps qui porte un regard éclairé sur la place du rugby et du sport plus globalement dans notre société.

Vous vous êtes retrouvé au cœur d’une polémique sur les réseaux sociaux après avoir partagé votre sentiment sur la diffusion d’une séquence très intimiste du XV de France. Qu’avez-vous voulu dire ?

Il n’y avait chez moi aucune envie de polémiquer. Cette polémique est née de personnes qui ont choisi d’orienter mes propos. Mais bon… Je commence à en avoir l’habitude. Ceux qui choisissent de vous cataloguer sous prétexte que vous exprimez un point de vue différent du leur sont nombreux sur les réseaux sociaux. J’ai simplement éprouvé un sentiment de gêne que beaucoup partagent à la vue de ces images. Nous avons tous une lecture différente de cette remise de maillots et chacun est libre de penser ce qu’il veut. Pour ma part, j’ai été dérangé par cette mise en scène relevant de la télé réalité à quelques minutes du coup d’envoi. C’était comme s’il fallait montrer l’émotion à tout prix. Mais la véritable émotion, celle que l’on partage avec ceux qui suivent le rugby, celle qui, même avec le temps, ne s’efface pas, c’est celle que l’on peut avoir en imaginant ce qui peut se passer dans un vestiaire, ces histoires racontées qui deviennent des légendes. L’émotion est d’autant plus grande que le mystère reste entier. Voilà où se situe l’attirance pour notre sport.

Le vestiaire doit-il rester absolument sacré ?

Oui, je pense qu’il y a des moments sacrés dans le vestiaire, ce moment où vous devenez quelqu’un d’autre où vous vous transformez en un combattant, où les émotions sont à leur paroxysme, où vous êtes nu avec vos frères du moment. Cet instant d’introspection qui met en scène les larmes, la colère, l’amour, voir un peu de folie et une face de chaque personnalité qui n’est pas toujours brillante (rires). Ces moments ne peuvent se galvauder avec des étrangers qui ne pourraient pas comprendre l’intensité et l’importance de ce qui se passe. Ces moments sont une forme de thérapie de groupe qui ne saurait être à la vue de tous. Cela peut paraître dépassé mais ce sont des convictions profondément ancrées en moi. Le rugby doit garder une part de mystère, il doit faire fantasmer.

Au risque de vous contredire, le XV de France n’a-t-il pas besoin de retisser du lien avec son public ?

Mais s’ouvrir ne veut pas dire tout montrer. Devons-nous employer des méthodes démagogiques, voir clientélistes pour retisser le lien avec le public ? Je ne le crois pas. Quelle sera la prochaine étape ? Un direct durant la remise des maillots et les dix minutes dans le vestiaire avant de rentrer sur le terrain ? Cette équipe n’a pas besoin de tous ces artifices pour retrouver ses supporters. La simplicité, l’humilité, l’engagement de garçons comme Dupont, Gros, Aldritt, Ollivon, Leroux ou encore Baille fera le reste. Le public se reconnaîtra dans cette équipe. Et plus vite qu’on ne le pense.

Ce genre de séquence n’est-il pas une lucarne très positive pour un sport dont l’image a été sacrément abîmée ces dernières années et qui a perdu de nombreux licenciés ?

Cette séquence aurait eu beaucoup plus de poids sur le fond et la forme dans un documentaire, un "inside" qui valorise le rugby plutôt qu’une vulgaire vidéo sur les réseaux sociaux, exposée à la va-vite quelques minutes avant le coup d’envoi. Cela dévalorise même ce moment et cela peut s’avérer contre productif. Quant à l’image détériorée du rugby français, ceci n’est pas le fait uniquement des résultats ou des comportements des joueurs. Je crois beaucoup en un cercle vertueux initié par les dirigeants à travers leurs actes et leurs prises de parole. On ne peut pas dire qu’ils ont tous été exemplaires en la matière. Quant à la perte de licenciés, ce n’est pas uniquement lié au manque de résultats du XV de France mais à de multiples facteurs.

Bernard Laporte dit souvent que la reconquête des licenciés passe par les performances de l’équipe. Partagez-vous ce sentiment ?

C’est évident et c’est à travers des performances accomplies et un comportement exemplaire que nous parviendrons à attirer de nouveaux licenciés. Mais il n’y a pas que cela. Il nous faut redevenir un sport noble, un endroit où le médiocre et l’intolérance n’ont pas leur place. Le rugby dans son ensemble est un lieu de rencontre, de partage, de respect et un formidable sport éducatif. Définir un cadre rigoureux où chacun trouve cette idée que beaucoup partagent doit se traduire par des actes où les éducateurs et dirigeants ont un rôle essentiel à jouer. C’est pour cette raison qu’il faut soutenir l’ensemble des femmes et des hommes du rugby français en les formant du mieux possible. Si vous avez de bons éducateurs, vous aurez de bons joueurs. L’émotion qui doit être partagée est celle du jeu, de voir des enfants s’épanouir, prendre du plaisir. Tout projet de jeu devrait commencer par le mot plaisir. Retrouvons un environnement où les enfants jouent en sécurité avec des adultes responsables et garants d’une éthique forte. Retrouvons un lien fort avec l’Education Nationale et le ministère de la Jeunesse et des Sports pour ancrer durablement le rugby à l’école. Il faut que le sport et le rugby en particulier reprennent une place plus importante dans l’éducation de nos enfants. Les Anglos-Saxons l’ont bien compris et font du sport une matière à part entière autant valorisée que d’autres matières. Le sport est un outil formidable d’éducation et de partage de valeurs.

Quel regard portez-vous sur le premier bilan du XV de France sous l’ère Fabien Galthié ?

Il est bon, l’environnement qui a été créé autour de garçons comme Dupont, Ollivon, Aldritt est favorable a la performance, la solidarité, l’autonomie et la responsabilité. De ce fait émergent beaucoup de leaders et tout devient plus simple quand vous avez plusieurs capitaines dans une équipe.

Retrouvez l'entretien en intégralité sur Midi-Olympique.fr

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