Hoeft: "Mon plus mauvais souvenir"

Par Rugbyrama
  • Nouvelle-Zélande Hoeft
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Sélectionné à 31 reprises pour les All Blacks, Carl Hoeft a deux Coupes du monde à son actif (1999 et 2003). Il était titulaire lors de la demie de 99 perdue face aux Bleus à Twickenham. En face de lui, Hoeft avait un certain Franck Tournaire. Depuis 5 saisons, il fait les beaux jours de Castres.

"Cette demi-finale à Twickenham est sûrement le plus mauvais souvenir de ma carrière en tant que joueur. Jamais je ne me suis senti aussi impuissant que ce jour-là. Pourtant, j’avais le sentiment d’avoir disputé l’un de mes meilleurs matchs sous le maillot all black. Face à Franck Tournaire qui était alors considéré comme le meilleur droitier au monde, j’avais réussi à tirer mon épingle du jeu. Tout le monde doutait alors de notre capacité à relever le défi en mêlée fermée. Il est vrai que les Français avaient alors un pack impressionnant constitué de vrais durs à cuire avec les Benazzi, Tournaire, Ibanez, Soulette ou encore Pelous. Mais mis à part peut-être les vingt dernières minutes de la rencontre nous avons bien tenu le choc. Ce n’est pas sûrement devant qu’ils ont gagné ce match.

Si nous avions commis une erreur, je crois qu'elle a été faite au niveau du choix des hommes. John Hart avait choisi de titulariser à la mêlée Byron Kelleher au détriment de Justin Marshall. Byron débutait au niveau international et n'avait alors pas l'expérience, ni la maîtrise de Justin qui était vu comme le meilleur numéro 9 de la planète. Le sélectionneur avait également choisi de faire des essais en mettant Christian Cullen au centre alors qu'il brillait de mille feux à l'arrière. Quand vous jouez une demi-finale de Coupe du monde, ce n'est pas le moment de faire des expérimentations.

Les gens pensent que nous avons pris les Français de haut et ne les avions pas respectés. En tout cas pas pour ma part. Chaque fois que j'ai enfilé le maillot black, je n'ai jamais pris un adversaire de haut. Il existe une théorie en Nouvelle-Zélande selon laquelle nous nous serions endormis en deuxième période. Je pense au contraire que ce sont les Français qui se sont réveillés. C'était un peu comme un ouragan emportant tout sur son passage. Rendez vous bien compte en moins d'une demi-heure, ils nous ont marqués 33 points. Quand vous prenez autant de points en aussi peu de temps, vous êtes comme groggys, KO debout. Aucune équipe au monde n'aurait été capable ce jour-là de leur résister.

"Une honte nationale"

Ils jouaient comme dans un rêve et réussissaient tout ce qu'ils entreprenaient. Pendant près de trente minutes, les Bleus ont joué un rugby superbe et nous ont surclassés. Nos poumons brûlaient, nos jambes ne répondaient plus. Nous nous sommes écroulés. Plus le match avançait, plus il était difficile pour nous de défendre, de contenir les assauts de cette équipe survoltée. Il faut savoir reconnaître quand un adversaire est meilleur que toi. Ce jour-là, les Français étaient plus forts que nous.

La déception était à la hauteur de l'attente. Colossale. Je n'ai pas le souvenir de joueurs en pleurs. Il régnait dans notre vestiaire un silence assourdissant. Nous étions tous sous le choc, incapables de sortir le moindre mot. On aurait une cérémonie d'enterrement. Je crois que sur le coup nous ne nous sommes pas rendus compte de l'onde de choc qu'avait provoquée notre défaite dans le pays. Il nous a fallu quelques jours pour réaliser.

Dans l'avion du retour, l'équipe n'était pas anxieuse. Nous savions que nous n'allons pas être accueillis les bras ouverts mais nous étions tous décidés à faire face. A la jouer serré. Quelle ne fut pas notre surprise quand nous avions posé à terre! Le pays était dans un état hystérique. Il n'y avait pas d'agressivité particulière mais nos compatriotes avaient vécu cette élimination comme une trahison, une honte nationale. Si bien que certains de mes partenaires ont eu la désagréable surprise quand ils ont récupéré leur bagage d'avoir l'inscription de "loser", perdant marqué dessus. J'ai mis plusieurs mois à me remettre de cette désillusion. Depuis que je suis en France, je n'ai jamais revu le match".

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