Debout les morts

Par Rugbyrama
  • 1999 France Magne Mola
    1999 France Magne Mola
  • 1999 All Blacks Lomu
    1999 All Blacks Lomu
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Toute cette semaine, notre site vous faire revivre l'incroyable exploit de l'équipe de France en demi-finale de Coupe du monde 1999, il y a dix ans, contre les All Blacks (43-31). Retrouvez, pour commencer, le résumé de la rencontre publié dans Midi Olympique le lendemain du match.

Exceptionnel, hallucinant, extraordinaire… Les superlatifs vont pleuvoir dans le courant de la semaine à l’endroit de ce XV de France et rien, d’évidence, ne sera plus mérité. Comment, au reste, cette équipe battue de plus de cinquante points il y a trois petits mois par cette même équipe des Blacks, comment cette équipe si approximative tout au long de ses matchs de poule, a-t-elle pu sortir une rencontre de ce tonneau, un match si plein, à ce point épatant de maîtrise et de lucidité, de courage et d’envie ?

Avec une patience et une application inouïes

C’est la grande interrogation du sport moderne, professionnel ou pas, c’est l’un des mystères les plus savamment entretenus du rugby à la française. Mais Dieu que cette victoire est belle et que cette équipe de France est héroïque. C’est si vrai qu’on ne lui donnait plus beaucoup de chances après que Lomu eut marqué son deuxième essai personnel, le huitième de son Mondial, sur une relance impayable de Wilson. A 24-10 face aux Blacks, qui aurait osé imaginer un scénario à ce point démoniaque ? Mais il était écrit quelque part que cette équipe, si encline à commettre des fautes lors du dernier acte, avait beaucoup plus de ressources et d’amour propre qu’on n’aurait jamais osé l’espérer. Comment expliquer autrement ce retour d’une patience et d’une application inouïes qui conduit Lamaison, à l’ombre de son pack, à passer coup sur coup deux drops d’un autre âge, puis deux pénalités, avant que Dominici – monstrueux Dominici – ne porte une estocade fatale aux Blacks par un essai de son cru, sur un coup de pied dans la boîte de Galthié ?

A 29-24, mon cher Bala, les mouches avaient changé d’âne et Pierre Villepreux, à bon droit, pouvait laisser filtrer une larme…

Sur les traces de Dominici

Au vrai, ce match, le XV de France, le prit à bras le corps d’emblée ouvrant le score par Lamaison et donnant sur toute l’étendue des vingt premières minutes, une impression de sérénité et de confiance qui nous laissent sans voix. Ah ! Le premier essai de Lamaison, sur une valise monumentale de Dominici, déchirant sur trente mètres tout le tissu de la défense adverse, s’arrachant aux griffes d’Umaga, de Wilson, par deux cadrages-débordements d’école, un soleil de rugby ! Et Dourthe qui renverse pour Lamaison, idéalement replacé… Comment ne pas aimer cette équipe quand elle grimpe pareillement sur un nuage de rugby, qu’elle évoque l’équipe de Dubroca battant l’Australie en 1987, celle de Rives réussissant l’exploit du 14 juillet 1979, celle de Saint-André glanant de haute lutte le droit de battre les Blacks à deux reprises sur leurs terres en 1994 et toutes celles, moins connues, qui nous firent le cœur chaud et nous bouleversèrent à proportion ?

Lomu et après ?

L’incroyable, pour lors, est encore de constater qu’à part Lomu, gigantesque comme à son habitude et auteur de deux essais que lui seul eut été capable de marquer, jamais au grand jamais, cette équipe de France n’eut à redouter les All Blacks. Ils ne proposèrent, au juste, rien de recevable à notre admiration, sur cette seule rencontre. Pris à la gorge, martelés défensivement, asphyxiés par quinze Bleus qui semblaient des milliers, ils redevinrent par la grâce des hommes d’Ibanez une équipe quelconque, tourneboulée par tant d’agressivité, de confiance et de plénitude.

1999 All Blacks Lomu
1999 All Blacks Lomu

Ce fut si frappant que le pilier Dowd, après que Dominici eut marqué son premier essai, adressa à ses coéquipiers un regard terriblement édifiant sur le doute qui saisissait alors les siens.

Villepreux l’avait annoncé

Admirables donc de santé, de ténacité, de lucidité, les Français que l’on attendait décidément pas à pareil niveau, n’allaient plus rien lâcher au tournant de l’heure de jeu, marquant même un essai tactiquement parfait, annoncé la veille par Pierre Villepreux sur tableau noir et qui consista à lober la défense noire par un botté admirable de Lamaison par-dessus le mur noir. Richard Dourthe se jeta sur cette balle avec une envie et un enthousiasme qui en disent long sur l’état de rébellion où se tenaient nos bonshommes…

Le reste, tout le reste, peut se chanter à voix forte : la férocité défensive, comme le dernier essai de Bernat-Salles ponctuant au sprint un contre d’Olivier Magne au pied. L’équipe de France marchait sur les eaux et effaçait d’un coup, d’un seul, toutes les déceptions qu’elle avait fait naître.

"Plus on nous critique, meilleurs on est", dira Pierre Villepreux sur le tard. D’ici qu’il nous fasse une " fourouxade " il n’y a qu’un pas. Mais on lui pardonnera tout, allez, tellement cette victoire fait honneur au rugby français, tellement elle relance dans le cœur des braves gens un peu de cette flamme passionnelle jusqu’ici vacillante, tellement cette équipe de France fut admirable. Debout les morts ? On ne pouvait rêver plus bel hommage une veille de Toussaint.

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