Procès Laporte/Altrad - 4e jour (1/2) : maillot des Bleus, partenaires en rogne et "double jeu"

  • Bernard Laporte durant une conférence à Montpellier
    Bernard Laporte durant une conférence à Montpellier
  • Mohed Altrad (Président de Montpellier) et sponsor de l'Equipe de France
    Mohed Altrad (Président de Montpellier) et sponsor de l'Equipe de France
  • Procès Bernard Laporte
    Procès Bernard Laporte
Publié le Mis à jour
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PROCÈS LAPORTE/ALTRAD - Mardi après-midi, au tribunal correctionnel de Paris, s’est déroulé le troisième interrogatoire de Bernard Laporte. Il fut question, entre autres choses, du sponsor maillot des Bleus, d’un drôle de "double jeu" et d’un chef d’entreprise "qui n’aimait pas le rugby"…

Procès Laporte, jour 4. Au tribunal correctionnel de Paris, le président de la FFR s’est ce mardi essentiellement expliqué sur les partenariats passés avec Mohed Altrad, dont le nom de l’entreprise est apparu à deux reprises sur le maillot tricolore : la première fois, via 'France 2023 by Altrad' et pour soutenir la candidature française à l’organisation de la Coupe du monde ; la deuxième, au sujet du sponsor maillot proprement dit.

Sur le premier thème, Bernard Laporte expliquait : "Trouver en 2017 un partenaire pour accompagner notre dossier de candidature à la Coupe du monde, c’était une mission qui incombait à Claude Atcher via sa société Score XV. Il nous fallait au plus vite bâtir le dossier de candidature, que nous devions rendre début juin à World Rugby. Et je ne voulais pas que ça coûte un centime à la fédé. Le 3 février 2017, il y a donc une première réunion avec les partenaires historiques (GMF, Société Générale, Orange…), auxquels on a présenté cette possibilité. Là, ils ont dit : On n’a pas les budgets...' M. Altrad, en revanche, était intéressé ; je lui en avais probablement parlé. Claude Atcher a défini le prix, soit 1,5 millions d’euros."

Mohed Altrad (Président de Montpellier) et sponsor de l'Equipe de France
Mohed Altrad (Président de Montpellier) et sponsor de l'Equipe de France

Mais "comment ont réagi les autres partenaires ?", s’interrogeait alors la présidente, Rose-Marie Hunault. Ce à quoi Laporte rétorquait : "Ils ont réagi normalement. De toute façon, le président de BMW M. Salimon avait dit à Serge Simon : "Moi je n’aime pas le rugby. Plus tôt nous partirons et mieux ce sera". Sa position était claire, pour nous". La marque automobile quitta en effet le vaisseau fédéral en 2019, au motif de restrictions de budget et d’une visibilité qu’elle estimait insuffisante. Salimon, lui, disait pourtant dans son procès verbal : "On s’est retrouvé dans le journal L’Equipe avec un article disant que M. Laporte avait prêté un de nos véhicules à quelqu’un qui n’avait rien à voir avec la FFR (l’actuel flanker du Stade français Julien Ory, N.DL.R.). Cela nuisait à mon image. Et puis, je craignais que l’arrivée d’un sixième sponsor nous enlève de la visibilité". La présidente faisait alors remarquer au patron fédéral que le PDG de BMW n’était peut-être pas seulement parti parce qu’il "n’aimait pas le rugby".

Après la formalisation de l’accord "France 2023 by Altrad", il y eut donc de la confusion chez les partenaires historiques de la fédération, lesquels craignaient de devenir "partenaires secondaires" (ils l’écrivirent d’ailleurs dans une lettre adressée à Bernard Laporte) et pensaient qu’Altrad était de facto devenu sponsor maillot sans qu’il y ait eu appel d’offres.

"Ce n’était pas le cas, répondait Laporte. Avec "France 2023 by Altrad", on parlait juste d’un partenariat d’accompagnement. Nous avions besoin d’argent, ils ne voulaient pas nous en donner, alors nous sommes allés chercher quelqu’un qui pouvait le faire". Alors, Madame Hunault reprenait le patron de la FFR de volée : "Vous aviez néanmoins signé un contrat d’image avec M. Altrad trois semaines avant, monsieur Laporte...-Oui, rétorquait Bernie. Mais je n’ai pas signé en tant que président de la FFR. J’ai signé comme ancien entraîneur ayant gagné des titres. Si un partenaire m’avait dit mettre 2,5 millions d’euros pour le partenariat "France 2023", je l’aurais pris. Ce n'est que du commerce, je suis désolé. Je suis là pour faire gagner de l’argent à la fédé, pas pour favoriser Pierre, Paul ou Jacques".

Le tribunal veut en savoir plus sur "la personnalité" de Bernard Laporte

Concernant l’achat du maillot des Bleus par le groupe Altrad, survenu quelques mois plus tard et dont les enquêteurs estiment qu’il n’a pas respecté les règles élémentaires de la concurrence, Laporte expliquait au jury :

"Le sponsor maillot était une de mes promesses de campagne. C’est Serge Simon qui a mené le dossier. Une société (Moon Consulting, N.DL.R.) a d’abord fait une étude pour savoir combien valait le maillot tricolore. Alors, tous nos partenaires ont répondu par la négative : on parlait en effet de 9,9 millions d’euros, ce qui était beaucoup pour une équipe de France alors mal classée. Le maillot anglais valait par exemple 8 millions d’euros. Début août 2017, AIA (Altrad Invest Authority) a fait une proposition moindre (5, 4 millions d’euros, N.D.L.R.) et là, j’ai dit "non, ce n’est pas assez !" On a donc redéfini le prix ".

Selon la présidente, qui se référa à cet instant de l’audition au dossier d’enquête, la fédération aurait pourtant répondu favorablement à la première offre émise par l’entreprise de Mohed Altrad. "Je n’en ai pas connaissance, répondit Laporte. De toute façon, il y a eu un appel d’offres derrière cette première offre, personne n’a répondu et on a donc signé avec AIA pour 6,2 milions d’euros. Et cette année 2022, grâce aux primes relatives à certaines primes, il a été rehaussé à plus de 8 millions d’euros. C’est brader, ça ? Ce n’est pas un bon prix ?"

Ce qui semblait chagriner la présidente, au sujet de l’appel d’offres dont parlait Bernard Laporte, c’est que l’avocat ayant organisé la mise en concurrence, maître Bayon, devint ensuite le conseiller de M. Altrad. "Maître Bayon nous a accompagnés au départ, disait Laporte. Mon épouse (Manon, avocate fiscaliste, N.DL.R.) m’avait dit qu’il était spécialiste de ce genre de dossiers et me l’a présenté. Mais dès lors que nous avons appris qu’il était devenu un conseil de M.Altrad, nous n’avons plus travaillé avec lui. Il n’a pas reçu un euro. J’ai dit qu’il jouait double jeu, que ce n’était pas possible".

Procès Bernard Laporte
Procès Bernard Laporte

Que Maître Bayon ait pu jouer "double jeu", c’est une possibilité. Mais pourquoi est-ce Bernard Laporte, et nul autre, qui a présenté l’avocat en question à M. Altrad ?

"M. Altrad m’a demandé ses coordonnées, rétorquait Laporte, je lui ai données comme je l’aurais fait pour un autre partenaire. Je vais vous dire : cinq ans après tout ça, tous nos partenaires sont restés et nous en avons même signé quatre supplémentaires. Qui est mécontent ? Qui ? Et vous savez ce que c’est une Coupe du monde, pour un pays ? Quatre à cinq milliards de retombées économiques".

La procureure de la Répulique, Céline Guillet, répondait alors que ce n’était pas le sujet et qu’aux enquêteurs de la BRDE, Mohed Altrad avait dit que son "seul interlocuteur au sujet du maillot fut Bernard Laporte". -Il s’est trompé, concluait Bernie. Son interlocuteur était Claude Atcher, soit la personne la plus à même de parler marketing". Demain, Bernard Laporte sera entendu une dernière fois, la présidente souhaitant en connaître un peu plus sur "la personnalité" du président de la FFR. Vaste programme.

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