Qu’importe le ballon !

  • Tony Ward
    Tony Ward
  • Tony Ward - Manager - Hurricanes
    Tony Ward - Manager - Hurricanes
  • Liam Brady / Michel Platini - 1981 - Irlande-France
    Liam Brady / Michel Platini - 1981 - Irlande-France
Publié le Mis à jour
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Ils ont joué au rugby, tout en pratiquant un autre sport à bon niveau. Voyage au pays de ces sportifs éclectiques. Aujourd’hui, Tony Ward, feu follet irlandais qui taquinait aussi le ballon rond.

C’est un truc qui nous paraîtrait fou aujourd’hui. Et pourtant, tout ceci a bien eu lieu à la charnière des années 70 et 80. En 1979, l’année de naissance de Brian O’Driscoll, Tony Ward fut élu meilleur joueur européen. Avec ses yeux bleus, sa peau mate et sa chevelure de jais frisée, on ne pouvait pas le manquer au milieu des blonds et des rouquins. Ce qu’on ne savait pas vraiment en France, c’est que cet ouvreur international irlandais vivait une double vie de sportif. L’homme qui permit au Munster de battre les All Blacks en 1978, date historique ; celui qui joua dix-neuf fois pour l’Irlande et une fois pour les Lions britanniques taquinait aussi le ballon rond. Mais attention, pas avec des amis sur la plage, mais sous les couleurs d’un club sérieux, semi-professionnel.

Tony Ward - Manager - Hurricanes
Tony Ward - Manager - Hurricanes

Tony Ward évoluait en première division irlandaise et goûta même… à la Coupe de l’UEFA en 1981-1982. On essaie de transposer la chose aujourd’hui. Allez, pourquoi pas, Frédéric Michalak qui foule les terrains de Ligue 1 ou de la Ligue Europa en alternance avec ceux du Top 14. Cela reste le charme de ce rugby d’antan qui, finalement, ne se prenait pas trop au sérieux. Les gars qu’on voyait à la télé les samedis de Tournoi ne pensaient pas qu’au rugby. Ils avaient (presque) tous de vrais métiers et Tony Ward, en plus, pratiquait un autre sport.

Il a côtoyé Liam Brady

En fait, le football était son sport de base, c’est ce qui est le plus fascinant. Tony Ward a débarqué à Limerick, la Mecque du rugby irlandais, pour faire des études afin de devenir professeur d’éducation physique. Il jouait alors pour les Shamrock Rovers, un très bon club de foot de Dublin, sa ville d’origine. Le football avait été la grande passion de sa jeunesse. "Je jouais dans un club nommé les Rangers, le plus fort de Dublin Sud. Les meilleurs de Dublin Nord s’appelaient St Kevin et, parmi eux, se trouvait Liam Brady (international irlandais passé par Arsenal et la Juventus, où Michel Platini lui succéda, N.D.L.R.)." Tony Ward joua même pour la sélection scolaire irlandaise, soit les moins de 15 ans, où il retrouva Liam Brady.

Liam Brady / Michel Platini - 1981 - Irlande-France
Liam Brady / Michel Platini - 1981 - Irlande-France

Il aurait pu faire bien mieux quand deux recruteurs irlandais représentant Manchester United et Arsenal lui proposèrent d’aller passer des tests pour intégrer ces deux prestigieuses écuries anglaises. "En fait, c’est ma mère qui n’a pas voulu que j’y aille pour que je passe mon diplôme de fin d’études secondaires. Sinon, ma destinée aurait été toute autre. Peut-être que je serais devenu footballeur professionnel." Il trouva quand même une place chez les Shamrock Rovers tout en poursuivant ses études et c’est à 20 ans que son destin bascula vraiment quand, en arrivant à l’université de Limerick, il accepta de tâter du ballon ovale sous le maillot de Garryowen, l’un des clubs de la cité. "C’était difficile de jouer le week-end avec mon club, d’aller à Waterford ou à Finn Harps et me retrouver le lundi matin à Limerick pour les cours." à quoi tient donc une carrière…

Une liberté immense

Dans le rugby irlandais de l’époque, les compétitions étaient souvent régionales. Tony Ward n‘a pas tout à fait découvert le rugby aussi tardivement car il avait déjà joué avec St Mary’s à Dublin, un club adossé à un collège, mais sans penser que ceci le mènerait très loin. Avec Garryowen, son adresse naturelle, son jeu au pied bien sûr et sa créativité lui permirent de brûler les étapes, jusqu’à se voir convoquer en équipe nationale quatre ans plus tard. Mais il avait pris en parallèle une licence au club de foot local : Limerick United avec qui il continuera de jouer et de s’entraîner même si les rendez-vous de l’équipe nationale étaient quand même prioritaires.

Quand ils étaient à domicile. Écoutons ce qu’il a dit à l’Irish Independent : "Il m’est arrivé de jouer au foot le vendredi soir à Tolka Park avec United et enchaîner avec un match de rugby le lendemain à Lansdowne Road (stade de foot dublinois) avec Garryowen. Je n’étais pas particulièrement fatigué. Je faisais ça même quand j’étais international. J’ai déjà joué un match en sélection contre l’Angleterre à Lansdowne Road alors que le lendemain, je devais me trouver dans un petit stade de foot. Je n’aurais jamais prétexté à mon club que j’avais passé la soirée précédente dans un pub à boire des coups." Finalement, seul le trajet entre deux enceintes pouvait freiner Tony Ward dans sa frénésie de jeu. Il a souvent expliqué qu’à l’époque, le rugby ne demandait pas un travail de musculation intense pour les trois-quarts comme c’est le cas aujourd’hui, même s’il sentait qu’il devait s‘ "armer" un peu pour être compétitif avec un ballon ovale. Sa vivacité de footballeur devait en pâtir.

En 1982, Tony Ward fut "oublié" par les sélectionneurs au profit de Ollie Cambell, son éternel rival. Il put s’éclater en participant à tous les tours du parcours victorieux de Limerick United en Coupe. C’est cette saison-là qu’il joua contre Southampton en Coupe de l’UEFA et qu’après la rencontre, Kevin Keegan échangea son maillot blanc de l’équipe nationale anglaise de foot avec un maillot vert de l’équipe nationale irlandaise. Tony Ward croisa aussi Glen Hoddle (Tottenham) pour un match amical et joua son tout dernier match à onze contre Manchester United pour un jubilé. Quand on revoit tout ce qu’il a fait dans sa carrière - joueur de premier plan, consultant pour plusieurs médias (radios, télé, presse écrite), professeur de sports et de géographie dans un collège - on est pris d’une bouffée de nostalgie. On se dit qu’à l’époque, les rugbymen n’avaient pas de contrat mais leur liberté était immense.

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