Les 10 matchs les plus mémorables : Barbarians - Nouvelle-Zélande 1973

Par Rugbyrama
  • John Dawes (Barbarians) porté en triomphe après le match contre les All Blacks en 1973
    John Dawes (Barbarians) porté en triomphe après le match contre les All Blacks en 1973
  • Équipe des Barbarians en 1973
    Équipe des Barbarians en 1973
  • Gareth Edwards (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
    Gareth Edwards (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
  • JPR Williams (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
    JPR Williams (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
Publié le Mis à jour
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La crise sanitaire actuelle a contraint les autorités à stopper toutes les compétitions de rugby en Europe. L’occasion de ressortir les matchs les plus beaux, les plus légendaires, les plus inoubliables de l’histoire du rugby. Dixième et dernière rencontre mémorable : l’ode au jeu des Barbarians, un après-midi de 1973 dans la Mecque galloise de l’Arms Park.

"Si le meilleur auteur du monde avait écrit cette histoire, personne ne l’aurait crue". Cliff Morgan, commentateur de dernière minute mythique de ce Barbarians – Nouvelle-Zélande (il a remplacé Bill McLaren deux heures avant le coup d’envoi), vient peut-être de vivre le plus beau début de match de l’histoire du jeu. 2 minutes et 26 secondes après l’engagement venait d’être aplati "Le plus bel essai jamais inscrit" aussi surnommé plus simplement "L’essai". Une action de 95 mètres ou la balle est passée dans les mains de sept joueurs des Barbarians, avants comme arrières. Un caviar offensif où l’on a vu de tout : crochets monstrueux de Phil Bennett, prise d’intervalle de John Dawes, passes après-contact de JPR Williams ou Tom David, sans oublier le débordement et l’aplatissage en coin du demi-mêlée gallois Gareth Edwards, indiscutablement le meilleur joueur du monde à cette époque, et qui ajoute là une ligne de plus à sa légende.

Voilà comment s’est lancée cette rencontre Barbarians – Nouvelle-Zélande le 27 janvier 1973 à l’Arms Park de Cardiff. La 28ème de la tournée hivernale des All Blacks qui affichent alors un bilan de 22 victoires, 4 défaites et nul, bien emmenés par leur capitaine Ian Kirkpatrick et leur ailier Bryan Williams, tous deux titulaires ce soir-là. Face à eux, les Barbarians ont un sérieux goût de Lions britanniques et irlandais : 7 Gallois, 4 Irlandais, 3 Anglais et un Écossais composent l’équipe. 12 de ces 15 Baa-Baas ont même fait partie de la tournée triomphale des Lions en Nouvelle-Zélande deux ans auparavant. Tout ce beau monde sélectionné et coaché par le Gallois Carwyn James, apôtre de l’attaque à outrance, et qui a insufflé cette soif de jeu à ses joueurs, parfaitement retranscrite sur ce premier essai légendaire.

Équipe des Barbarians en 1973
Équipe des Barbarians en 1973

Une première mi-temps à sens unique

"Beaucoup de gens ne retiennent que les premières minutes à cause de l’essai, mais ils oublient tout le beau rugby qui a été développé après, en bonne partie par les All Blacks d’ailleurs." Gareth Edwards avait raison. Pendant 80 minutes, jamais la volonté de jouer ne s’est amoindrie, mis à part un drop tenté par l’ouvreur néo-zélandais Bob Burgess à la 5ème minute. Mais certainement sonnés par le début de match, les All Blacks, malgré leurs ambitions, ont été coupables de nombreuses fautes de mains qui laissèrent leur tableau d’affichage complètement vierge sur la première période.

Mais face à eux, parfaitement lancés par "L’essai", les Barbarians sont sur un nuage. Les courses tranchantes s’enchaînent, les brèches sont ouvertes par les jambes de feu d’Edwards ou de l’ailier anglais David Duckham, qui réalise ce jour-là l’un de ses matchs les plus aboutis. Les transmissions fusent : passes sur un pas, passes lobées, off-loads, chisteras... Tous les avants participent au jeu (notamment l’intenable troisième ligne gallois Tom David) et les hommes en noir ne savent plus où donner de la tête en défense. Quant au public de l’Arms Park, il est dévoué corps et âme aux Baa-Baas et réagit comme un seul homme à chaque action. "Ils (les spectateurs, ndlr) se comportaient comme si c’était le pays de Galles qui jouait à domicile", se souvient 40 ans plus tard Phil Bennett.

Alors que le score est de 7 à 0 après une pénalité transformée par l’ouvreur gallois, un essai est refusé à John Dawes pour un en-avant de passe, après une nouvelle action de grande classe des Barbarians. Sur la mêlée qui suit, l’irlandais Fergus Slattery chipe le ballon au demi de mêlée Sid Going et va aplatir le deuxième essai du match. Trois minutes plus tard, c’est au tour de l’ailier gallois John Bevan d’aplatir en coin juste avant que l’arbitre français Georges Domercq ne siffle la mi-temps. 17 à 0, les chœurs de l’Arms Park et le fanny est total, à l’image du rugby proposé.

Gareth Edwards (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
Gareth Edwards (Barbarians) face aux All Blacks en 1973

Sous le signe du jeu

Au retour des vestiaires, les All Blacks réagissent, mais ils ne sont aidés ni par le manque de réussite de leur buteur Joe Karam (auteur d’un 1/5 au pied), ni par la faute de main de Kirkpatrick dans l’en-but des Baa-Baas. Bryan Williams essaie bien de faire la différence dans son couloir droit, mais il est parfaitement contenu par son vis-à-vis Bevan et par l’arrière gallois JPR Williams, auteur d’un grand match en défense.

C’est finalement sur l’autre l’aile que le néo-zélandais fait la différence, en envoyant à l’essai son coéquipier Grant Batty. Le numéro 11 était déjà le All Black le plus en vue en première mi-temps et avait repris le jeu plein de hargne, parfois à la limite, ce qui lui valut quelques sifflets de la part de l’Arms Park. Additionné à la seule pénalité réussie de Karam, cet essai ramène le score à 17-7. 20 minutes plus tard, Batty récidive : il récupère un coup de pied manqué de Ian Hurst, déborde John Dawes puis tape un coup de pied à suivre pour éliminer JPR Williams et signer le retour des Blacks qui ne sont plus menés que 17 à 11.

Mais dans un match aussi enlevé, ce sont l’inspiration et la justesse technique des Baa-Baas qui vont l’emporter. Alors que son équipe est dans un temps fort, Gibson feinte, se joue de deux défenseurs All Blacks et transmet à Slattery. Le troisième ligne donne à l’extérieur pour JPR Williams qui mystifie Karam d’un crochet pour se rendre en terre promise. Bennett réussit la transformation et redonne 12 points d’avance à son équipe.

JPR Williams (Barbarians) face aux All Blacks en 1973
JPR Williams (Barbarians) face aux All Blacks en 1973

Il reste un peu plus de dix minutes de jeu et la partie bascule dans la folie. Les deux équipes jouent tous les ballons à la main, profitent de chaque turnover pour contre-attaquer, et les temps-morts se font poussière. Dans un stade en fusion, les Barbarians sont tout proches de l’essai du K.-O, mais il n’arrivera pas, Bevan n’appuyant pas assez son coup de pied rasant. Après une dernière action d’envergure, Gibson tombe le ballon et l’arbitre siffle la fin du match. Score final 23-11, le public envahit la pelouse.

Relique d’un rugby d’un autre temps, cette rencontre Barbarians – Nouvelle-Zélande n’en reste pas moins l’un des plus beaux matchs jamais joués. Les Baa-Baas, ont transmis leur folle envie de jeu à des All Blacks qui n’en demandaient pas tant pour s’octroyer une partie de mouvement après les rudes oppositions de l’hiver. Les qualités intrinsèques des joueurs des deux camps ont fait le reste, comblant les spectateurs d’un Arms Park plus chaleureux que jamais, et qui ont porté en triomphe les héros du jour, et du jeu, au coup de sifflet. Car oui, ce match nous rappelle aussi que le rugby est un jeu, et à quel point il peut procurer du plaisir à tous, acteurs comme spectateurs.

Par Baptiste Pery

Crédits photos : WalesOnline

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