1990, le sursaut tricolore

Par Rugbyrama
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Chaque jour, notre site revient sur un exploit marquant du XV de France dans l'hémisphère sud à travers des anecdotes tirées, notamment, des éditions de Midi Olympique de l'époque. 5e volet de la série avec la victoire le 30 juin 1990 à Sydney (28-19) dans un contexte particulier.

La tournée de 1990 va se dérouler dans des conditions un peu particulières. Le moins que l'on puisse dire est que l'atmosphère autour du XV de France à ce moment-là était loin d'être sereine. Polémiques multiples, contestation à propos de l'encadrement de l'équipe, désamour du public face à un rugby français en perte de crédit. Les maux sont nombreux.

L'état de crise

Le contexte est explosif. Les sifflets envers le président Ferrasse lors d'un match Angleterre-France en février 1990 en disent long sur la crispation des relations entre le public et l'équipe nationale. C'est aussi l'époque du clash entre Serge Blanco et Pierre Berbizier, appelé pour la tournée mais qui va décliner la séléction. Entre les deux hommes, le divorce est consommé.

Jacques Fouroux, alors directeur de la tournée et sélectionneur des Bleus depuis plus de huit ans (pas forcément de son plein gré d'ailleurs), sait qu'il joue gros en Australie. Les voix de ses détracteurs, notamment celle de Robert Paparemborde qui le dit hors du coup et veut le pousser vers la sortie, ou celles de ceux qui remettent en cause ses choix, tant au niveau du jeu qu'en ce qui concerne les hommes, trouvent un écho de plus en plus puissant. C'est une jeune équipe qui est convoquée pour aller affronter les Australiens. Si on reconnaît le fort potentiel des joueurs, le collectif n'est pas très structuré et le groupe a tout à prouver. Il doit s'imposer pour faire tomber la colère de la vox populi.

L'exigence de résultats se fait en effet pressante après des déconvenues récentes qui ont profondément marquées les esprits, et qui ont agi comme un révélateur de la crise qui couvait depuis déjà un certain temps. En un an, sur neuf matchs joués, la France compte six défaites ! Dont la dernière avant le départ en Australie est probablement la plus choquante, car elle est vécue comme une humiliation. Les tricolores de Cambé, Blanco et consorts se sont inclinés face à la Roumanie à Auch le 24 mai, 12-6. On imagine le traumatisme laissé dans son sillage par cette " inconcevable défaite" selon les mots de Jacques Verdier dans Midi Olympique. Défaite qui achève de mettre le feu aux poudres. C'est donc la tournée de tous les dangers pour Blanco, capitaine de cette équipe, Ferrasse et Fouroux, qui partent avec dans leurs valises une pression écrasante du pays.

Statu quo

"Au pied du mur", est le titre choisi par Midi Olympique avant le premier test, ce qui décrit bien la position des Français. Les Bleus vont pourtant s'imposer, 19-12, pour leur premier match face à l'équipe de la Nouvelle-Galles du Sud, réputée comme étant coriace, et relancer ainsi un peu d'optimisme quant aux perspectives de victoire dans cette tournée. Un optimisme qui sera malheureusement de courte durée. En effet, le 9 juin, " il faisait nuit sur Sydney" et les Français perdent leur premier test face aux australiens (21-9) en étant condamnés dès la quatorzième minute après l'expulsion d'Abdelatif Benazzi pour piétinement.

Le deuxième ligne Peter Fitzsimons, impérial, va faire beaucoup de mal aux Français. Avec un pack réduit à sept, il était alors impensable de s'imposer. La tournée commence à tourner au cauchemar, les Tricolores sont dépités. Le deuxième test revêt donc une importance quasi dramatique, et voit le retour à l'aile du surdoué David Campese dans l'effectif des Wallabies. Le french-flair et les exploits des relances de Blanco, auteur de deux essais grandioses ne suffiront pas face aux Australiens, qui inflige aux Bleus ce jour-là, ce qui était alors la plus lourde défaite de l'histoire du XV de France, 48-31 !

Une victoire historique et un décès tragique

Voilà ce qui était écrit dans Midi olympique au lendemain du match : "Une tournée d'ores et déjà ratée et perdue, quelque soit le résultat du troisième test à Sydney, dont on voit mal comment la bande à Jacques Fouroux pourrait le remporter". Des propos rudes, à la hauteur de la déception, mais qui vont être atténués au moment du troisième test. Le sursaut français va se produire, le 30 juin au Football-Stadium de Sydney. Les Français, condamnés par tous à l'échec, déclarés perdants avant même d'avoir joués, vont arracher cette précieuse victoire (28-19) avec brio, s'appuyant sur les jeunes talents de son effectif qui vont enfin laisser éclater toute leur classe. On pense à Cambérabéro, Saint-André, ou encore Xavier Blond, qui pour sa première titularisation va marquer les esprits.

Le XV de Blanco sauve sa tournée et quelques têtes au passage. Les Français vont pouvoir rentrer au pays la tête haute, en ayant évité sur le fil la catastrophe annoncée. Midi Olympique parle de "renaissance". Jacques Fouroux et Serge Blanco voient ainsi leur crédit renouvelé auprès du public, et décroche au sein des institutions un statu quo, propre à apaiser les tensions.

Signalons dans le carnet noir de ce périple, le décès tragique en pleine tournée du talonneur daquois Dominique Bouet, le 2 juillet 1990.

Fiche technique :

Au Football-Stadium de Sydney, France bat Australie par 28 à 19 (mi-temps 13-12)

Temps doux, vent nul, 34776 spectateurs.

- Pour l'Australie: deux essais de Campese (21e) et Daly (58e); une transformation (21e), deux pénalités (7e et 30e) et un drop (68e) de Lynagh.

- Pour la France: deux essais de Cambérabéro (2e) et Mensel (80e); une transformation (80e), deux pénalités (61e et 69e) et trois drops (5e, 36e, 74e) de Cambérabéro et une pénalité (25e) de Blanco.

Explusion pour la France: Gallart (51e).

Remplacements pour l'Australie, Gavin par Scott-Young (59e), Carozza par Martin (74e); pour la France: Devergie par Condom (17e) et Blanco par Lafond (45e).

Composition :

AUSTRALIE: Campese; Williams, Little, Cornish, Carozza; (o) Lynagh, (m) Farr-Jones (cap); Nasser, Gavin, Miller; Fitzsimons, McCall; McKenzie, Kearns, Daly.

FRANCE: Blanco (cap); Saint-André, Sella, Mesnel, Lagisquet; (o) Cambérabéro, (m) Hueber; Bénazzi, Melville, Blond; Roumat, Devergie; Gallart, Armary, Bouet.

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