Procès Laporte/Altrad - 4ème jour (2/2) : Altrad : "Je vais vous dire la vérité"

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  • Bernard Laporte et Mohed Altrad
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Publié le Mis à jour
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Procès Laporte/Altrad - Au fil d’une audience qui dura six heures et se termina mardi soir à 23 heures, Mohed Altrad s’est longuement expliqué au sujet du contrat d’image l’ayant un temps lié à Bernard Laporte. Il a aussi évoqué les dossiers du rachat de Gloucester ou l’autre, plus épineux, de la commission de discipline...

C’est mardi après-midi, aux abords de 16 h30, que Mohed Altrad, sponsor maillot du XV de France et président du MHR, a succédé à Bernard Laporte à la barre. En préambule, la présidente du jury, Rose-Marie Hunault, a donc demandé au milliardaire héraultais de retracer son parcours.

"Je suis né dans les années 50. Je ne connais pas la date exacte, ; il n’y avait pas d’état civil, chez moi ; je voyageais à dos d’âne au travers de la Syrie. […] Ma mère avait 12 ans quand elle fut violée par le chef de la tribu. Puis j’ai été répudié par mon père et trimbalé dans diverses familles. J’ai alors été adopté par des gens bien et là, j’ai pu intégrer l’école coranique. Peu après, dans le cadre d’un échange avec la France, j’ai alors atterri à Montpellier. J’avais à peu près 16 ans. Nous étions en 1970".

Top 14 - Mohed Altrad (Montpellier) sur le banc lors des demi-finales
Top 14 - Mohed Altrad (Montpellier) sur le banc lors des demi-finales

Sans transition ou presque, Mohed Altrad, aujourd’hui à la tête d’un groupe employant 60 000 personnes à travers le monde, expliquait dans la foulée : "Madame la présidente, je vais dire toute la vérité. Je suis devant un tribunal pour la première fois de ma vie ; j’ai dû faire quelque chose qu’il ne fallait pas faire. Je suis en quelque sorte l’homme qui a porté atteinte à l’harmonie des autres hommes. Aujourd’hui, je suppose donc que l’on cherchera à m’acculer, pour que je trébuche, que je sois destabilisé. [...] Vous savez, je gère des milliards. Pourquoi aurais-je cherché à corrompre Bernard Laporte pour 150 000 euros ? C’est le plus petit montant que l’on peut proposer (à un consultant extérieur, N.D.L.R.) chez Altrad. Galthié avait 300 000 euros, on peut aller jusqu’à plusieurs millions. Mais c’est en rapport avec la taille de l’entreprise".

Altrad : " J’ai fait venir Tony Blair, Jean-Piere Raffarin, François Léotard..."

Pour être clair, la multinationale "Altrad Investment Authority" possède 100 % des filiales du groupe et "Altrad Participations", l’une de ses filiales, possède le MHR à 99 %. En 11 ans, Mohed Altrad a d’ailleurs investi 70 millions d’euros dans le club héraultais. A la question de la toute première rencontre entre Altrad et Laporte, le patron du MHR expliquait : "En 2016, Bernard Laporte a quitté Toulon. A l’époque, Jake White (ex entraîneur du MHR) m’avait fait une crasse, en écoutant les propositions de la fédératon anglaise alors qu’il était sous contrat. J’ai donc appelé Laporte. On a mangé au restaurant et à la fin du repas, je lui ai proposé 1,2 millions d’euros pour qu’il entraîne le MHR. Il n’a pas dit non. Il m’a juste dit qu’il était candidat à la FFR."

Et le contrat d’image d’une valeur de 150 000 euros signé quelques mois plus tard entre les deux hommes, alors ? "Que ce soit pour Fabien Galthié, Vern Cotter ou Jake White, qui avaient le même type de contrat, celui-ci est toujours lié à Altrad Investment Authority, pas au club et à Altrad Participations". Néanmoins, quelle utilité d’avoir un coach de rugby dans une entreprise d’échafaudages ?

"Dans le groupe, j’ai déjà fait venir Tony Blair, qui ne connaissait rien à nos produits, François Léotard, Jean-Pierre Raffarin... Ils étaient inspirants pour nos salariés, comme aurait pu l’être Bernard Laporte. Car je vous rappelle que le plus bel actif d’une entreprise, ce sont ses salariés". A cet instant, la présidente énonçait que lorsque le contrat d’image fut signé, Bernard Laporte était président de la FFR, pas entraîneur. Et que le risque de conflit d’intérêts était donc réel.

"Moi, rétorquait Mohed Altrad, je n’ai pas vu le mal et mes avocats n’ont soulevé aucun souci lorsque je leur en ai parlé. […] Vous savez, Bernard Laporte n’est pas parfait : c’est un homme de terrain et il ne connaît pas tous les statuts, les mécanismes d’une fédération… Vous vous en êtes peut-être aperçu... Il délègue mais ne suit pas toujours ses délégations au jour le jour. Et alors ? Paul Goze était pareil à la Ligue". La présidente ripostait aussitôt : "Mais M. Goze n’est pas convoqué par le tribunal, M. Altrad".

Pour conclure sur le sujet, lorsque le contrat d’image fut révélé par le Journal du Dimanche à l’été 2017, Bernard laporte décida de rembourser les 150 000 euros à Mohed Altrad. "On a alors signé une reconnaissance de dettes, poursuivait le président du MHR. On a mis en place un échéancier, puis un rééchelonnement parce que Bernard Laporte avait des difficultés financières". Posons-nous la question : la présidente du jury a-t-elle mardi soir été surprise par la personnalité de Mohed Altrad ? Celui-ci était-il mieux préparé que Bernard Laporte ? Toujours est-il qu’elle nous sembla bien moins virulente qu’elle ne le fut avec le président de la FFR deux jours durant…

Quelle casquette pour Laporte dans le projet de rachat de Gloucester ?

Dans la foulée du contrat d’image, fut alors rapidement évoqué le report du match entre Montpellier et le Racing. En mars 2017, la LNR avait décidé de déplacer cette rencontre parce qu’elle estimait les joueurs du Racing perturbés par l’annonce de la fusion francilienne survenue quelques jours plus tôt ; une décision à laquelle s’était aussitôt opposée la FFR et son président, Bernard Laporte. "Je n’étais pas d’accord, disait Altrad. J’en ai alors parlé à Bernard Laporte ; le recours à la FFR était le seul possible". Mais dès lors, pourquoi le MHR envoya-t-il des joueurs au stade, le jour d’un match qui n’aurait pas lieu ? Pour fare valoir son droit ou simplement récupérer des points sur tapis vert ? Telles furent alors les interrogations lancées par le procureur...

Au sujet du rachat avorté du club de Gloucester, cette fois-ci, Mohed Altrad expliquait : "Le groupe Altrad est très implanté en Angleterre, nous cherchions un vecteur de communication comme peut l’être le MHR en France. L’opportunité de Gloucester s’est présentée en 2016. Nous voulions en devenir l’actionnaire majoritaire". Les policiers de la BRDE, dans leur rapport d’enquête, reprochent quant à eux à Bernard Laporte d’avoir oeuvré en coulisses pour que l’affaire se réalise. "Une fois que j’ai appris qu’il n’y avait pas d’avis défavorable de la part des fédérations, j’ai demandé à Bernard Laporte d’aller dans ce sens-là", disait l’entrepreneur héraultais au tribunal. La juge ajoutait alors que le problème, en l’occurence, était la casquette portée par M. Laporte au moment de faire le "lobbying" en question.

Altrad : "C’est une forme de torture psychologique"

Au bout de six heures d’audience, alors que le tribunal avait été vidé de toutes ses âmes ou presque, la présidente abordait à présent les deux sujets les plus épineux du cas Altrad : a-t-il oui ou non demndé à Bernard Laporte d’intervenir auprès de la commission d’appel afin de réduire une sanction visant Montpellier ? Le maillot tricolore lui a-t-il oui ou non été bradé ?

Bernard Laporte et Mohed Altrad
Bernard Laporte et Mohed Altrad

"La sanction prononcée par la commission par la Ligue était disproportionnée, disait Altrad au propos de la première thématique. M. Goze a pris l’avion pour essayer de m’en dissuader mais j’ai été au bout". Après avoir envisagé de conforter la commission de la Ligue (70 000 euros d’amende), le jury de la commission d’appel modifiait pourtant sa décision après une intervention supposée de Bernard Laporte, puisque c’est ce qu’assurent aujourd’hui les enquêteurs dans leur rapport. Altrad livre chronologie :

"J’ai d’abord appelé Laurent Gabannini, le directeur général de la FFR, afin de connaître la décision de la commission d’appel. Il venait d’enterrer un proche et m’a donc renvoyé Bernard Laporte, que j’ai alors contacté. Où est le mal ? Nombreux sont les clubs appelant tous les jours Bernard Laporte ". L’avocat d’Anticor, partie civile, demandait alors à Mohed Altrad s’il trouvait normal que Bernard Laporte réagisse avec autant de réactivité à ses demandes. "Non, tranchait Altrad. Il y avait là-dessus une situation d’urgence, voilà tout". A 22h30 et au fil d’un marathon d’interrogatoires que Mohed Altrad jugea comme "une forme de torture psychologique" et qu’il termina pour le moins fatigué, l’audience était suspendue.

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