Landreau : "Si demain j'ai un coup de cœur, je peux repartir"

  • Fabrice Landreau entraineur de Toulon en Janvier 2018
    Fabrice Landreau entraineur de Toulon en Janvier 2018
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Désormais installé à La Tremblade (Charente-Maritime) où il épaule bénévolement le club local qui évolue en 1ère série, Fabrice Landreau ne met pas pour autant sa carrière d'entraîneur professionnel entre parenthèses. 4 mois après son éviction du Rugby Club Toulonnais (TOP 14), l'ancien talonneur international (4 sélections), loin d'être amer, ne s'interdit rien. Quitte à s'exiler à l'étranger.

Rugbyrama : Passer du RCT à l'US Trembladaise, c'est assez détonnant comme parcours !

Fabrice Landreau : C'est un choix de vie (rires). Et pratiquement un retour au pays, car je suis né à Angoulême (Charente). Après l'élimination en barrages du TOP 14 contre Lyon, on sentait avec Fabien Galthié que notre sort était scellé. Mais je n'avais aucune proposition pour rebondir. A vrai dire, je n'ai pas vraiment cherché, c'était trop juste. Ma priorité, c'était de penser à mes deux filles. Nous n'avions pas d'attaches à Toulon. A la Tremblade, si ! Mes parents ont acheté une maison il y a 40 ans à Ronce-les-Bains (station balnéaire de La Tremblade, ndlr). J'y ai passé toute ma petite enfance, en vacances. J'ai aussi acheté une maison ici, il y a 5 ans. On y venait en famille pendant les trêves. Et je jouais souvent le jeudi soir avec les anciens du club.

C'est vous qui avez proposé vos services à l'intersaison ?

F.L : Oui, j'étais déjà proche de l'US Trembladaise. Quand je suis arrivé, fin août, j'ai aussitôt appelé les dirigeants. Je voulais donner un coup de main, j'ai pris une licence de dirigeant bénévole. Je conseille l'équipe sénior qui évolue en 1ère série (8e division nationale, ndlr). Et j'entraîne les U14.

Comment ont-ils réagi quand ils vous ont vu débarquer à l'entraînement ? Impressionnés ?

F.L : Tu parles, les gamins ne me connaissent pas (rires) ! J'ai 50 ans, ils ne m'ont jamais vu jouer. Mais depuis quelques temps, je vois plus de maillot de Toulon à l'entraînement. Après, avec l'équipe première, quand on approfondit un travail spécifique, comme la mêlée, il y a une attention particulière. Ils ont l'impression d'apprendre et de grandir un peu plus vite.

Vous êtes le même sur le terrain qu'avec les Maa Nonu et autres Mathieu Bastareaud ?

F.L : Tout pareil. Quand j'interviens, j'interviens de la même manière. Avec la même pédagogie. Ça va, ils ont l'air satisfait, ils ne m'ont pas dit de me "casser" encore (rires).

Mon licenciement de Toulon ? Il n’y a rien de scandaleux, je n’ai aucune amertume.

Excitant comme challenge ?

F.L : Très. J'apporte une plus-value, un éclairage différent aux éducateurs. Notamment avec l'utilisation de vidéos pour les exercices. Ils n'ont pas le temps de préparer tout cela. Mais ils ont une passion folle. La Tremblade, c'est un peu un irréductible village gaulois où tout le monde se démène pour essayer d'avoir un maximum de licenciés, pour que le ballon ovale continue d'exister. S'ils baissent les bras, le rugby disparait. C'est difficile, ce genre de club est livré à lui-même.

C'est le début d'une nouvelle vie ou une simple parenthèse dans votre carrière ?

F.L : Un peu des deux. En attendant un nouveau projet, je reprends une société de conseil et de communication que j'avais créée, seul, il y a 10 ans. Je réactive mon réseau, j'intervenais en entreprise quand j'étais en Région parisienne et que j'entraînais le Stade Français. Je suis aussi désormais ambassadeur d'une marque de whisky élaboré en Charente. Mais je resterai toujours dans le milieu du rugby, c'est ce qui m'anime depuis 41 ans. Depuis que j'ai commencé à le pratiquer, en 1977. Si demain j'ai un coup de cœur, je peux repartir. Tout dépend du projet sportif.

Vous n'êtes pas refroidi par ce brutal départ de Toulon ?

F.L : Non, ça fait partie des aléas. Les entraîneurs sont soumis à résultats. Dans un club comme Toulon, les enjeux économiques prédominent. On est tous conscient de cette précarité qui s'installe. En même temps, ça donne de l'adrénaline. On s'en accommode. Il n'y a rien de scandaleux, je n'ai aucune amertume.

Vous vous donnez combien de temps pour rebondir ?

F.L : Le temps qu'il faudra. Il n'y a pas de date butoir. Dans ma tête, je travaille à un projet sportif que j'aimerai porter.

Et qui vous mènerait où ?

F.L : J'aimerai m'inscrire dans le plan de développement d'un club. Pourquoi pas piloter un programme de formation, avec des moyens importants. Ou faire des missions, ce n'est pas courant dans notre sport. Il y a deux ans, par exemple, j'avais mené un audit à Béziers. Après, où ? Tout dépend...

Vous avez joué à l'étranger, vous pourriez quitter à nouveau la France ?

F.L : Oui ! J'ai joué à Neath (Pays de Galles) et à Bristol (Angleterre). Mais c'est un vrai challenge, les entraîneurs français n'ont pas vraiment la côte au niveau international. Le dernier à avoir managé des équipes étrangères, c'est Philippe Saint-André, jusqu'à la fin des années 2010. Il y a quelques années, j'avais le projet de partir au Japon, je n'ai finalement pas été retenu. Mais en France aussi, la concurrence apparaît de plus en plus rude. Beaucoup de mes collègues sont à la recherche de clubs.

Vous avez plusieurs clubs aux portes de La Tremblade, à commencer par le Stade Rochelais (TOP 14) et surtout Soyaux-Angoulême (PRO D2), votre club de cœur. Aucun contact à ce jour ?

F.L : Aucun. Mais c'est sûr qu'entraîner dans la Région, ce serait le petit plus. J'en serai ravi. Il y a aussi Niort et l'Union Cognac-Saint-Jean d'Angély, en Fédérale 1. J'aime la dynamique qui se créé sur ce territoire. Avec des Présidents qui ont joué au rugby. Et des clubs bien structurés. Je vais souvent voir les matches. Le Stade Rochelais a montré la voie. Angoulême a emboîté le pas. Les autres suivent. Je m'inscrirais complètement dans un projet comme cela, si je suis sollicité.

Il faut laisser du temps à Patrice Collazo. Toulon va redevenir féroce

Justement, Soyaux-Angoulême peut-il voir encore plus haut selon vous ?

F.L : C'est certain. Avant de fusionner, les deux clubs étaient en Fédérale 3, en 2010 ! J'ai commencé ma carrière au Sporting Club d'Angoulême. Après, le SCA avait connu un passage à vide incroyable et failli disparaître. Je suis admiratif du travail effectué. On sent qu'il y a eu un déclic en ce début de saison. Les résultats ne sont pas anodins. S'ils continuent sur leur lancée, ils ne seront pas loin des 6.

Quid de Toulon en TOP 14 ? Vous étiez il y a encore quelques mois à la place de Patrice Collazo. Dans un club qui enchaine les entraîneurs, sa place vous parait-elle en danger après le début de saison poussif du RCT ?

F.L : Franchement, non. Il ne faut pas juger Patrice trop tôt. Pour l'avoir vécu, il faut un temps d'adaptation. Les joueurs doivent repartir de zéro, assimiler un nouveau projet de jeu. C'est difficile avec un tel turnover, chaque année. En plus, Toulon ne prend que des gros depuis le début de la saison. Je reste persuadé que le RCT va redevenir féroce en deuxième partie de saison. Il faudra faire le bilan à ce moment-là.

Sébastien Chabal a récemment remis en cause la méthode Collazo, en disant qu'il "criait tout le temps". Vous en pensez quoi ? Ça ne passe pas à Toulon ?

F.L : Il dit ce qu'il pense, ce n'est pas un problème. Il a fait ses preuves avec le Stade Rochelais. On en connaît un autre qui gueulait, c'est Bernard Laporte. On connaît son palmarès avec le RCT.

?️ "Je pense que le staff est en grande partie responsable des résultats actuels de Toulon" @sebchabal sur #ASMRCT #CRC pic.twitter.com/J1AjPuZfut

— CANAL+ Rugby (@CanalplusRugby) September 30, 2018

Comment voyez-vous cette saison de TOP 14 ?

F.L : Toujours plus accrochée ! 11 équipes peuvent jouer le titre à mes yeux. Je vois Clermont, Montpellier, le Racing et Castres dans les 4. Après, avantage à Lyon, Pau et le Stade Français.

Le Stade Français, un club où vous avez notamment été sacré Champion de France en tant que joueur (2000, 2003) et entraineur (2007). Quel regard portez-vous sur le nouveau projet ?

F.L : Ce qu'il se passe, c'est génial. Il y a une vraie volonté de s'inscrire dans la durée. Sportivement, les résultats sont encourageants. Le démarrage est bon. D'un œil extérieur, peut-être vont-ils manquer d'un peu de profondeur de banc pour aller au bout dès cette saison.

Vous êtes aussi passé à Grenoble comme joueur (1992-1997) puis entraîneur et directeur sportif (2009-2016). Le FCG vous semble-t-il condamné à jouer le maintien jusqu'au bout ?

F.L : Je le crains fort. Se maintenir, mathématiquement, ce sera une bataille de tous les instants. Une bataille à trois, avec Perpignan et Agen, ça paraît évident. Le fait d'être remonté immédiatement en TOP 14, c'est une réelle performance. Mais il manque des joueurs qui font la différence. Même si le FCG est le meilleur centre de formation de France.

Vous qui êtes justement sensible à la formation et au fait de ne pas hésiter à lancer les jeunes joueurs français au plus haut niveau, donneriez-vous une chance à certains Champions du Monde U20 d'intégrer le groupe France à moins d'un an de la Coupe du Monde ?

F.L : Sans hésitation. A condition qu'ils soient titulaires en club, bien sûr. Ils peuvent apporter une vraie valeur ajoutée. Sur ce que j'ai vu, leur état d'esprit est irréprochable. Des gars comme N'tamack ou Joseph, par exemple, ont beaucoup de potentiel. Ce ne serait pas les envoyer au casse-pipe. Souvenez-vous, Wilkinson. En 1998, à 19 ans, il prend un 76-0 dans les dents contre l'Australie. 5 ans plus tard, il crucifie les Wallabies en finale de la Coupe du Monde.

Quelles sont les chances françaises en Coupe d'Europe, d'après vous, cette saison ?

F.L : Ça ne m'étonnerait pas de voir le Racing soulever le trophée, en Champions Cup. Toulouse et Montpellier aussi, sont prétendants. Et je vois Clermont remporter la Challenge Cup. Leur début de saison est vraiment canon.

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