Cudmore, ce "bad boy" devenu "un monsieur"

Quitte à avoir une image de "bad boy" collectionnant les semaines de suspension pour brutalités, autant en jouer. Cudmore cherchait un nom pour sa cuvée issue des vignes achetées dans les environ de Clermont-Ferrand? Ce sera "Sin bin", soit "exclu temporairement" en anglais et dans le rugby. Cette stratégie marketing, il l'exploite même à fond puisque son vin blanc se nomme "yellow card" ("carton jaune"), et le rouge "red card", évidemment. Et sur l'étiquette du vin blanc? On peut voir l'international canadien (33 sélections) sur le point de frapper un ours qu'il enserre par le coup. Sur celle du rouge? Le malheureux ours est K.O., l'oeil au beurre noir avec Cudmore à ses côtés, le poing endolori...

Il s'agit en fait d'un grizzly, animal emblématique du Canada où Cudmore a grandi avant de poser ses valises en Europe en 2002, d'abord à Llanelli au pays de Galles, puis à Grenoble et Clermont-Ferrand, il y a dix ans. Une adolescence précisément passée à Squamish, dans l'ouest du pays, et rythmée l'été par le travail de bûcheron, mais aussi par la violence et les bagarres. Cudmore, alors ponctuellement homme de main pour un dealer local, aurait pu mal tourner sans le rugby, découvert à travers les vieilles cassettes du Tournoi des Cinq Nations de (son) père, explique-t-il avant la finale de Coupe d'Europe contre Toulon, samedi à Twickenham.

110 jours de suspension

Il en fera son métier au poste de deuxième ligne, forcément, servi par un physique (1,96 m, 117 kg) qui a notamment permis à son frère comédien, Daniel, de faire carrière à Hollywood ("Colossus" dans la série des "X-Men" ou "Félix" dans celle des "Twilight"). Physiquement, c'est sûr que je n'en ai pas vu beaucoup des comme ça. J'ai eu beau faire de la musculation, je n'ai pas réussi à être comme lui. Quand tu le vois en débardeur, tu te dis qu'il est très solide. Il nous apporte sa densité physique et son agressivité, sourit le troisième ligne de l'ASMCA Julien Bonnaire.

Cette agressivité l'a cependant parfois handicapé, jusqu'à ce qu'il parvienne à la contrôler: Cudmore, qui, pendant la saison 2010-2011 par exemple, a été suspendu un total de 110 jours, n'a récolté que deux petits cartons jaune cette saison. Heureusement, car à une période il ne jouait pas trop! En vieillissant, il commence à prendre de la bouteille. Il a progressé à ce niveau-là, il arrive à mieux canaliser une énergie peut-être un peu trop débordante auparavant, relève Bonnaire en riant. Chaque année, j'engrange de l'expérience. Je ne suis peut-être pas comme le bon vin, mais avec l'âge et l'expérience, j'essaie de m'améliorer chaque semaine, admet Cudmore.

Arrivé à maturité

Déjà l'un des chouchous des supporters jaunards, il est donc devenu définitivement indispensable à l'ASMCA et sans doute l'un des meilleurs deuxièmes lignes du monde. On parle des têtes d'affiches (au poste de deuxième ligne) parce qu'ils jouent pour les Blacks ou les Sud-Af', mais il faut aussi se rendre compte de ce qu'on a en face de nous (dans l'équipe)... (Des Cudmore) on en croisera pas à tous les coins de rue, souligne le talonneur clermontois Benjamin Kayser.

Son manager Franck Azéma enfonce le clou, évoquant un monsieur par sa façon d'être précis, rigoureux et professionnel, dans son approche sur et en-dehors du terrain.Il y a de la maturité dans son jeu. J'ai l'impression qu'il est plein dans tous les domaines: la dimension physique, la sérénité, sa précision dans la férocité. Il ne s'éparpille pas, il est mûr, appuie Azéma. Cudmore, qui a rempilé pour un an, devrait même être encore meilleur l'année prochaine, pour le plus grand bonheur de Clermont et le malheur de ses adversaires.