Drops en finale (2002) - Mazas : "Personne ne se plaçait pour le drop, donc je l’ai tapé moi-même"

Par Rugbyrama
  • Laurent Mazas (Biarritz)
    Laurent Mazas (Biarritz)
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TOP 14 - Aujourd’hui de moins en moins utilisé, le drop-goal n’en demeure pas moins un geste emblématique du rugby. Véritable arme fatale, il permet autant de concrétiser une domination collective que de miner le moral de l’adversaire. C’est d’autant plus vrai lors des fameux matchs couperets, où le moindre petit point peut faire la différence.

À la veille de la grande finale entre Toulouse et La Rochelle, retour sur un drop qui a marqué l’Histoire des finales du rugby français. L’épisode du jour est consacré à Laurent Mazas, et à sa réalisation lors de la finale du 8 juin 2002, ayant opposé Biarritz à Agen.

Le BO n’avait plus remporté de championnat de France depuis 1939, et un succès 6-0 après prolongations. 63 ans plus tard, c’est aussi en prolongations que le club basque a l’occasion d’ajouter un troisième Brennus à son palmarès. "Nous étions en plein dans l’hégémonie du Stade français et du Stade toulousain. Ni Agen ni nous n’étions programmés pour arriver jusqu’en finale. Pour les deux groupes, c’était une chose nouvelle", introduit Laurent Mazas, demi de mêlée et d’ouverture des Rouge et Blanc, international tricolore à deux reprises.

Face au SU Agen, au Stade de France, les Biarrots sont donc emmenés jusqu’en prolongations, la faute à une pénalité de l’ouvreur lot-et-garonnais François Gelez, dans les ultimes secondes de la rencontre (19-19). Cinq minutes auparavant, Mazas, 32 ans, entrait discrètement sur la pelouse, sous les yeux des supporters massés dans l’arène de Saint-Denis. Tous ignoraient qu’il serait en fait l’improbable héros d'un dénouement au suspense insoutenable.

Agen reprend ainsi la tête durant les deux fois quinze minutes de temps supplémentaire (22-19, 86e). Soudain, 96e minute, un Biarrot, Julien Peyrelongue, claque un drop des 45 mètres ! C’est trop court. Pour cette fois… Mi-temps des prolongations. Il faut attendre d’être arrivé à environ deux minutes du terme pour voir Biarritz égaliser (22-22).

Le drop était la meilleure option à ce moment-là

On se dirige tout droit vers une séance de tirs au but historique. L’entraîneur des Basques, Patrice Lagisquet, l’avait déjà prévu. "Il avait fait rentrer les cinq buteurs de l’équipe sur le terrain. Tous ceux qui étaient susceptibles de taper les tirs au but étaient là…", se rappelle Mazas. Or, sur un renvoi, Agen coffre Biarritz dans ses 22 mètres. Illicitement, selon l’arbitre Didier Mené : pénalité qui renvoie les Basques sur la ligne médiane. "On balaie le terrain droite à gauche. On avance, les rucks s’enchaînent. Le mur agenais ne rompt pas, et n’offre pas de pénalité non plus. Mazas, entré à la mêlée, demande à ce que quelqu’un se place pour taper le drop. On était à portée des perches, le drop était la meilleure option à ce moment-là."

Alors, qui pour le taper ? Julien Peyrelongue, qui en avait tenté un quelques minutes plus tôt ? "Il était embourbé dans un ruck, ne pouvait pas se placer. Je fais signe à mes partenaires, montrant qu’il faut que l’un d’entre eux se recule pour taper. Mais, à un moment donné, personne n’y va, personne ne veut le taper… Donc je me place pour le faire moi-même !"

Le drop de Laurent Mazas en 2002 face à Agen entre dans l’histoire au même titre que celui d’Henri Cabrol en 1974. pic.twitter.com/IqNehP61Dy

— Rémy Rugiero (@RemyRugiero) April 23, 2020

Le suspense est à son comble, et les Biarrots sont à deux doigts d’échapper le ballon. L’ailier anglais Stuart Legg se place derrière le regroupement et se transforme en passeur décisif, en éjectant tant bien que mal le cuir vers le fameux Mazas. Les Agenais montent en furie vers le remplaçant au numéro 20, qui déclenche la frappe en moins de deux.

"À ce moment de la rencontre, tu ne te dis pas : "c’est la fin du match, je vais mettre le drop et je vais devenir champion de France". À la différence de la pénalité, tout se passe dans le feu de l’action. Le prof de maths poursuit : Le ballon ne tombe pas bien au sol (rires). Mais j’avais un peu de bouteille, j’étais buteur, je tapais parfois des drops, je savais comment finir le geste."

On m'en parle encore aujourdhui !

On joue alors la 16e minute de la deuxième mi-temps de prolongations, autrement dit, la 111e minute du match. Face au virage rempli de supporters basques, Mazas ne tremble pas et offre à ces derniers un moment de bonheur intense (25-22, a.p). "Des gens me le rappellent encore aujourd'hui quand je les croise, ils me disent "Eh, j’y étais !"", révèle Laurent Mazas, enjoué à l’idée d’évoquer ces souvenirs.

L’explosion de joie n’a pourtant pas lieu tout de suite : "Il n’y avait pas de sirène à l’époque. Le chronomètre et la fin du match, c’était à l’appréciation de l’arbitre. Je commence donc d’abord à me replacer pour jouer le renvoi. Il doit y avoir 4 ou 5 secondes entre le moment où le drop est accordé et le coup de sifflet final." Tel Franck Corrihons dix ans plus tôt (Biarritz 16-15 Bayonne, quart de finale, 1992), Laurent Mazas offre, d’un coup de patte salvateur, un succès de prestige au BO. Encore une fois, un drop s’est avéré fatal.

Par Dorian VIDAL

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