Parisse : "Il faut avoir cette ambition d’aller chercher l’impossible"

  • Coupe du monde 2019 - Sergio Parisse (Italie) contre la Namibie
    Coupe du monde 2019 - Sergio Parisse (Italie) contre la Namibie
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COUPE DU MONDE 2019 - Sergio Parisse dispute au Japon sa cinquième Coupe du monde. Dans un entretien qu’il nous a accordé, le capitaine de l’Italie revient sur son inestimable expérience, ses joies, ses regrets, et ses rêves pour son ultime Mondial.

Mercredi matin, jour de l’entretien, celui-ci n’est pas encore tout à fait calé. Si la Squadra Azzura est modestement suivie au Japon, son capitaine emblématique Sergio Parisse, du haut de ses 140 sélections et dix-sept ans de carrière internationale, demeure de loin le joueur le plus sollicité. L’attaché de presse italien nous incite à tenter notre chance dans la foulée d’une activité organisée avec les écoliers de la Mushiroda Elementary School, près de l’aéroport international de Fukuoka. Nous interceptons donc le neo-Toulonnais et lui faisons part de notre demande. "Vous me prenez un peu par surprise mais pas de souci. On peut faire ça à l’hôtel ?". Nous acquiesçons et nous apprêtons à nous y rendre par nos propres moyens mais il nous arrête et nous dit "Montez dans le van qui nous ramène, ça sera plus simple et mieux pour vous, non ?". La classe, toujours. Eh bien soit, en route, Sergio !

Peut-on encore être stressé de disputer une Coupe du monde quand on en a déjà joué quatre ?

Sergio Parisse : Tu l’as vécu quatre fois, tu vas le vivre une cinquième et entre la première et celle-ci, tu vois que les années passent ! Les émotions à 20 ans ne sont pas les mêmes qu’à 36 mais ce n’est pas parce que j’ai plus d’expérience que je n’ai pas des frissons en entendant la musique de la Coupe du monde ou lors de la remise des capes, que j’ai vécue avec la même émotion qu’en 2003. C’est un moment très particulier et il n’y a que ceux qui ont joué cette compétition qui peuvent le comprendre. Une Coupe du monde, ce n’est pas un test-match, ce n’est pas un Tournoi des Six Nations… C’est le rêve de n’importe quel joueur ! Avec un peu de chance, on peut en faire deux, trois…ou cinq pour ma part mais les émotions demeurent aussi fortes.

À quoi avez-vous pensé avant de débuter la rencontre face à la Namibie ?

S.P. : C’est vrai que beaucoup de gens me parlent depuis un moment du fait que ce soit ma cinquième Coupe du monde en tant que joueur. Quand j’ai mis le pied sur le terrain et que nous avons commencé à chanter l’hymne italien, c’est là que j’ai vraiment réalisé tout ça. Forcément, j’ai ressenti beaucoup d’émotion et de fierté, et également cette envie de partager cette expérience avec mes partenaires et ma famille qui a fait le déplacement à Higashiosaka et qui était au stade.

Est-ce évident pour vous de gérer ces émotions ?

S.P. : Je ne crois pas que "gérer" soit le bon mot. Je pense que les émotions se vivent, elles ne se gèrent pas. Elles font partie du sport et on essaie de vivre avec. Ce sont des émotions très positives, car quand on joue une Coupe du monde, il n’y a que des bonnes sensations. Après la compétition, je ferai un point pour voir si j’arrête ma carrière internationale ou pas.

Vous n’avez pas encore tranché ?

S.P. : Pas encore, non. Je me dis qu’elle se terminera certainement cette saison. Juste après la Coupe du monde ou après le prochain Tournoi des 6 Nations, on verra bien. Mais je n’irai pas au-delà.

La défaite contre l’Écosse au Mondial 2007 est le plus gros regret de ma carrière avec l’Italie

Même si vous n’arrêtez pas après le Mondial, n’avez-vous pas envie de jouer le plus de matchs possibles pour votre dernière Coupe du monde ?

S.P. : Bien-sûr ! Dans mon cœur, j’ai envie de joues tous les matchs mais tu dois aussi être intelligent car tu n’as plus vingt ans et tu dois gérer ton physique et ton énergie. La preuve est que je ne serai pas sur le terrain ce jeudi contre le Canada. Après avoir enchaîné quatre matchs depuis cet été et avoir fait quatre-vingts minutes contre la Namibie, ce n’était pas possible pour moi de rejouer aussi vite. Surtout qu’après, il y a l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande.

Vous ne jouerez donc pas contre le Canada, contre qui vous aviez inscrit votre premier essai avec l’Italie (en 2003 à la Coupe du monde en Australie)…

S.P. : Je m’en rappelle très bien ! Première Coupe du monde, premier essai avec l’Italie… Quand tu as 20 ans, c’est forcément un moment particulier et cela restera comme l’un des plus marquants de ma carrière.

Est-ce votre meilleur souvenir avec l’Italie ?

S.P. : Oui car c’était il y a très longtemps maintenant, j’avais 20 ans, je vivais déjà un rêve de participer à une Coupe du monde et marquer cet essai a été un moment très fort pour moi. Cela m’a marqué et je m’en rappelle avec toujours beaucoup d’enthousiasme et d’émotion.

En 2007, l’Italie était très proche d’atteindre les quarts de finale. Cela s’est joué à presque rien…

S.P. : (Il coupe) Contre l’Écosse à Saint-Étienne ! On a perdu de deux points, 18-16, je m’en souviens par cœur ! Plus que l’avoir en tête, je l’ai toujours en travers de la gorge car c’est un match qu’on devait gagner dix mille fois. On rate deux pénalités, une seule aurait suffi pour aller en quart de finale contre l’Argentine. J’étais très déçu car, cette année, on avait battu l’Écosse chez elle et le pays de Galles au Tournoi des 6 Nations. Dans la poule, on était avec l’Écosse, la Roumanie, le Portugal et la Nouvelle-Zélande, donc cela pouvait vraiment le faire pour nous. Au final, on passe à côté d’un moment historique pour deux points, cela m’a fait vraiment chier et c’est clairement le plus gros regret de ma carrière en équipe nationale. Un quart de finale aurait pu donner un énorme élan au rugby italien, cela n’est pas arrivé mais ce n’est pas pour cela que le développement de notre rugby a stagné.

Il faudra faire all-in contre l’Afrique du Sud

On ne peut quand même pas dire que l’Italie se soit hissée au niveau des autres équipes européennes du 6 Nations…

S.P. : On a fait des bons et des mauvais Tournois mais on n’a malheureusement jamais été constant. En 2013, on bat la France et l’Irlande mais derrière, on ne gagne plus. Une grande équipe arrive à être performante dans la durée et c’est ce qui fait la différence entre les grandes équipes et nous, même si on a montré qu’on était capable de faire mieux que rivaliser contre elles. Pourquoi n’en sommes nous pas là ? C’est peut-être un problème dans notre système, qui n’a pas mis les bases il y a des années pour pouvoir être, aujourd’hui, dans une autre situation. On est conscient d’avoir du matos mais ces bases n’existent pas chez nous. Malgré tout, avec mes dix-sept ans en sélection, je constate qu’il y a eu une évolution positive dans ce pays où le foot domine. On n’a jamais franchi le cap des quarts de finale en Coupe du monde, c’est vrai, mais on a cette année un groupe de qualité, qui bosse plutôt bien depuis quatre ans, et ce serait énorme d’y arriver surtout avec l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande dans la poule.

Vous y croyez vraiment ?

S.P. : Il faut avoir cette ambition d’aller chercher l’impossible. Dans toutes les Coupes du monde, il y a souvent de belles surprises. Gagnons d’abord contre le Canada et ensuite, comme on dit au poker, il faudra faire all-in contre l’Afrique du Sud. Si on écoute les gens ou les journalistes, c’est fini, on peut déjà rentrer à la maison. Il ne faut pas être un scientifique pour voir que l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande sont les grands favoris de cette poule. On sait très bien qu’on ne l’est pas et cela nous va très bien. Les chances que l’Afrique du Sud nous batte et se qualifie sont très fortes, mais il y en a aussi une toute petite que l’Italie fasse un coup. À nous de réussir le match parfait et de réaliser quelque chose d’historique.

Si ce n’est pas le cas, vous disputerez votre dernier match de Coupe du monde et peut-être de votre carrière internationale contre la Nouvelle-Zélande. Le meilleur adversaire possible pour boucler la boucle, n’est-ce pas dans un coin de votre tête ?

S.P. : J’ai commencé avec l’Italie à 18 ans contre la Nouvelle-Zélande en Nouvelle-Zélande et je pourrais terminer contre elle à 36 ans. Cela aurait du sens. Je ne sais pas, je n’ai pas encore mis un point final à ma carrière internationale et je pense déjà à bien me préparer pour l’Afrique du Sud avant d’envisager la suite.

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