Manu : "Je rêvais seulement d’être libéré du cancer"

  • Coupe du monde 2019 - Nasi Manu (Tonga)
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  • Tonga / Angleterre - Coupe du monde 2019
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COUPE DU MONDE 2019 - Sur le banc des Tonga, ce dimanche face à la France, s’assiéra un joueur pas tout à fait comme les autres. Nasi Manu (31 ans) luttait encore en tout début d’année contre un cancer des testicules. Il nous a raconté son combat, son contre-la-montre pour se rebâtir un corps et sa joie immense de jouer cette Coupe du monde.

Le 22 septembre dernier, les Tonga disputaient leur premier match du Mondial contre l’Angleterre (35-3). Nasi Manu a disputé les vingt-trois dernières minutes de cette rencontre, qu’il a terminé le souffle court : "J’étais tellement fatigué ! Cinq minutes après mon entrée en jeu, j’avais l’impression que mes poumons avaient rendu l’âme !". Et pour cause ! Il n’avait plus pris part à un match de rugby depuis quinze mois. Une rencontre alors gagnée avec les Tonga face aux Fidji (27-19) pour la troisième sélection du natif de Lincoln en Nouvelle-Zélande.

"Je me suis beaucoup entraîné pour ce moment mais vous pouvez faire tout le cardio et la muscu que vous voulez, quand vous êtes sur le terrain, que vous devez plaquer, vous relever tout de suite, repartir dans un ruck, vous relever encore…c’est autre chose. Mon endurance était faible mais l’adrénaline et l’excitation compensaient".

Tonga / Angleterre - Coupe du monde 2019
Tonga / Angleterre - Coupe du monde 2019

Ce moment, il l’avait trop espéré pour ne pas s’accrocher de toutes ses forces : "Jouer une Coupe du monde, c’est un rêve qui devient réalité. Par rapport à ce que j’ai vécu l’an dernier, cela rendait le rêve encore plus grand et j’étais très ému. Les heures avant le match étaient très dures et je pensais à toutes les personnes qui m’ont aidé à pouvoir réaliser ce rêve". Et quel rêve ! Disputer l’épreuve reine du rugby un an seulement après avoir été diagnostiqué d’un cancer des testicules. La plus belle des victoires sur le plus âpre des combats.

Quand vous vous retrouvez avec votre perfusion de chimiothérapie, vous êtes seul avec vous-même"

"Je ne sais pas si c’est un miracle mais je me sens béni, poursuit Manu. Il y avait de bonnes chances pour que je m’en sorte mais je n’étais pas du tout sûr de pouvoir revenir à temps pour cette Coupe du monde. J’ai dû me préparer mentalement, me dire que si je ne pouvais pas la jouer, il n’y aurait pas de souci car ma santé passait en premier". Durant ces longs mois de lutte intense contre l’affaiblissement, l’ancien des Highlanders et d’Edimbourg a pu compter sur le support du monde du rugby.

Ses partenaires du Benetton Trévise, notamment, s’étaient tous rasés la tête en témoignage de leur solidarité : "J’ai eu le meilleur soutien des médecins et de mon entourage. Mais quand vous vous retrouvez avec votre perfusion de chimiothérapie, vous êtes seul avec vous-même. Dans ces moments, je ne pensais à rien qui touche au rugby, je rêvais seulement d’être libéré du cancer". La bonne nouvelle de la guérison est tombée en février.

À la fois une libération et le début d’un autre combat, contre le temps cette fois, avec cette idée presque folle d’arracher son ticket pour le Mondial japonais. "Ma préparation physique était très dure mais cette épreuve m’a renforcé mentalement. Quand le docteur m’a dit que je pouvais m’entraîner de nouveau, ce bonheur a rendu faciles tous les efforts énormes qui suivaient pour retrouver une bonne condition physique. J’étais tellement heureux de ne plus être cloué au lit à cause de la chimiothérapie !".

Son histoire et sa présence apportent un supplément d’âme à l’équipe"

Le sélectionneur tongien Toutai Kefu, qui lui avait déjà fait part de sa tristesse par message en apprenant le terrible verdict, s’est alors de nouveau rapproché de lui : "Quand il a su que j’avais repris l’entraînement, en avril, il a régulièrement pris de mes nouvelles, raconte encore Manu. En juin, j’étais libre de reprendre ma vie normale de joueur. Je lui ai dit que je n’étais pas encore au top de ma forme physique, mais que j’étais déjà plutôt bien. Je suis heureux qu’il ait cru en moi".

Tonga / Angleterre - Coupe du monde 2019
Tonga / Angleterre - Coupe du monde 2019

Une main tendue et une confiance confirmée par l’annonce de la liste définitive pour le Japon. Un jour forcément mémorable pour ce phénix au pays des Aigles des mers (surnom des Tonga) : "C’était un dimanche, nous étions à Auckland et l’équipe venait de jouer contre les Fidji. J’ai entendu mon nom, j’ai pensé à toutes les étapes du combat que j’avais mené pour me donner cette chance et j’ai fondu en larmes".

Un dénouement remarquable dont se sert aujourd’hui l’ensemble du groupe tongien, comme le confirme le capitaine Siale Piutau : "Pour nous, son histoire a quelque chose de très inspirant. La façon dont il a affronté l’adversité, son combat pour revenir…tout ça parle énormément aux joueurs. Même si on a perdu nos deux premiers matchs, je sais que son histoire et sa présence apportent un supplément d’âme à l’équipe". L’incarnation d’un miracle rendu possible par la seule force de la volonté.

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