Le monde du rugby sur les traces d’Hiroshima

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COUPE DU MONDE 2019 - Située à 280 kilomètres du plus proche stade hôte de la Coupe du monde, Hiroshima n’en demeure pas moins un passage obligé pour les étrangers inconditionnels de rugby présents au Japon. Qu’ils soient supporters ou même joueurs professionnels.

Fukuoka, où joueront les Bleus mercredi prochain contre les États-Unis, est aussi la ville hôte la plus proche d’Hiroshima. Le Shinkansen, l’équivalent du TGV français, ne met guère plus d’une heure pour relier la ville martyre au départ de la grande métropole du nord de l’île de Kyushu. Journée sans match de Coupe du monde oblige, il n’est pas étonnant d’y retrouver ce vendredi, dans un train de fin de matinée, un pourcentage élevé de non-Japonais. Parmi eux, dans un wagon correctement garni, se trouvent Gordon et Leo, deux Écossais quarantenaires arborant fièrement leur kilt. Leo est le plus massif des deux : "Il a eu des sélections en équipe nationale des moins de 21 ans !", jure son compère, tout en complétant qu’"une sale blessure aux ischios l’a empêché de faire carrière en pro. Depuis, il en a épousé une autre, celle de buveur de bière !"

Leo et Gordon, deux Écossais rencontrés dans le train pour Hiroshima pic.twitter.com/cDesPP6ouG

— Anthony Tallieu (@ATofficiel) September 27, 2019

Les deux bons vivants sont au Japon pendant un mois pour profiter et vivre la Coupe du monde mais ils avaient prévu de longue date leur parenthèse à Hiroshima : "En buvant une pinte, on a tracé sur une carte notre itinéraire et coché les villes qui nous paraissaient importantes à faire, raconte Leo. Parmi elles, et même s’il n’y a pas de match là-bas, Hiroshima a été une des premières sur notre liste pour son histoire." Avant de se séparer, Gordon nous montre sur son smartphone une photo datant de moins d’une heure où lui et Leo prennent la pose avec la légende écossaise Gavin Hastings. Il ajoute, enthousiaste : "Il est dans ce train !" Mais à l’image de l’insaisissable joueur qu’il était dans les années 90, il nous échappe. Nous croisons, en revanche, dans un autre wagon, Jake Ilnicki, pilier canadien hors groupe la veille contre l’Italie et lui aussi désireux de découvrir la ville la plus tristement célèbre de la Seconde Guerre mondiale.

Le Mondial de très loin

Arrivé à la gare d’Hiroshima, rien n’indique qu’une Coupe du monde est en train de se jouer au pays, mis à part les effets personnels siglés World Rugby de quelques étrangers. Peut-être parce qu’aucune équipe du coin ne tutoie l’élite, la meilleure, les Chugoku Red Regulions, évoluant dans une ligue locale. Pour trouver des poteaux de rugby, il faut descendre vers la zone portuaire, au Coca Cola Bottlers Japan Stadium, tout derrière un stade ouvert de 13800 places dédié au football et un terrain de baseball. Mais aucun supporter non-japonais ne s’aventurera aussi loin.

Le petit stade de rugby d'Hiroshima, au sud de la ville, où jouent les universitaires #Hiroshima #RWC2019 pic.twitter.com/h2j7wi8c0u

— Anthony Tallieu (@ATofficiel) September 27, 2019

À l’image de Gordon et Leo, tous comptent se rendre à l’endroit même où, 600 mètres au-dessus du sol, Little Boy (nom de code donné à la bombe) a déchaîné son infame feu atomique le 6 août 1945 au matin. Sur place deux jours plus tôt, l’ancien Racingman Jamie Roberts (97 sélections avec le pays de Galles), consultant télé pour ce Mondial, a d’ailleurs posté sur les réseaux sociaux une photo du Genbaku Dome, un des seuls édifices de la zone à ne pas avoir été entièrement balayé par le souffle destructeur.

Les Canadiens en pélerinage

Sur le parc du Mémorial de la paix, érigé à une centaine de mètres à peine de l’hypocentre, se tient un petit groupe d’Irlandais. Un géant de deux mètres, dont la longue barbe et l’absence de cheveux font étrangement penser à l’ancien Biarrot Erik Lund, en impose. Il hésite pourtant à sonner la cloche qui semble faire le bonheur des instagrameurs, mais dont le gong, en ce lieu, glace le sang des hommes et des femmes avertis. Peut-être avait-il croisé juste avant Fumiko, un quinquagénaire natif d’Hiroshima, qui s’est donné pour mission de raconter aux touristes étrangers comment sa grand-mère, à deux kilomètres à peine le jour du drame, a miraculeusement survécu à l’explosion et pu vivre malgré tout jusqu’à 90 ans. Le genre d’histoire à vous glisser une poussière dans l’œil même en l’absence de vent.

Dix-huit heures, le soleil a déjà craché ses derniers rayons et le temps est venu pour les fans de rugby de regagner leur terre d’accueil. Dans le Shinkansen du retour à Fukuoka, trois silhouettes détonnent. Il s’agit des piliers Hubert Buydens et Matt Tierney, et du centre Ciaran Hearn, les deux premiers titulaires et le troisième entré en cours de match avec le Canada jeudi contre l’Italie (48-7). Ils repensent peut-être à la claque reçue la veille contre la Squadra Azzurra, à l’enfer qui les attend mercredi contre les All Blacks, mais plus sûrement à leur escapade du jour. Ils reprendront ce samedi le chemin de l’entraînement et par ricochets le fil de leur Coupe du monde. Ils ne seront juste plus tout à fait les mêmes.

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