Oui, les Bleus jouent plus que les All Blacks, mais ça n'explique pas tout

  • Nicolas Mas (France), un genou à terre après le revers face à la Nouvelle-Zélande
    Nicolas Mas (France), un genou à terre après le revers face à la Nouvelle-Zélande
  • Rabah Slimani, le pilier droit du Stade français
    Rabah Slimani, le pilier droit du Stade français
  • Mathieu Bastareaud, centre du XV de France
    Mathieu Bastareaud, centre du XV de France
  • Kieran Read (Nouvelle-Zélande) face à l'Argentine - 20 septembre 2015
    Kieran Read (Nouvelle-Zélande) face à l'Argentine - 20 septembre 2015
Publié le Mis à jour
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La défaite n'est pas encore digérée que les premières voix s'élèvent. Au cœur de la critique : le système français lui-même. Les joueurs du XV de France joueraient trop et seraient handicapés par un nombre de minutes plus important que les nations majeures. Mais est-ce vraiment le cas ? Analyse des chiffres et des données des acteurs du dernier Nouvelle-Zélande - France.

A écouter les joueurs du XV de France comme le deuxième ligne Pascal Papé ou comme le demi d'ouverture Frédéric Michalak, l'échec du XV de France dans cette Coupe du monde s'explique - au moins en partie - par le fait que les joueurs jouent plus que leurs adversaires. Un argument qui sonne comme une vérité absolue mais qui trouve malgré tout quelques limites.

En se référant aux statistiques des 32 joueurs concernés par le Mondial, un joueur type du XV de France a disputé en moyenne 22 matchs et 1428 minutes avec son club. En comparaison, la moyenne néo-zélandaise est de "seulement" 17 matchs pour 1058 minutes en club. Une différence de 5 matches qui expliquerait tout ? Difficile à croire mais pourquoi pas. Le Top 14 est un championnat long et rude et 5 rencontres (plus les entrainements et la préparation qui les accompagnent) peuvent avoir un réel impact sur les organismes.

Rabah Slimani, le pilier droit du Stade français
Rabah Slimani, le pilier droit du Stade français

Priorité à la sélection ?

Cependant, cette légère différence disparait presque une fois que l'on intègre les matchs (et les minutes) disputés en sélection. Les Français disputent alors en moyenne 32 matches par an contre 29 pour les Blacks. Une différence de 3 matches seulement, et bien que la majorité des joueurs tricolores disputent la Coupe d'Europe alors qu'un très petit contingent de Néo-Zélandais joue l'ITM Cup (le championnat des provinces). Des chiffres qu'il faudra revoir à la hausse pour les Océaniens, la Nouvelle-Zélande devant encore disputer deux matches au minimum dans cette Coupe du monde.

La moyenne, un mirage

Les moyennes, parlantes pour analyser un effet général, effacent, ou du moins pondèrent les cas particuliers. Michalak et ses 15 matches en 12 mois pèsent autant dans la balance que Bastareaud et ses 42 (!) matches. Idem pour Woodcock (19 matchs) qui atténue les 35 rencontres de McCaw. Pour mesurer la différence de temps de jeu, nous avons donc décidé de comparer le nombre de joueurs qui dépassent la marque symbolique des 2 000 minutes par an (25 matches). Le score est sans appel : 12 Français dépassent cette barrière (Maestri, Le Roux, Chouly, Dusautoir, Picamoles, TIllous-Borde, Fofana, Bastareaud, Huget, Nakaitaci, Spedding et Dulin) contre 8 insulaires (Read, McCaw, A.Smith, B.Smith, C.Smith, Naholo, Savea et Milner-Skudder). Pire, Spedding a disputé 2 766 minutes en 12 mois. Soit un peu plus de 34 matches en intégralité. Les joueurs français ont donc mathématiquement raison. Ils jouent plus.

Mathieu Bastareaud, centre du XV de France
Mathieu Bastareaud, centre du XV de France

Les Français jouent plus... devant

Mais pas tous ! Si l'on compare le deux XV de départ, parmi les arrières, seul Spedding et Fofana jouent plus que leurs vis-à-vis (B. Smith et Nonu). A l'inverse, Read et Retallick sont les seuls gros à disputer plus de rencontres ou de minutes que leurs adversaires tricolores (Picamoles et Papé). La différence est donc véritable. Mais elle ne concerne évidemment pas tous les joueurs. Et elle ne concerne finalement pas tous les postes non plus.

Un problème plus politique que chronométrique

Si l'idée du temps de jeu est un argument véritable, mathématique, implacable, il serait maladroit mais surtout irréaliste de croire que 3 matches en 12 mois, même de très haut niveau, suffisent à expliquer une différence aussi monstrueuse entre les deux équipes. Réduire le nombre de rencontres disputées par les joueurs français pourrait peut-être avoir un effet bénéfique pour le XV de France. Mais probablement pas autant que de disputer un nombre plus important de rencontres de haut niveau (simple exemple : Read a joué 20 tests internationaux en 14 mois). Si la Nouvelle-Zélande et son modèle écrasent le monde, c'est aussi et surtout parce que les joueurs majeurs de cette équipe ont tous joué d'avantage avec la tunique noire qu'avec le maillot de leurs franchises respectives. Une question finalement plus politique que mathématique.

Et si l'idée d'instaurer des contrats fédéraux commence à germer dans l'esprit des dirigeants du rugby hexagonal, il sera difficile de concilier les ambition légitimes des clubs à conserver leurs meilleurs éléments, parfois à prix d'or, et les aspirations de la sélection à enrôler les plus brillants joueurs français. Une problématique depuis longtemps gérée par la Nouvelle-Zélande et qui échoue, une nouvelle fois, sur la table de la Fédération Française.

Kieran Read (Nouvelle-Zélande) face à l'Argentine - 20 septembre 2015
Kieran Read (Nouvelle-Zélande) face à l'Argentine - 20 septembre 2015

Pierre AMMICHE

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