Budgets, salaires, gabarits, technique... en 20 ans de professionnalisme, le rugby a bien changé

  • Bernard Le Roux (XV de France) face à l'Angleterre - 21 mars 2015
    Bernard Le Roux (XV de France) face à l'Angleterre - 21 mars 2015
  • Guy Accoceberry - XV de France - 1995
    Guy Accoceberry - XV de France - 1995
  • Brodie Retallick (Nouvelle-Zélande) face à l'Angleterre en 2014
    Brodie Retallick (Nouvelle-Zélande) face à l'Angleterre en 2014
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Le 26 août 1995, l'hôtel Ambassador de Paris est le théâtre d'une pièce qui changera la face de l'ovalie. La fin de 120 ans d'amateurisme y est votée à l'unanimité par les huit nations membres de l'IRB (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du sud, Angleterre, France, Ecosse, pays de Galles et Irlande). Le déclenchement d'évolutions majeures inévitables.

L'amateur qui aurait vécu en ermite ces deux dernières décennies aurait bien du mal à reconnaître aujourd'hui son rugby, devenu un spectacle mondialisé. Le passage à l'ère "open" a clairement fait basculer notre sport dans une toute autre dimension. L'argent, longtemps tabou mais toujours présent, circule désormais à l'air libre, gonflant budgets des clubs et salaires des joueurs mais menaçant au passage les historiques valeurs de l'ovale.

L'argent roi

En 1998, un des 700 joueurs du championnat de France touchait en moyenne à peine plus que le Smic de l'époque, soit 6 000 francs (environ 1 100 euros compte tenu de l'inflation). Avec 12 000 euros en moyenne nets par mois en 2014/2015, le voilà davantage à l'aise. Au niveau mondial, même boom démentiel. En 1995, la Coupe du monde avait rapporté 30,3 millions de livres de revenus (43 millions d'euros). Ce sont 650 millions de livres (883 millions d'euros) qui sont attendus en 2015 de la compétition en Angleterre. 127 millions d'euros viendront quant à eux des droits télé, soit six fois plus qu'en 1995!

Même constat du côté des clubs. Le Stade toulousain avait à l'époque 5 millions de francs de budget et un salarié, se souvient le président René Bouscatel. Aujourd'hui, le Stade toulousain, c'est 37 millions d'euros de chiffre d'affaires et 120 salariés, glisse-t-il. L'inflation spectaculaire des droits de diffusion y est forcément pour quelque chose. En 1998/1999, Canal+ déboursait environ 12 millions d'euros pour une saison de Top 14. Désormais, c'est 74 millions!

13 kilos de plus en moyenne chez un trois-quarts du XV de France

L'entraînement des joueurs est devenu quotidien et la musculation a pris une place prépondérante, faisant exploser le gabarit moyen de joueurs plus robustes et se déplaçant plus vite, plus longtemps. En 20 ans, un trois-quarts de l'équipe de France a pris en moyenne 13 kg de muscles, un avant 11. En 1995 contre l'Angleterre, Guy Accoceberry (78 kg pour 1,82 m) et Christophe Deylaud (70 kg pour 1,75 m) formaient la charnière tricolore. En mars dernier, les demis français alignés à Twickenham, Sébastien Tillous-Borde (87 kg pour 1,76 m) et Jules Plisson (92 kg pour 1,84 m) auraient pu évoluer il y a 20 ans au poste de centre voire même de troisième ligne.

Guy Accoceberry - XV de France - 1995
Guy Accoceberry - XV de France - 1995

Le cliché de "gentlemen" pratiquant entre copains et en amateurs un sport de "voyous", avant de se retrouver pour une troisième mi-temps mémorable, est désormais fané. Pour rendre le jeu plus attractif, les règles ont évolué, réduisant le nombre de touches et de mêlées. Résultat: un temps de jeu effectif doublé, autour des 40 minutes.

L'autorisation du "lifting" en touche, soit la possibilité pour le sauteur d'être porté par un coéquipier, fait partie des évolutions ayant changé la face du jeu. Avant, deux touches sur trois étaient arrêtées (par l'arbitre) ou injouables. Aujourd'hui ce secteur est devenu une vraie rampe de lancement, souligne Pierre Berbizier, ancien international et sélectionneur français.

Le poste n'a plus vraiment d'importance, la polyvalence oui

La prépondérance du physique a, d'après Berbizier, donné encore plus de place à la polyvalence. Fini un Jean-Pierre Garuet qui trottinait d'une mêlée à l'autre. Désormais, on demande à un première ligne de courir comme un troisième ligne, et à un trois-quarts de défendre comme un troisième ligne, développe l'ancien demi-de-mêlée. Une évolution particulièrement visible dans le cinq de devant, dont les deuxièmes ligne, qui ne se contentent plus de sauter en touche et batailler dans les regroupements, mais sont aussi amenés à toucher beaucoup de ballons. Le prototype moderne est le All Black Brodie Retallick, qui pourrait jouer centre selon Berbizier.

Brodie Retallick (Nouvelle-Zélande) face à l'Angleterre en 2014
Brodie Retallick (Nouvelle-Zélande) face à l'Angleterre en 2014

A part sur les phases de conquête, où il y a encore des tâches spécifiques, tu dois être dans la pluralité. Tu es le mec le plus près de celui qui est plaqué, tu es là pour déblayer. Tu arrives vite sur un ruck, tu dois remplacer le demi de mêlée. Automatiquement, le bagage technique du joueur a évolué, souligne Saint-André.

Cette polyvalence a aussi entraîné une réduction des espaces, puisque tous les joueurs se déplacent et se replacent en défense pendant 80 minutes ou presque. Autre conséquence du professionnalisme, l'utilisation systématique de la vidéo, qui fait que tout le monde se connaît, tout est disséqué, souligne Berbizier. Avec comme résultat la multiplication des temps de jeu et la prise du milieu de terrain pour déstabiliser à l'usure des défenses resserrées. Et comme conséquence une baisse du nombre d'essais sur les premiers temps de jeu. Plus spectaculaire, le rugby est aussi devenu plus stéréotypé.

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