XV de France, année zéro

  • Cardiff, 17 octobre 2015 : soir de cauchemar pour le XV de France
    Cardiff, 17 octobre 2015 : soir de cauchemar pour le XV de France
  • Philippe Saint-André et Patrice Lagisquet samedi soir à Cardiff
    Philippe Saint-André et Patrice Lagisquet samedi soir à Cardiff
  • Le XV de France après la déroute face aux Blacks (62-13)
    Le XV de France après la déroute face aux Blacks (62-13)
  • Guy Novès face à un chantier.
    Guy Novès face à un chantier.
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COUPE DU MONDE – Le désastre absolu du quart de finale face à la Nouvelle-Zélande est venu sceller le destin funeste de l'ère Philippe Saint-André. Le sélectionneur part sur un bilan catastrophique à tous points de vue. Mais pour sortir le XV de France des abysses où il se trouve aujourd'hui, c'est le rugby français dans son ensemble qui va devoir ériger un nouveau mode de fonctionnement.

Le XV de France version Philippe Saint-André a donc achevé sa cahoteuse et souvent désespérante trajectoire de quatre années dans le mur, samedi soir, à Cardiff. C'est tout sauf une surprise. La brutalité de l'impact du choc final donne cependant toute sa démesure à la catastrophe. L'équipe de France est en lambeaux à l'issue du quadriennat de PSA.

En perdant avec les honneurs, après un match de haut vol, elle aurait pu, à défaut de sauver quatre années de misère, partir sur une note présentable, entre regrets de ne pas avoir produit cela plus tôt et soupçon d'espoir pour l'avenir. Mais sans doute fallait-il que tout se termine par une débâcle absolue sur la forme pour que le XV tricolore touche réellement le fond.

Philippe Saint-André et Patrice Lagisquet samedi soir à Cardiff
Philippe Saint-André et Patrice Lagisquet samedi soir à Cardiff

Un statut de quart de finaliste flatteur

Cette fois, il n'y a plus d'après. Pendant ces quatre années, Philippe Saint-André a pu donner rendez-vous à l'automne 2015. Mais l'échappatoire n'était qu'une fuite en avant, tant le sélectionneur et son staff n'ont jamais eu la solution à leurs problèmes. On n'a jamais vu où ils voulaient en venir. Pour que cette Coupe du monde puisse constituer un aboutissement justifiant en effaçant les errements des saisons dites de préparation, il aurait fallu un fil conducteur. Jamais il n'y en eut. Ni sur le jeu ni sur les hommes.

Quatre années n'ont pas suffi à doter cette équipe d'un collectif et d'une identité (quel contraste avec le XV gallois façonné par Warren Gatland, où l'organisation parait presque plus importante que les hommes). Pas plus qu'elles n'ont permis de dégager une ossature durable. PSA aura vu plus de 80 joueurs au cours de son mandat. Mais jusqu'à ce 17 octobre, il aura donné l'impression de procéder, encore et toujours, à des expérimentations. Le cas Sébastien Tillous-Bordes, titulaire au poste de demi de mêlée jusqu'à l'Irlande pour finir rayé de la carte face aux Blacks, restera à ce titre un exemple presque caricatural.

Avant de tourner la page Saint-André, on aurait aussi aimé que le désormais ex-patron du XV national embrasse avec un peu plus de fermeté ses responsabilités. Certes, il a expliqué au Millennium prendre sa part, et il l'a redit dimanche matin sur TF1. Mais l'entendre dire que l'équipe de France est à sa place, entre la 5e et la 8e place mondiale, laisse songeur. Techniquement, il a raison. Mais intellectuellement, se réfugier derrière ce flatteur statut de quart de finaliste relève de l'escroquerie. Il y a par exemple un monde entre les Bleus, ou les Rouges, ou peu importe leur couleur, et les Gallois.

Au mieux, la France est en tête du deuxième peloton international

Le point commun de ces deux équipes est effectivement de disparaitre au même stade de la compétition. Mais PSA ne peut faire semblant d'ignorer qu'il a perdu quatre fois sur quatre contre Galles et que l'impression produite par les deux équipes est incomparable. Comment peut-on par ailleurs sérieusement penser que ce XV de France est au-dessus de l'Angleterre, qui lui a collé 55 points (encore un record) voilà 6 mois, sous prétexte que la Rose a fané dès le 1er tour ? On n'ose imaginer le destin des Bleus s'ils avaient figuré dans une poule avec l'Australie, Galles et les Fidji.

Même le bilan du Japon est plus flatteur. Après tout, les Nippons ont gagné autant de matches que les Français, avec une victoire référence contre les Boks. Surtout, ils ont donné plus de plaisir en quatre matches que les Bleus en quatre ans. L'équipe de France n'est pas aujourd'hui "entre la 5e et la 8e place". Elle peut éventuellement prétendre à la 8e, derrière les sept nations qui se détachent et qui lui sont objectivement supérieures (les quatre du Four Nations, l'Angleterre, Galles et l'Irlande). La France est, au mieux, en tête du deuxième peloton international. Elle n'appartient plus à l'élite. C'est sa réalité du moment.

Il y a de la tristesse de voir certains joueurs quitter la scène de cette façon. Michalak, Papé. Mas et Dusautoir, sans doute aussi. Des garçons qui ont beaucoup donné et apporté à l'équipe de France. Mais ce XV de France, dans son ensemble, quitte la scène sans larmes, ni fleurs ni couronnes. Il n'a rien gagné, ne laisse derrière lui ni palmarès ni souvenirs après avoir trainé sa lassitude et engendré un ennui profond au gré des saisons et des compétitions.

Le XV de France après la déroute face aux Blacks (62-13)
Le XV de France après la déroute face aux Blacks (62-13)

Aujourd'hui, c'est perdant-perdant

L'équipe de France est confrontée à un immense chantier. Si Saint-André a échoué comme jamais, son départ ne règle évidemment rien. Le mal du rugby tricolore dépasse les frontières de ce staff et de son homme fort. Guy Novès ne doit pas être attendu comme un sauveur. D'ailleurs, il y a quatre ans, beaucoup se réjouissaient de l'arrivée de PSA pour tourner, enfin, la page Lièvremont. Comme quoi...

C'est tout le rugby hexagonal, de A à Z, qui doit repenser son modèle et sa vitrine. Aujourd'hui, c'est perdant-perdant. Les clubs pestent devant l'ineptie du calendrier, qui les contraint à disputer un quart du championnat sans leurs meilleurs joueurs. Saint-André a pesté, de longs mois durant, sur la laborieuse mise à disponibilité des internationaux, comme ses prédécesseurs avant lui. Personne n'y trouve son compte.

Novès va arriver avec ses idées, un peu de fraicheur, et peut-être des hommes plus ou moins nouveaux. Il ne lui sera pas tant demandé des résultats flamboyants tout de suite que d'insuffler à nouveau un peu de vie dans un jeu anémié. D'abolir l'ennui. Sur ce plan, il peut agir vite. Mais si le capitaine PSA n'a pas été à la hauteur de sa mission, il s'est aussi trouvé à la barre d'un paquebot France mal fagoté, dont l'architecture toute entière doit être repensée. Si cet effort-là n'est pas mené dans les prochaines années, le rugby français peut déjà se préparer à d'autres 17 octobre.

Guy Novès face à un chantier.
Guy Novès face à un chantier.
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