Laporte, ce perfectionniste au sang chaud

Par Rugbyrama
  • Bernard Laporte, le manager de Toulon
    Bernard Laporte, le manager de Toulon
Publié le Mis à jour
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Passionné du jeu au caractère sanguin mais aussi technicien pragmatique dans un environnement de plus en plus rationalisé, le manager de Toulon Bernard Laporte, qui défend son titre de champion d'Europe samedi, est un funambule entre rugby d'antan et sport moderne.

Au RCT, plus qu'ailleurs peut-être, se trouvent réunies les différentes facettes du personnage: des supporters bouillonnants, des projecteurs médiatiques braqués sur le club et un effectif composé des plus grands compétiteurs de la décennie. Car Laporte sait manier tous les ressorts. Dans la préparation d'un match, il peut combiner dissection scientifique du jeu adverse et discours de motivation 'à l'ancienne'. "Galactique" ou pas, champion du monde ou pas, aucun joueur n'échappe aux coups de gueule qui ont bâti la légende de 'Bernie le dingue'. Matt Giteau et ses 92 sélections, sommé d'aller s'entraîner comme Wilkinson après un match manqué, ou le champion du monde 2007 Danie Rossouw, menacé d'être renvoyé en Afrique du Sud, en ont fait l'expérience.

Laporte le passionné entretient une relation d'amour exigeante, presque paternaliste avec ses joueurs. "Quand des entraîneurs disent 'Je ne suis pas ami avec les joueurs', je leur demande 'Mais comment vous faites ?'. Moi, je veux que mes joueurs soient mes amis, voire mes enfants. Je leur dis: 'Quand je me mets en colère contre vous, c'est que je vous aime'", expliquait-il l'an dernier à L'Equipe. Son perfectionnisme et son sens du détail sont autant appréciés que redoutés. Ses débriefings vidéo ont fait trembler des générations de joueurs au Stade français (1995-1999), dans le XV de France (1999-2007) ou à Toulon (depuis 2011). Aux entraînements, "il fait beaucoup refaire", sourit l'arrière-ailier Alexis Palisson. "Tu peux rester une heure sur le terrain à répéter tant que c'est pas parfait". A l'heure des choix, le pragmatisme prime sur le sentiment, comme le montre le cas de Frédéric Michalak qui assiste à la fin de saison depuis les tribunes.

Obligé de s'adapter

Intransigeant en interne, il se pose en rempart pour ses joueurs face au monde extérieur. Quand une critique vient écorner l'un d'entre eux, il riposte sans tact. "A tous ces gros cons qui ne savent pas et qui veulent parler, je leur dis que ce soir ils ont la tête dans l'édredon et ils se taisent. Et ceux qui disent qu'on fait venir des amis, ils se trompent. Le RCT, c'est une entreprise, pas un truc d'amis", avait-il lancé au soir d'une victoire contre Montpellier remportée (43-10) grâce à son pack quelques semaines après que les compétences de son adjoint et ami Jacques Delmas eurent été mises en doute. "Si on donne du pouvoir à André Boniface qui a tout manqué dans sa vie, où on va ?", avait-il également rétorqué en 2012 quand l'ancien centre du XV de France avait affirmé qu'il s'était "emmerdé" en regardant le jeu toulonnais d'"une tristesse désolante". Les piliers du jeu laportien n'ont guère changé: défense, conquête, défi physique, discipline, jeu au pied...

Mais cette saison, les circonstances ont toutefois contraint l'ancien entraîneur national à s'adapter. L'expérience de la saison dernière, où ses cadres trentenaires ont terminé usés en finale de Top 14, et les blessures de l'hiver lui ont appris à ne pas gérer son effectif en saison régulière comme une sélection pour faire plus 'tourner'. Les longues blessures des bulldozers Sheridan, Masoe et Botha ont également contrecarré son principe de destruction physique de l'adversaire. En accord avec ses leaders de jeu (Wilkinson, Giteau, Fernandez Lobbe, Botha), lui et ses adjoints ont décidé de déplacer plus le ballon sans passer par l'affrontement systématique. Un virage visible à partir de mars contre Oyonnax (victoire 64-10), puis à Clermont (défaite 22-16) et contre Toulouse (victoire 32-28). A l'heure de disputer deux finales en deux semaines, Bernard Laporte élaborera soigneusement sa stratégie pour ajouter un titre ou deux au Bouclier de Brennus 1998, aux quatre Tournois des six nations (2002, 2004, 2006, 2007) et à la Coupe d'Europe 2013.

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