Inoubliable

Par Rugbyrama
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Pour la première fois, un match de Coupe d'Europe s'est décidé à l'issue d'une séance de tirs au but. Un dénouement aussi exceptionnel que terrible que les joeuurs de Cardiff et Leicester ne sont pas prêts d'oublier. Surtout le malheureux Martyn Williams, bourreau bien involontaire des Blues...

C'est une forme de cruauté à laquelle les manchots sont rompus depuis 40 ans. La première séance de tirs au but dans un match de football date de 1970, entre Manchester United et Hull City. Le légendaire George Best avait tiré le premier penalty de cette série historique. Depuis, certaines séances hantent des générations de joueurs et de supporters. Parlez-en à Maxime Bossis, traumatisé par son échec lors de la mythique demi-finale de Coupe du monde 1982 entre la France et l'Allemagne. Il n'a plus jamais voulu tirer un penalty de toute sa carrière. Si, un jour, le pauvre Martyn Williams se trouve à nouveau embarqué dans une séance de tirs au but, le souvenir pesant du Millennium risque d'être terrible pour lui.

Pour la première fois de son histoire, un match de Coupe d'Europe s'est donc achevé aux tirs au but dimanche, lors de la demi-finale entre Leicester et Cardiff. En France, certains se souviennent sans doute du dernier titre de Béziers, remporté dans des circonstances similaires face à Agen, en 1984. Dans ces cas-là, il faut toujours un héros un malheureux. Dimanche, ce fut Martyn Williams. Mais tous les acteurs de cet improbable épilogue se sentaient solidaires. D'ailleurs, lorsque Jordan Crane a entériné l'échec du troisième ligne gallois pour envoyer les Tigers en finale, ses coéquipiers ne se sont pas spontanément précipités sur lui. Les Anglais sont allés voir leurs adversaires, à commencer par Williams. Chacun, à cet instant, avait conscience que dans cette loterie, le mauvais numéro aurait pu tomber sur lui.

"Pas une manière formidable de gagner"

En football, ce sont parfois les joueurs les plus brillants, les plus emblématiques, qui craquent dans ce type d'exercice. On se souvient de Michel Platini en 1986 face au Brésil, de Diego Maradona la même année en Coupe de l'UEFA face à Toulouse ou, plus proche de nous, du capitaine de Chelsea John Terry en finale de la Ligue des champions contre Manchester. Personne ne méritait le mauvais rôle dévolu à Martyn Williams dimanche. Lui, peut-être encore moins que les autres. "Malheureusement, il faut qu'il y en ait un qui rate. On gagne ensemble et on perd ensemble. Mais je regrette que cela soit tombé sur quelqu'un comme Martyn Williams, qui a tant travaillé pour faire progresser cette équipe", a confié Dai Young, l'entraineur des Blues, avant de se dire "déprime".

Un sentiment de compassion partagé par ses adversaires, tous sincèrement désolés pour Williams. "Nous sommes tous allées le voir après car c'est un joueur que tout le monde respecte", explique Geordan Murphy. "C'est cruel de perdre comme ça. Ce n'est pas une manière formidable de gagner", admet Richard Cockerill, le manager de Leicester. "C'est une manière horrible, terrible de perdre. Je suis sincèrement désolé pour les mecs de Cardiff. Ce n'est pas une manière de gagner. Je pense qu'on aurait eu du mal à avaler la pilule si on avait perdu ce match", avoue de son côté Murphy.

Peut-être plus encore qu'en football, l'exercice a tourné à la crise de nerfs, tant les joueurs ont peu l'habitude de la chose. " Tirer, ce n'est pas quelque chose auquel on s'entraîne régulièrement ", rappelle Murphy. L'aspect exceptionnel de la chose, alliée à l'importance de l'enjeu, a donné une dimension dramatique étonnante à ce final. "Voir un match se terminer comme ça est une nouvelle expérience pour la plupart des amateurs de rugby", soupire Dai Young. Même chez les vainqueurs, il reste un goût d'inachevé, une sorte d'état d'âme à triompher de la sorte. "Ces tirs au but, c'est peut-être un spectacle formidable, mais l'ambiance était plutôt morose à la fin ", assure Cockerill. Même ceux qui ont apprécié n'ont pas hâte de remettre ça, à l'image de Jordan Crane, auteur du coup de pied de la victoire. "J'ai aimé la dimension dramatique de la chose. J'ai déjà tiré à l'entraînement mais je dois reconnaître que je ne suis pas pressé de prendre un autre tir au but..."

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