"Nous n’irons pas commenter en Afrique du Sud", explique Lartot au sujet de la Champions Cup

  • Matthieu Lartot - France Télévisions
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CHAMPIONS CUP - Co-diffuseur de la Champions et de la Challenge Cup avec beIN Sports, France Télévisions retransmettra des affiches de cette compétition désormais intercontinentale. Le commentateur phare du rugby affirme que sur la phase de groupe, aucun match ne sera commenté hors-Europe. Format, arrivée des franchises sud-africaines ou encore Coupe du monde... Matthieu Lartot se confie.

Cette année encore, France Télévisions va co-retransmettre les matchs européens. Comment va s’articuler la diffusion ?

La programmation est très complexe avec la Coupe du monde de football en parallèle. C’est un casse-tête pour ne pas se retrouver en face des Bleus, qui plus est pour un quart de finale France-Angleterre. Concernant le match de la Rochelle, il a été mis sur France 4 en raison de la diffusion de l’Eurovision Junior sur France 2. En ce qui concerne le choix des affiches, on essaye de toujours démarrer la compétition avec le champion en titre s’il est français, La Rochelle cette saison donc. Puis ensuite nous avons Toulouse (face au Munster, N.D.L.R.) ce dimanche, dont on n’a pas besoin de faire l’historique en coupe d’Europe. À circonstances exceptionnelles, programmation exceptionnelle !

L’arrivée des équipes sud-africaines change-t-elle vos plans en tant que diffuseur ?

Non, cela ne nous change rien fondamentalement. À l’exception que nous n’irons pas commenter en Afrique du Sud. On commentera des matchs entre "Sud-Af'" et Français mais uniquement quand ce sera en France. Pour des raisons logistiques d’abord, économiques aussi et d’empreinte carbone surtout. Dans une période où l’on demande à tout le monde de faire des efforts, ça me paraît inconcevable de traverser la moitié du globe pour aller commenter en Afrique du Sud ! Même si j’ai toujours défendu et milité pour qu’on aille commenter dans les stades, on peut très bien commenter en cabine depuis Paris. Avec deux matchs par week-end, nous avons assez de matchs pour en choisir d’autres. En revanche, se posera la question lors des phases finales. Si, par exemple, une province sud-africaine reçoit une équipe française en demi-finale, on jugera au moment voulu. Pour l’instant, sur la phase préliminaire, pas question que l’on se déplace en Afrique du Sud.

Et sportivement, de quel oeil voyez-vous cela ?

Je m’interroge comme beaucoup. Est-ce qu’aujourd’hui, c’est raisonnable d’un point de vue écologique comme je l’évoquais ? Est-ce raisonnable de faire aux joueurs de tels trajets pour un match de Champions Cup - parce qu’il faudra faire le deuil de la "coupe d’Europe" - ? Comment les joueurs vont-ils encaisser les voyages et les changements climatiques ? Je pense qu’il y a des intérêts économiques derrière qui doivent profiter aux personnes qui organisent et aux provinces sud-africaines. Ce sont des questions que je me pose. À terme le but est sans doute de créer la Coupe du monde des clubs, pour l’heure c’est une solution un peu hybride. Jusqu’à maintenant, l’équilibre était clair et juste avec des compétitions bien distinctes. L’intégration des provinces sud-africaines en URC puis en coupe d’Europe maintenant, on peut penser que c’est une étape pour intégrer les Springboks aux 6 Nations. C’est la première pierre de ce possible projet-là. Nous n’allons pas condamner ça à la hâte, on va observer comment cela se déroule mais il y a quand même pas mal d’interrogations.

Le format de la compétition est-il le bon selon vous ?

Le format de jeu en lui-même est plutôt top, je crois. Cependant, avec les différentes coupures de plusieurs semaines, c’est difficile pour nous de fidéliser le téléspectateur. Ce n’est pas comme le Tournoi des 6 Nations où c’est vraiment le feuilleton de février-mars. Là, c’est une organisation qui est difficile à suivre pour un public assez large comme le nôtre. C’est donc au petit bonheur la chance quand ils viennent, à part les férus et les aficionados qui eux sont toujours là.

Pour autant le spectacle est au rendez-vous. Avec des matchs qui se terminent aux tirs au but, à l’exemple du Munster-Toulouse, est-ce quelque chose de particulier à commenter au rugby ?

C’était assez marquant parce que rare, oui. J’avais commenté une fois dans ma carrière une séance de tirs au but entre Leicester et Cardiff au Millenium (finale de H-Cup 2009). Ce sont toujours des moments particuliers, il y a de la dramaturgie. Au-delà du dénouement final entre le Munster et Toulouse, c’était l’ensemble du match qui était assez exceptionnel. Quand on est face à ce genre de scénario, on est porté par ce qui se passe sur le terrain. Le cadre était évidemment fabuleux, l’Aviva Stadium était plein, avec deux belles équipes. Ce sont des superbes moments à partager avec les téléspectateurs. C’est un match qui restera gravé dans l’histoire de la compétition.

Est-ce une compétition qui est importante pour le paysage global du rugby ?

Oui, j’ai toujours considéré que la Champions Cup et la Challenge Cup, comme l’ancienne coupe d’Europe, ont toujours été des compétitions majeures. Ce sont des coupes, et particulièrement la Champions Cup, qui permettent aux joueurs de toucher du doigt le niveau international. C’est le palier entre le Top 14 et le Tournoi des 6 Nations, en terme de rythme, d’intensité. C’est une compétition extraordinaire. C’est bien qu’elle perdure et qu’elle se relance. Est-ce que ça doit l’être avec les franchises sud-africaines ? Encore une fois ce n’est pas à nous de le décider. On nous donne ça à commenter et à traiter, on le fait avec plaisir parce qu’elle reste une belle compétition de rugby.

À moins d’un an de la Coupe du monde, est-ce plus que jamais l’heure de mettre en avant le rugby sur un groupe public comme France Télévisions ?

Aujourd’hui pas plus qu’avant. On l’a toujours fait, c’est dans notre ADN. On est diffuseur historique du XV de France et du 6 Nations mais aussi à travers nos magazines, que ce soit Stade 2, Tout le Sport ou Rencontres à XV. Nous avons une méthode de travail qui ne change pas que ce soit la Coupe du monde ou pas. On y accorde la même importance de manière constante, sur la programmation, sur les reportages ou les films parfois comme on a fait avec "Une si longue attente", un 58 minutes sur le grand chelem des Bleus. Ce film sera d’ailleurs rediffusé au démarrage du prochain Tournoi. En somme, on concentre tous nos efforts sur le XV de France quel que soit le contexte.

Le Tournoi des 6 Nations à venir sera la dernière ligne droite avant l’échéance ultime. Le gagner à nouveau serait-il signe de statut d’ultra favori pour les Bleus ?

Je crois que c’est déjà l’équipe à battre. Un grand chelem, des victoires face aux meilleures nations comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Australie : l’équipe de France a une grosse pancarte sur le dos. Tout le monde a déjà envie de les battre. Ils sont favoris et ils le savent, même si parfois dans le jeu de la communication ils n’aiment pas trop l’aborder de cette manière-là. Je leur souhaite de faire un grand chelem, ça voudra dire qu’ils égalisent la plus grande série de victoires co-détenue par les Anglais et les All Blacks de 18 victoires consécutives, ce qui les placerait dans une position d’ultra-favoris. Les joueurs, le staff, j’ai l’impression que le rugby entier tire enfin dans le même sens. Il y a tout pour que cette équipe soit compétitive et, on le souhaite tous, championne du monde.

Étant la voix des Bleus et sachant que les droits de diffusion sont sur TF1, on suppose que ce sera frustrant pour vous à titre personnel de ne pas commenter un potentiel titre de champion du monde...

Si je disais non, je mentirais ! Évidemment que c’est frustrant quand on commente tous les événements autour du XV de France depuis 14 ans. Maintenant, je suis salarié de France Télévisions. Quand on a les appels d’offres et qu’on se positionne sur les jeux Olympiques Paris 2024, on sait qu’on a peu de chances de commenter la Coupe du monde de rugby. Et malheureusement pour nous, on a eu très peu de Coupes du monde à commenter. On n’a pas eu les droits pour la Coupe du monde 2023 mais je la commenterai avec mes potes devant la télé !

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