Carmignani : "Le Leinster ? Un super challenge pour notre défense"

  • Romain Carmignani
    Romain Carmignani
  • Top 14 - Rémi Bourdeau (La Rochelle) face à Toulon
    Top 14 - Rémi Bourdeau (La Rochelle) face à Toulon
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CHAMPIONS CUP – Opposé au Leinster en demi-finale ce dimanche (16h), le Stade Rochelais a plus d’une corde à son arc pour contrarier le quadruple vainqueur de la compétition. Notamment sa force de frappe en défense des ballons portés. Un secteur minutieusement travaillé.

Face à une équipe aussi clinique que le Leinster – et "qui va souvent chercher des pénaltouches dans les 22m pour former des mauls", relève Grégory Alldritt – le Stade Rochelais est doté, cette saison, d’une arme défensive qui pourrait avoir une importance capitale, ce dimanche à Deflandre. "Quand on regarde les chiffres, on est la meilleure équipe d'Europe, je crois, sur la défense des ballons portés", avance Reda Wardi.

Le pilier gauche, comme nombre d'avants ces derniers temps, ne cache pas une certaine fierté de n'avoir concédé qu'un seul essai sur groupé pénétrant après touche, depuis le début de la saison. Là même où le Stade Rochelais apparaissait si friable ces dernières saisons. D'où vient ce changement de calibre ? Tous, au club, vantent la stratégie pensée et élaborée par Romain Carmignani, intégré au staff de l’équipe première à la dernière intersaison.

L’ancien troisième ligne, actuel entraîneur adjoint des avants maritimes, se confie sur sa méthode.

Rugbyrama : Romain, comment avez-vous bâti ce système défensif si efficace depuis le début de saison ?

Romain Carmignani : À l'entraînement, j'ai vu énormément de choses autour de la défense des ballons portés. Surtout en Australie quand j'étais chez les Brumbies. Après, ça s'est construit au fil de mes expériences. Que ce soit en Pro D2 (à Béziers, NDLR), en Fédérale 1 (à Limoges) ou aussi l'an passé en allant en Argentine. Beaucoup d'idées m’ont façonné, tout comme l'échange et le partage avec pas mal de coaches autour de ça. L’échange avec les joueurs, aussi. On a un groupe de travail qui se réunit chaque début de semaine, avec Wiaan Liebenberg, Rémy Bourdeau et Will Skelton. On imagine plein de scénarios différents.

Coucher tout cela sur le papier a dû vous prendre un certain temps, non ?

C'est la huitième année que j'entraîne. Il y a eu des échecs, aussi. J'ai essayé énormément de choses. Pendant deux ans, j'ai bossé avec le centre de formation de La Rochelle. J’avais déjà une idée sur ça et je l'ai beaucoup testée avec les jeunes. Ça a marché ! J’ai beaucoup taffé pendant le confinement, j'ai su que j'allais monter avec l'équipe professionnelle au mois de mai dernier. Je suis arrivé en début de saison en proposant cette nouvelle réflexion. Jono Gibbes (le directeur du rugby, NDLR) m'a vraiment fait confiance en me laissant carte blanche sur le projet. Et puis voilà, ça a fonctionné (sourire). On n’a pris qu’un seul essai sur ballon porté, à Pau.

Vous attendiez-vous à ce que la mayonnaise prenne aussi vite ?

Je pars du principe où l’on est un peu des chefs de projet. On propose quelque chose et quand tu montres que ça marche…En fait, on vend ça aux joueurs. On a beaucoup travaillé en présaison, avec différents profils : des profils sauteurs, des profils denses. On a combiné tout ça et ça a bien fonctionné. Aujourd’hui, ça marche aussi parce qu'on a les joueurs pour. Notamment Uini Atonio et Will Skelton, des mecs vraiment denses et costauds.

Vu la façon dont sont construits aujourd’hui les ballons portés, c'est très spécifique. Il y a toujours une faille dedans. Les joueurs savent exactement maintenant où sont les failles.

Mais vous avez su montrer que, même en leur absence, votre système tenait tout autant la route…

Ça fonctionne aussi. En fait, on parle de profils de joueurs. Profils denses et profils longilignes. Je les mets en fonction de ça dans des zones bien précises. Chacun a un rôle stratégique. On a une sorte de confiance collective autour de ça. On sent les mecs en totale confiance. C’est cool.

Il y a quelques semaines, votre flanker Rémi Bourdeau nous confiait ceci : "On pensait qu'au bout de deux-trois mois, les équipes allaient comprendre comment on défend. Déjà, je ne sais pas si toutes les équipes comprennent. Même si tu comprends, c'est une défense tellement efficace - si c’est bien réalisé - que les équipes n'ont toujours pas trouvé la parade, j’ai l’impression." D’ailleurs, vos avants louent régulièrement le système mis en place…

C'est cool que les joueurs disent ça (sourire). L’idée, c’est de créer une confiance avec des ancrages. Vu la façon dont sont construits aujourd’hui les ballons portés, c'est très spécifique. Il y a toujours une faille dedans. Les joueurs savent exactement maintenant où sont les failles. C'est de l'analyse et du stimuli toutes les semaines. Chaque semaine, je montre que ça marche, je rajoute une couche sur le fait que ça fonctionne et je mets des alertes autour de notre système. Car il y a des failles, aussi.

Top 14 - Rémi Bourdeau (La Rochelle) face à Toulon
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Pensez-vous être le seul à les identifier, aujourd’hui ?

Je pense, je pense (rires). Mais ça va évoluer, il va y avoir des surprises. Aujourd'hui, mon travail, c'est de réfléchir à ce qui peut contrer notre système. J'imagine plein de choses différentes. Et on travaille sur ça à l'entraînement, le jeudi, pour avoir un ou deux temps d'avance sur l'adversaire. J'analyse beaucoup ce que fait l'équipe adverse. A la sortie, tu t’aperçois que ça tourne toujours autour des mêmes choses. Mais, vous savez, je veux être très prudent car la vérité d'aujourd'hui n'est pas forcément celle de demain. Ça peut aller vite dans un sens comme dans l'autre.

Surtout, je ne veux pas qu'on dise que c'est grâce à moi. C'est grâce aux joueurs, parce qu'ils l'ont adopté. Je les ai stimulés, ils ont croqué dedans, ils ont réfléchi différemment.

Le match contre Lyon, mi-avril, est-il une bonne piqûre de rappel ? Le LOU, sans parvenir à marquer, a semblé vous donner un peu plus de fil à retordre.

C'est une petite alerte. On était un peu moins attentifs, un peu naïfs par moment. Il ne faut pas s'endormir. Les matches couperets arrivent.

Le choc face au Leinster, dimanche, fait-il justement figure de "test ultime" en la matière ?

Clairement. Ça va être un super challenge pour notre défense, c’est comme ça qu’on va le présenter. C’est incroyable de jouer ce match-là. Les joueurs sont capables de le faire.

Est-ce que d'autres entraîneurs vous appellent pour tenter de vous soutirer quelques billes ?

(rires) Joker ! Je sais comment ça marche, ils veulent tous nous contrer aujourd'hui. C’est pour ça que je suis prudent. Ce n'est pas mon truc de dire que La Rochelle défend super bien les ballons portés. On n'a rien gagné pour l'instant. Surtout, je ne veux pas qu'on dise que c'est grâce à moi. C'est grâce aux joueurs, parce qu'ils l'ont adopté. Je les ai stimulés, ils ont croqué dedans, ils ont réfléchi différemment. C'est grâce à Jono, aussi. Il faut rester humble. Il y a plein d'équipes qui défendent très bien. Beaucoup vont nous mettre en difficulté, à commencer par le Leinster.

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