Dulin : "Je me disais que plus jamais je ne me plaindrai de la pluie et du froid"

  • Brice Dulin (Racing 92)
    Brice Dulin (Racing 92)
  • Brice Dulin (Racing 92) contre Grenoble
    Brice Dulin (Racing 92) contre Grenoble
  • Brice Dulin (XV de France) face à l'Afrique du Sud - 24 juin 2017
    Brice Dulin (XV de France) face à l'Afrique du Sud - 24 juin 2017
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CHAMPIONS CUP - Brice Dulin reprend peu à peu ses marques au Racing 92 après une année 2018 quasiment blanche. L’arrière francilien revient sur la période délicate qui a précédé ce retour à la vie progressif, huit mois après sa rupture des ligaments croisés.

Rugbyrama : Quelles sont vos sensations après deux matchs ?

Brice Dulin : Très bonnes par rapport au genou. Je n’ai pas eu d’appréhension et je n’ai pas ressenti de gêne. Maintenant, je sais que je dois retrouver le rythme. Je suis bien à l’entraînement mais l’intensité d’un match n’a rien à voir. Il était prévu que je sorte assez tôt pour mon retour contre Grenoble. Quant au match à La Rochelle, il n’y avait pas trop de rythme donc j’ai pu faire les quatre-vingts minutes.

Peut-on parler de renaissance ?

B.D. : Je sais qu’en général, quand on passe au travers des blessures pendant une ou deux saisons, le corps le fait payer derrière. Au moins, cette longue absence m’a permis de me régénérer. Je suis resté près d’un an sans jouer et je n’ai plus mal nulle part. Je ne sais pas si je repars pour dix ans, mais pas loin ! Je n’ai plus qu’à retrouver mon niveau d’avant, voire mieux si possible.

Brice Dulin (Racing 92) contre Grenoble
Brice Dulin (Racing 92) contre Grenoble

Vous avez su faire front et garder le sourire les jours qui ont suivi votre blessure. D’où vous est venue cette force mentale ?

B.D. : Quand on sait qu’on en a pour six à huit mois sans jouer, cela ne sert à rien de se morfondre. On essaie de relativiser, en se disant que si les choses sont arrivées, c’est qu’elles devaient arriver. À trop jouer et enchaîner les saisons, mon corps était peut-être à bout et j’avais peut-être trop tiré sur la corde. Au fil des ans, on accumule des petites douleurs un peu partout, que ce soit au dos, aux épaules, aux chevilles…et ce n’est pas la coupure d’été qui permet de se régénérer. Cette longue coupure a été dur à vivre mais cela m’a permis de me remettre à neuf.

Je me suis rendu compte que nous, joueurs de rugby, avons un planning assez light comparé à la dureté d’une rééducation

Vous êtes vous senti entouré par votre club ?

B.D. : Totalement ! On m’a déjà laissé l’opportunité de faire ma rééducation dans le Sud de la France pour être en famille. Cela m’a permis de couper car le plus dur, dans ces moments, quand on reste au club, est de voir les autres s’entraîner et d’enchaîner les matchs. J’ai donc pu me focaliser sur ma rééducation et aussi profiter des miens. J’étais du côté de Messanges (Landes, ndlr) donc une fois les séances terminées, je pouvais aller me vider la tête près de l’océan. Cet équilibre m’a permis de bien vivre les choses. J’avais également régulièrement le président et les coachs au téléphone.

Vous veniez tout juste de traverser un deuil familial au moment de votre blessure. À défaut de pouvoir aider le Racing 92 sur le terrain, vous avez pu être aux côtés des vôtres…

B.D. : J’étais chez mon frère les trois premiers mois. J’ai donc pu profiter de mes neveux, ce qui est plaisant car quand on enchaîne les saisons, on n’a pas vraiment le temps de les voir grandir. J’ai aussi pu faire d’autres choses et voir des personnes que je n’avais plus trop l’habitude de voir. C’est la première fois de ma carrière que j’ai une blessure aussi longue. J’ai vécu une nouvelle expérience qui m’a aussi permis de me poser, de voir où j’en étais dans ma carrière, de me fixer de nouveaux objectifs…Bref de voir les choses différemment. Je me suis aussi rendu compte que nous, joueurs de rugby, avons un planning finalement assez light comparé à la dureté d’une rééducation. J’ai fait le choix d’avoir un kiné personnel, on bossait sept heures par jour, des fois six jours sur sept. J’ai ainsi pu avoir une progression en continu et je me rend compte que si je n’avais pas travaillé autant, je n’aurais pas pu revenir aussi vite.

La journée, tu travailles avec la douleur, et la nuit, tu récupères de l’inflammation donc tu dors très peu

Le fait de séjourner chez un ancien rugbyman professionnel, en l’occurrence votre frère Renaud, a-t-il été un plus pour garder le moral et la motivation ?

B.D. : Il a connu une rupture des ligaments croisés durant sa carrière et c’est le kiné avec qui j’ai travaillé cette année qui s’était déjà occupé de lui à l’époque. Il avait eu moins de difficultés que moi donc il me disait des trucs du genre : "je ne comprends pas, moi à trois semaines je pouvais déjà faire ça !". C’était un échange perpétuel, comme une petite compétition car je voulais arriver à faire les mêmes choses que lui dans les délais. Au-delà de ça, être dans un environnement extérieur permet de penser à autre chose le soir et de mieux vivre la blessure. Chez moi, tout seul, j’aurais cogité.

Qu’est-ce qui était pour vous le plus éprouvant ?

B.D. : Le plus dur, notamment sur les trois-quatre premiers mois, a été pour moi de travailler constamment avec la douleur. Mon genou a saigné durant l’opération, ce qui a créé des adhérences douloureuses. Pour gagner en amplitude, il fallait constamment forcer dessus pour que cela évolue plus vite. La journée, tu travailles avec la douleur et la nuit, tu récupères de l’inflammation donc tu dors très peu. C’est ça qui est épuisant. Je pense que mon frère, ma belle-sœur et mes neveux ont entendu le Game Ready (appareil motorisé portable de cryothérapie) toutes les nuits pendant au mois un mois et demi. Mais je ne regrette pas car si j’avais vraiment coupé, je n’aurais pas pu revenir aussi vite.

Avec Zebo, si j’ai envie de jouer, je vais devoir redevenir très bon

Vous dites-vous que, comme beaucoup de joueurs, vous avez connu votre annus horribilis et que vous ne pouvez que rebondir ?

B.D. : C’est clair qu’on peut difficilement faire pire ! Comme je l’ai dit, je me suis bien régénéré. Le fait de ne pas jouer pendant autant de temps recréé aussi l’envie d’être sur le terrain. Quand tu enchaînes les matchs, tu penses d’abord à ta fatigue et ta récupération et tu en oublies presque que c’est un plaisir d’être tous les jours sur le terrain. Être privé de la chose qu’on aime le plus pendant huit mois, c’est compliqué à gérer. Durant ma rééducation, je me disais que plus jamais je ne me plaindrai de la pluie et du froid.

Vous avez appris durant votre convalescence l’arrivée au Racing 92 de Simon Zebo, un des tous meilleurs arrières du monde. Comment avez-vous réagi ?

B.D. : Je me suis dit que c’était une bonne chose. Tout simplement parce qu’on manquait de joueurs à certains postes les saisons passées, ce qui ne permettait pas de faire un turnover. Quand il y a plusieurs bons joueurs à un même poste, cela vous oblige à être très performant et à se bouger. Simon, je le connais depuis un petit moment, pouvoir avoir disputé la Coupe du monde des moins de 20 ans la même année que lui. C’est un super mec et un atout supplémentaire pour nous. Si j’ai envie de jouer, je vais devoir redevenir très bon et lui dois aussi continuer sur sa lancée pour enchaîner. Le meilleur jouera. Et puis le Racing 92 veut exister sur les deux tableaux, et moi, je commence aussi à ne plus être tout jeune, donc sa venue était même nécessaire.

Brice Dulin (XV de France) face à l'Afrique du Sud - 24 juin 2017
Brice Dulin (XV de France) face à l'Afrique du Sud - 24 juin 2017

L’équipe de France aujourd’hui, ça te parait loin ou un objectif pour le Tournoi ?

B.D. : Vu l’année qui arrive, ce sera important, c’est sûr. Pour ma part, je me focalise plus sur le fait de rejouer, enchaîner et être de nouveau bon que sur ce qui se passera en février. Cela reste dans un coin de ma tête car ce sera une année très importante, mais je veux d’abord retrouver des sensations et du plaisir. Cela passera par de grosses prestations à répétition. C’est ce qui sera le plus compliqué à retrouver. Je pensais que ça allait vite venir mais j’ai senti sur les deux premiers matchs que j’avais encore besoin de retrouver des repères, notamment dans le jeu au pied. Donc je dois d’abord avoir la sensation d’enchaîner les bons matchs avant d’envisager le rester.

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