6 Nations 2023 - France - Irlande 2015 : la tempête avant le naufrage

Par Vincent Franco
  • Frédéric Michalak (XV de France) est plaqué par Conor Murray (Irlande)
    Frédéric Michalak (XV de France) est plaqué par Conor Murray (Irlande) Icon Sport - Spi
Publié le
Partager :

6 NATIONS 2023 - Lors de leur dernier match de groupe dans cette Coupe du monde 2015, la France et l’Irlande s’affrontent pour déterminer qui s’emparera de la première place de la poule D. Un succès 24-9 des Irlandais qui envoie les Bleus face à la Nouvelle-Zélande en quarts, avec le résultat qu’on lui connaît…

Éviter les Blacks en quart de finale, l’objectif était simple. Ce 11 octobre, Français et Irlandais s’affrontent pour terminer premiers de leur poule et éviter de croiser le chemin des Néo-Zélandais le week-end suivant. Et dès les premiers impacts sur la pelouse du Principality Stadium, le spectre des joueurs à la fougère se fait ressentir au-dessus de la tête des deux sélections. Un engagement de tous les instants, l’odeur des matchs à élimination directe envahit l’enceinte de Cardiff.

"Ce match était une bataille navale, une véritable boucherie. C’était une rencontre ultra physique", avouera quelques mois plus tard Pascal Papé, grand acteur de cette partie. Pour anecdote, le deuxième ligne des Bleus terminera la rencontre avec dix-sept plaquages à son compteur, preuve d’une activité défensive digne du niveau international. "Un combat sans limites dont ni les Irlandais ni nous, n’avons pu nous relever." Effectivement, pendant quatre-vingts minutes les corps souffrent et les blessures vont venir bouleverser le cours du match. Le XV du Trèfle va perdre tour à tour deux de ses cadres, gravement touchés.

Pascal Papé face à l'Irlande lors de la Coupe du monde 2015
Pascal Papé face à l'Irlande lors de la Coupe du monde 2015 Icon Sport - Dave Winter

Tout d’abord le capitaine, Paul O’Connell, évacué sur civière à la quarantième minute puis le troisième ligne aile Peter O’Mahony quinze minutes plus tard. Le joueur du Munster ne quittera pas, lui non plus, le terrain sur ses deux jambes. Mais ce que l’on croyait comme le gros coup dur pour l’Irlande est la sortie de Johnny Sexton dès la vingt-cinquième minute de jeu. Le demi d’ouverture a dû quitter prématurément ses partenaires, sonné après un gros plaquage de Louis Picamoles. Un fait de jeu qui va se transformer en tournant du match.

Madigan, le facteur X

Nombreux étaient les supporters tricolores heureux lorsque le numéro dix irlandais a cédé sa place lors de cette "finale". Sexton est remplacé par Ian Madigan, joueur peu connu du grand public mais qui va se révéler être le bourreau des joueurs de Philippe Saint-André sur cette rencontre. Juste dans ses décisions et doté d’une plus grande rapidité que Johnny Sexton, le joueur du Leinster à l’époque et future recrue de l’Union Bordeaux-Bègles va réaliser le match de sa vie comme l’explique Pascale Papé : "Il a totalement changé la façon de jouer des Irlandais. Il a ciblé la zone de "Basta" (Mathieu Bastareaud), a demandé à Keith Earls (l'ailier) d'intervenir dans cette zone. Il nous a tourné la tête". Une prestation majuscule pour Madigan, qui va inscrire huit des vingt-quatre points de sa sélection lors de cet affrontement et qui en scellera le sort avec une pénalité à trois minutes du terme. Âgé de 25 ans ce jour-là, il réalise un trois sur quatre face aux perches, son seul échec est la transformation du premier essai des siens, inscrit par Rob Kearney.

Le Leinsterman, héros d’un soir offrira même l’une des images de cette coupe du Monde. Lorsqu’après le coup de sifflet final, il fond en larmes sur la pelouse, conscient peut-être de la performance majuscule qu’il vient de réaliser devant les yeux du monde entier.

O’Brien, pas vu pas pris

Si l’issue de cette rencontre a finalement été favorable aux Irlandais, elle aurait pu être tout autre si Sean O’Brien avait été sanctionné de son geste de nervosité envers le deuxième ligne parisien des Bleus. On joue la troisième minute, lors d’une action anodine au centre du terrain, Pascal Papé reste au sol après un ruck et semble être touché aux côtes. Les images rendront leur verdict, le joueur aux soixante-cinq sélections avec le XV de France a, en réalité été frappé par le numéro 7 des Diables Verts.

Pascal Papé éprouve des difficultés à se relever, malgré l'aide du médecin Jean-Baptiste Grisoli.
Pascal Papé éprouve des difficultés à se relever, malgré l'aide du médecin Jean-Baptiste Grisoli. Icon Sport - Sportsfile

Un coup délibéré qui mérite clairement un carton rouge pour Papé mais Nigel Owens ne fera jamais appel à la vidéo malgré les images. "Je suis séché par un coup de poing de Sean O’Brien mais l’arbitre du match ne fera même pas appel à la vidéo. J’ai juste voulu le retenir par le maillot pour le déséquilibrer un peu, comme on le fait souvent autour des rucks. Il s'est retourné et m’a frappé !"

Sean O'Brien (Irlande), comme lors du match quelques mois plus tôt dans le Tournoi, est au coeur des échanges.
Sean O'Brien (Irlande), comme lors du match quelques mois plus tôt dans le Tournoi, est au coeur des échanges. Icon Sport - Bpi

Un incident d’autant plus rageant pour les Bleus puisque le joueur du Leinster va bien évidemment terminer la rencontre et être le meilleur joueur sur la pelouse durant les quatre-vingts minutes. Malgré tout, O’Brien sera rattrapé par la patrouille, puisque cité par le commissaire de match, il sera suspendu une semaine et ratera le quart de finale face à l’Argentine.

Un deuxième acte à sens unique

Malgré ce fait de jeu défavorable aux Bleus, il ne faut tout de même pas oublier que les Irlandais ont dominé de la tête et des épaules cette partie. Le score est presque flatteur pour les finalistes de l’édition précédente, tant ils n’ont quasiment jamais pu y croire. Malgré un score de 14-9 à dix minutes du terme, la France est bien loin du compte. Les hommes de Joe Schmidt ont fait la différence tard dans la rencontre grâce à la réalisation de leur demi de mêlée Conor Murray, qui malin comme on le connaît, a aplati le cuir sur la base du poteau après une série de "pick and go" de ses avants.

XV de France face à l'Irlande - le 11 octobre 2015
XV de France face à l'Irlande - le 11 octobre 2015

À la fin de ce duel, les statistiques sont frappantes et inquiétantes pour les Français. 72% de possession pour les Diables Verts, 36 mètres parcourus balle en main contre 250, 22 défenseurs battus contre 11, 206 passes contre 83, 8 ballons perdus seulement contre 18... Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les Tricolores n’ont pas existé ce 11 octobre.

Le pire était à venir

Au-delà de la rencontre en elle-même, il est important d’évoquer les répercussions qu’elle a eues sur l’équipe de France. Ce revers permet donc aux Irlandais de terminer à la première place du groupe devant les Bleus. Le XV du Trèfle va affronter les Pumas en quart de finale, le XV de France les All Blacks tant redoutés.

Le XV de France fait face au haka des All Blacks, en quart de finale de la Coupe du monde 2015
Le XV de France fait face au haka des All Blacks, en quart de finale de la Coupe du monde 2015 Icon Sport - Dave Winter

Une semaine après ce combat face à lrlande, la France affronte la Nouvelle-Zélande, toujours au Principality Stadium. Le soir de la honte pour Louis Picamoles et ses coéquipiers, laminés 62-13 par les futurs vainqueurs de la compétition. "Ils étaient injouables. On s'est fait dessouder sur nos points forts : la grinta, le combat collectif et la conquête. C'était la spirale infernale. Tout leur réussissait." Pascal Papé est unanime, il y avait plusieurs classes d’écart ce soir d’automne entre les hommes en noir et ceux en rouge pour l’occasion. Une raclée qui va marquer la fin d’une ère chez les Bleus et une prise de conscience pour le Parisien. "Cela faisait des années qu'on en chiait, des années où on s'en mettait plein la gueule en Top 14 tous les week-ends. Nos dirigeants faisaient semblant de ne rien entendre, disaient que l'on serait en demi-finale parce qu'on était français, ils refusaient de voir la réalité en face. Franchement, cette sortie de route était inévitable."

Depuis les temps ont bien changé, la nouvelle génération a pris le pouvoir avec le maillot frappé du coq. Les Dupont, Ntamack, Alldritt et consorts ont l’occasion de faire un grand coup et peut-être, déjà, vers le sacre, ce samedi (15h15) face aux Irlandais. Une occasion qui ne traversait même pas les esprits les plus fous en 2015…

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?