Mesnel: "Devant les Bleus, j'ai la même frustration que tout le monde"

  • Franck Mesnel, c'est 56 sélections avec le XV de France
    Franck Mesnel, c'est 56 sélections avec le XV de France
  • Franck Mesnel et Denis Charvet à l'époque du Racing "Show-bizz"
    Franck Mesnel et Denis Charvet à l'époque du Racing "Show-bizz"
  • Franck Mesnel face à l'Irlande lors du Tournoi des 6 nations 1995
    Franck Mesnel face à l'Irlande lors du Tournoi des 6 nations 1995
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International à 56 reprises, l'ancien ouvreur ou centre du Racing-Metro, Franck Mesnel, a livré son sentiment sur le XV de France avant le match en Italie. Le co-fondateur d'Eden Park est également revenu sur le livre de Pierre Ballester ("Rugby à charges") et ses activités.

Comment occupez-vous votre temps depuis l'arrêt de sa carrière ?

Franck MESNEL: Comme vous le savez, je suis très dopé grâce au rugby (rires) donc j'ai une énergie débordante et grâce à elle, je peux m'exprimer pleinement dans mon travail de création chez Eden Park. Cela me transcende et me permet avec mes équipes de réaliser de très belles collections. Je me déplace beaucoup à l'étranger pour la marque mais aussi pour la fondation de l'entreprise "Les papillons du ciel". Je ne veux pas généraliser mais si vous additionnez le nombre de rugbymen présents ou investis dans les créations d'associations caritatives... on est dans le même état d'esprit. C'est aussi légitime que bon nombre d'entre nous soyons rattachés directement ou indirectement à des associations car nous avons tellement été choyés, adulés, aimés et il me semble normal de notre part à tous de vouloir rendre la pareille et de nous occuper des autres.

On vous sent très attaché à ce projet Franck...

F.M: Je crois que le savoir est le meilleur moyen pour prendre les décisions dans sa vie et le savoir donne fatalement accès à la culture qui elle-même donne accès à la réalité des choses et notamment de travailler. Nous avons eu une opportunité à Madagascar, plus précisément une île au large de Madagascar. C'est une vraie aventure et un vrai projet d'entreprise. L'objectif est d'envoyer chaque année deux personnes d'Eden Park mener des missions bien définies comme enseigner des matières scolaires, le rugby à ces enfants qui sont très demandeurs. Sans une personne de confiance, des relais locaux, on ne peut pas se lancer dans ce genre de projet où il faut une fiabilité absolue. Je n'ai juste qu'à m'assurer que chaque centime soit arrivé à bon port et bien transformé dans de la construction, dans des cahiers d'école. Il y a 75 élèves dans ce collège et c'est une véritable responsabilité que l'on assume tous car il faut initier le projet, le construire et surtout continuer à l'entretenir en espérant que des gosses arrivent à un très bon niveau d'études par la suite.

Franck Mesnel et Denis Charvet à l'époque du Racing "Show-bizz"
Franck Mesnel et Denis Charvet à l'époque du Racing "Show-bizz"
Je reproche à Pierre Ballester de faire un amalgame et de faire dire à Jacques Mombet qu'il s'agissait à l'époque d'un crime organisé où chacun avait sa pilule dans son assiette

Quel regard portez-vous sur l'évolution du rugby français ?

F.M: Notre "chnouf" à l'époque, c'était la passion. Cet esprit des années 90 n'était pas uniquement celui du Racing ou des gens du showbizz. Tous les joueurs de rugby avaient cet esprit créatif, du 1 au 15. Nous étions déjà tous motivés par des envies de vie, de création, d'avancer, d'entreprendre. Nous avons eu cette chance d'être médiatisés grâce à Eden Park et au nœud papillon rose mais tous avaient ces envies. Je crois que c'était générationnel. Attention, je dénigre pas du tout le professionnalisme du rugby actuel ! C'est complètement différent, ils ont une autre manière de gérer les choses notamment les médias. Nous, nous faisions des calculs d'avenir en parlant de conversion, de reconversion, ce que sera notre après vie sportive. Eux sont dans le présent donc ils doivent gérer au mieux et au plus vite leur carrière actuelle car c'est grâce à cela qu'ils arriveront à rebondir sur d'autres choses. Ils ont déjà cette possibilité que nous n'avions pas nous d'en tirer la quintessence immédiate.

Vous avez fait un aparté sur le dopage au début de notre échange. Vous aviez un physique assez imposant à l'époque mais doit-on l'associer à une prise de produits interdits Franck (rires) ?

F.M: Non (rires). Je reproche juste à Pierre (Ballester, l'auteur du livre polémique sur le dopage dans le rugby français NDLR) de faire un amalgame et de faire dire à Jacques Mombet qu'il s'agissait à l'époque d'un crime organisé où chacun avait sa pilule dans son assiette. Je ne vais pas non plus faire l'innocent en disant qu'il n'y a jamais eu de petits actes isolés et non maitrisés. Franchement, il nous est arrivé les uns et les autres de fumer un petit pétard mais plus pour s'amuser en soirée sans vraiment en connaitre les effets. Je ne vais pas le nier, ce serait ridicule mais nous étions une équipe mature avec une moyenne d'âge de 25-26 ans. Après, je ne peux pas nier des actes isolés mais nuançons car nous étions une génération de mecs naturellement costauds.

Et puis nous étions amateurs et touchions des sommes d'argent ridicules. Nous n'envisagions même pas ce genre de démarche, de préparation. Ce n'était pas dans notre culture et nous n'en avions même pas l'idée. Après, on sait très bien que sur dix mecs, il y en a deux qui veulent aller plus vite que les autres, que huit sont raisonnables. C'est un peu la nature de l'homme. Réguler le dopage est presque une ineptie. Les joueurs ne seront pas égaux devant le dopage. Il faut tout faire pour se rapprocher du zéro mais il y a une énorme hypocrisie dans la mesure où la productivité entraine des partenaires qui investissent beaucoup d'argent, veulent voir du spectacle, veulent du résultat dans une arène. Tout le système est soumis à une pression du résultat. 

Je ne peux pas croire que Philippe Saint-André n'ait pas les arguments affectifs pour pouvoir créer une véritable équipe, une véritable émulation.

Vous avez portez le maillot du XV de France à 56 reprises, comment jugez-vous l'équipe de France sur ces dernières saisons ?

F.M: J'ai la même frustration que tout le monde. La seule chose sur laquelle je voudrais insister c'est le fait qu'on les accuse un peu vite. Il n'y a pas d'équité devant les efforts, la fatigue, l'érosion de nos joueurs de rugby. Ils ne sont pas traités au même niveau que les autres nations européennes. Sachant que le rugby professionnel se joue au millimètre, dans la récupération, dans la préparation et que l'affectif, même si il est nécessaire, est devenu infime. A notre époque, tu avais 50% de physique et de technique puis 50% d'affectif mais c'est très différent aujourd'hui. Je ne peux pas croire que Philippe Saint-André n'ait pas les arguments affectifs pour pouvoir créer une véritable équipe, une véritable émulation. Je pense qu'insensiblement, il n'y a pas d'équité devant la résistance à l'effort et tant que nous ne serons pas au même niveau que les autres nations, nous serons condamnés à l'exploit. Mais comme nous avons le talent sur le terrain pour pouvoir réagir à des situations catastrophiques, nous nous en sortirons quand même.

Je pense que ce que recherche Philippe à ce jour, c'est une fiabilité, une pérennité et ne pas avoir à se dire à l'approche de la Coupe du monde, qu'il n'y a que cinq matchs à jouer pour se retrouver en finale. Le rugby prend toute sa mesure dans les pays anglo-saxons où ce sport est une véritable religion à l'image de l'Irlande, le pays de Galles, la Nouvelle-Zélande par exemple. Tout est optimisé et notamment dans la préparation de leurs joueurs. Chez nous, l'intérêt pécunier passe peut-être devant le reste. Il ne faut pas rêver, jouer pour son pays est extraordinaire mais quand cela a la même valeur qu'une Coupe européenne ou un match de championnat contre Toulon ou Clermont, et bien l'homme s'habitue à tout et même au luxe.

Franck Mesnel face à l'Irlande lors du Tournoi des 6 nations 1995
Franck Mesnel face à l'Irlande lors du Tournoi des 6 nations 1995
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