Etcheto: "Il manque une idée directrice en équipe de France"

  • Vincent Etcheto - bordeaux-Bègles - 1 mars 2014
    Vincent Etcheto - bordeaux-Bègles - 1 mars 2014
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Déçu par le Tournoi des Bleus, l'entraîneur des arrières de l'UBB Vincent Etcheto fustige l'absence d'identité et le manque de repères depuis deux ans que Philippe Saint-André en est le sélectionneur. 

Êtes-vous, comme beaucoup, agacé par ce que vous avez vu depuis le début du Tournoi ? 

V.E.: Agacé non mais pas surpris parce que c'est la continuité de ce que l'on voit depuis deux ans. Après il y a plein de débats sur la qualité des joueurs, sur le championnat, les périodes de préparation qui sont, je pense, de fausses excuses. Le potentiel joueurs est là. Quand je vois l'équipe d'Irlande qui joue très bien au rugby et hormis O'Driscoll, même si il est vieillissant, je ne changerais pas un joueur par rapport au potentiel que l'on a en France. Par contre, collectivement les Irlandais savent où ils vont, ils ont des repères collectifs. On ne va pas parler de projet de jeu car on n'en ferait bondir quelques uns, ça parait trop compliqué pour certains, mais avoir des idées communes, une idée directrice, on ne sait pas ce qu'elle est. C'était avoir une bonne conquête et faire de l'occupation, on ne le fait pas bien et ce que l'on appelle les principes de jeu, pour moi, il n'y en a aucun. C'est peut-être mis en place, peut-être que les joueurs n'arrivent pas à le traduire et à le relayer sur le terrain. Pour l'instant, je ne suis pas du tout surpris. La seule surprise, c'est que l'on ait battu l'Angleterre grâce à un bel essai car ce match-là, on ne doit pas le gagner. On se cache derrière une réussite avec trois victoires, ou quatre si on bat l'Irlande, et moi qui m'attache toujours au contenu, je suis loin loin d'être satisfait. 

On sent les joueurs perdus sur le terrain, vous avez cette même lecture ? 

V.E.: Perdus, je ne sais pas. Je le répète, on a des joueurs qui ont du talent et puis il peut y avoir des choix de sélectionneur, que ce soit Plisson, Trinh-Duc ou Tales, ça fait débat, de même que Parra, Machenaud et Doussain qui sont de très bons joueurs. Mais je ne panse pas que ce soit une question de joueurs. Pierre Villepreux appelait ça "le référentiel commun", on ne va pas aller jusque là, mais il manque une idée directrice. On sent que les joueurs sont perdus car ils n'ont pas de repères tout simplement et comme il n'y a pas de leader charismatique au niveau du jeu, je ne parle pas des personnalités capables de vendre des calendriers ou des mousses à raser, mais des joueurs capables sur le terrain de montrer le chemin, la voie. Thierry Dusautoir le faisait par le combat, c'était un leader de combat mais on n'a pas de leader de jeu. Que ce soit Parra, Machenaud ou Doussain, ce sont des demis de mêlée puncheur mais pas forcément des grands stratèges et en 10, le jeune Plisson a 20 ans, et malgré toutes ses qualités, ne peut pas être non plus un stratège. Est-ce que François Trinh-Duc en est un ? Je ne suis pas sûr car je ne sais pas quel rugby on veut jouer, je ne sais pas quel profil de joueur il faut mettre à cette équipe. 

Il n'y a pas de leader charismatique au niveau du jeu, je ne parle pas des personnalités capables de vendre des calendriers ou des mousses à raser.

Quand Philippe Saint-André annonce jeudi matin qu'il va faire le tour des staffs du Top 14 après le Tournoi, on se dit qu'il fallait peut-être le faire avant ? 

V.E.: Philippe Saint-André a son expérience, il a été champion d'Angleterre, il a entraîné Toulon. Moi, je ne suis pas capable de vous dire ce qu'il fait bien ou mal, je ne sais comment il travaille. Ce que je sais c'est que Patrice Lagisquet a eu beaucoup de succès en tant qu'entraîneur, en tant que joueur bien sûr, c'est quelqu'un de bien, que j'apprécie, qui a fait bien jouer Biarritz. Yannick Bru est un bon entraîneur avec qui j'ai échangé, qui est intelligent, avec plein d'idées aussi. Peut-être qu'ils n'arrivent pas pour l'instant à tous les trois à faire sortir ce qu'ils veulent faire sortir ensemble. Saint-André, c'est le patron, bien sûr qu'il peut prendre l'avis des clubs mais c'est à lui de décider de sa politique sportive, ses choix et d'avancer. Après, la façon dont il communique ne me regarde pas, il fait comme il veut, mais au bout d'un moment il faut qu'il arrive à dire "ce rugby là me suffit, on va faire un rugby minimaliste, on va gagner des matches". Il est critiqué en ce moment, mais il a raison. Trois victoires sur quatre, si lui pense que c'est suffisant, il a raison. Je vais parler d'idée directrice, pour moi il n'y en a pas et ça ne date pas de la semaine dernière, cela fait deux ans qu'ils sont en place et on n'a pour l'instant pas d'identité pour cette équipe de France.

Sans parler de remise en question de PSA, on dit qu'un sélectionneur est jugé après un cycle de quatre ans à l'issue de la Coupe du monde, vous trouvez ça normal ? 

V.E.: Non. Je suis un peu vieux jeu. Je pense qu'une équipe doit avoir une identité, une marque de fabrique. Moi, j'aime le rugby anglo-saxon car ils sont fidèles à leurs principes. On les a beaucoup critiqués il y a quelques années en disant que c'était un rugby très stéréotypé mais quand je vois évoluer les Irlandais, avec des systèmes de jeu très intéressants, d'ailleurs on s'en inspire ici (à l'UBB), les Gallois qui jouent bien au rugby, les Écossais qui malgré leurs peu de moyens, peu de licenciés auraient dû nous battre le week-end dernier, il y a les moyens de faire beaucoup mieux si on a envie d'avancer dans une direction précise. Les Anglo-saxons nous montrent souvent la voie à ce niveau-là. 

Quand on est à un poste comme ça, qui est exposé mais c'est un super poste que tout entraîneur rêverait d'avoir, il faut aller au bout de ses idées mais il faut avoir des idées.

Certains continuent de pointer l'organisation du Top 14 comme principale raison de l'échec des Bleus dans le jeu...

V.E.: Ce sont des conneries. Le Top 14 est une compétition dure, où il faut avoir du vice, de l'expérience. On dit que le Top 14 ne joue pas mais on s'aperçoit que Clermont joue, le Stade français joue bien, Toulon est capable de bien jouer, Toulouse revient en forme et les équipes en haut du Top 14 sont les équipes qui jouent avec de bons joueurs. Bien sûr, il y a des étrangers mais il y a aussi des Français dedans. Montpellier joue un rugby avec Paillaugue, Pelissié et Trinh-Duc à la charnière. C'est un faux procès, le Top 14 permet aux joueurs de se révéler dans un environnement difficile. C'est facile de critiquer mais je m'en fous, je n'ai pas peur de me jeter à l'eau. Graham Henry, on sait le rugby qu'il propose, on sait ce qu'il a fait avec les Blacks puis avec les Gallois alors que Bernard Laporte, hormis les systèmes mis en place avec Jacques Brunel à une époque qui étaient très précis, il a eu des résultats mais après cela a été le flou artistique. Marc Lièvremont, j'en ai parlé avec lui dernièrement, il a essayé de mettre les choses en place avec beaucoup de jeu, de volume, il a fait machine arrière car il y avait des pressions extérieures, des joueurs qui n'étaient pas d'accord avec ce système là. Pour Philippe Saint-André, on n'est pas déçu car il n'a prévenu de rien à part qu'il voulait gagner la Coupe du monde. Le Top 14 est une fausse excuse. Quand on est à un poste comme ça, qui est exposé mais c'est un super poste que tout entraîneur rêverait d'avoir, il faut aller au bout de ses idées mais il faut avoir des idées.

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