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Top 14 - Projet de fusion avorté entre le Racing et le Stade français : retour sur la semaine qui fit trembler le rugby tricolore

Par Vincent Franco
  • Thomas Savare (à gauche) et Jacky Lorenzetti (à droite) ont souhaité fusionner.
    Thomas Savare (à gauche) et Jacky Lorenzetti (à droite) ont souhaité fusionner. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il y a un peu plus de six ans, le rugby français est passé à deux doigts de l’explosion. Un projet de fusion entre le Stade français et le Racing 92 a vu le jour, mené par les deux présidents de l’époque : Jacky Lorenzetti et Thomas Savare. Retour sur ces quelques jours qui ont marqué une époque.

Nous sommes le 13 mars 2017. Le Racing 92 et le Stade français sont les deux derniers champions de France. Alors que les joueurs des deux équipes s’apprêtent à débuter une nouvelle semaine, a priori anodine, une nouvelle va faire l’effet d’une bombe au sein du rugby français. Lors d'une conférence de presse, Thomas Savare et Jacky Lorenzetti, les deux présidents, annoncent que les deux clubs franciliens fusionnent.

À l’époque, de nombreux observateurs mettent plusieurs minutes à prendre au sérieux cette annonce. Et pourtant. "On a été convoqués très tôt le lundi, se rappelle Pascal Papé. On ne savait pas vraiment pourquoi, on pensait que c’était pour nous mettre un petit coup de pression puisqu’on faisait une très mauvaise saison. Et en fait, il a simplement été dit qu’on allait fusionner avec le Racing. Au bout de quelques secondes, je me suis levé et j’ai quitté la salle. J’en avais assez entendu. Ensuite, des joueurs comme Alexandre Flanquart ou Antoine Burban m’ont suivi. »

La première grève de l’histoire du rugby professionnel français

Ç’en est trop pour les Soldats rose. Dès le mardi soir, Pascal Papé annonce une « grève illimité » de l’effectif du Stade français. C’est tout simplement une première dans l’histoire du rugby professionnel tricolore. Les joueurs de Gonzalo Quesada ne veulent tout simplement pas jouer sur le terrain du Castres olympique le week-end suivant. « Tout le monde était sur la même longueur d’onde pour ne pas jouer, explique le deuxième ligne international. Quand on a fait le vote à main levé, seulement deux joueurs n’étaient pas contre la fusion. Ils se reconnaîtront et ont vécu une belle histoire avec le club, qui plus est.»

Les actes vont bien plus loin que le Stade Jean-Bouin. Convoqués avec le XV de France, Jonathan Danty et Djibril Camara décident de quitter la sélection pour rejoindre leurs coéquipiers en club le temps d’une soirée. Des départs qui font grincer des dents Guy Novés, le sélectionneur français à l’époque.

Peu importe pour les Parisiens, la survie d'un bastion historique du ballon ovale tricolore est bien plus importante aux yeux de ceux qui portent son maillot. « J’espère qu’on ne sera pas sanctionnés mais on assumera, avoue Danty. Certains mecs vont se retrouver dans la merde, c’est pour ça que nous sommes allés les soutenir. » De son côté, Djibril Camara ne décolère pas : « Cette annonce, c’est comme si on m’avait annoncé que ma mère était décédée. Je suis triste car mon fils ne connaîtra jamais le Stade français où je suis depuis que j’ai 13 ans. »

Pascal Papé a été le porte-parole des joueurs parisiens durant leur grève.
Pascal Papé a été le porte-parole des joueurs parisiens durant leur grève. Anthony Dibon / Icon Sport

« 45 + 45 = 45 »

De la conférence de presse en compagnie de Thomas Savare et Jacky Lorenzetti, on retiendra l’annonce de la fusion, mais également une phrase prononcée par l’homme fort des Ciel et Blanc. Interrogé sur la reconstruction de l’effectif du tout nouveau club, il s’est empressé de répondre : « 45 + 45 = 45 ».

Autrement dit, 45 joueurs allaient se retrouver sans contrat du jour au lendemain. Des propos difficiles à accepter des deux côtés, mais surtout chez les joueurs de la capitale. « À l’époque, le Stade français était en vente, déclare Pascal Papé. Je respecte le travail de Savare mais j’ai eu l’impression que c’était un moyen de se débarrasser du club. Et puis les dirigeants racingmen étaient à fond dans le business. Une salle de concert était en train de se construire (la Paris La Défense Arena N.D.L.R) et c’était une aubaine pour eux de pouvoir profiter de Jean-Bouin, qui est en plein centre-ville. »

Le projet de fusion abandonné le 19 mars

Six jours après la conférence de presse, les joueurs parisiens remportent le bras de fer. Dans un communiqué, Jacky Lorenzetti met fin à un des épisodes les plus marquants de l’histoire du rugby français : « Je renonce au rapprochement avec le Stade français Paris, en accord avec Thomas Savare. La fusion n’aura donc pas lieu. » Un moment gravé dans l’esprit de Pascal Papé : « On a appris la fin du projet dans la presse… Personne n’a eu le courage de venir nous le dire en face, mais bon, on n’allait pas se plaindre, on avait réussi à sauver notre club. C’est ça le plus important. »

« Cette affaire nous a resserrés »

Sur le plan sportif, alors que le Racing 92 venait de remporter le Top 14 quelques mois auparavant, les Soldats rose étaient loin d’être à la fête. Loin d’être une simple coïncidence, les semaines qui ont suivi cette fusion avortée ont été synonyme de succès pour les joueurs de la capitale. Ces quelques jours en plein cauchemar ont eu le don de « réveiller » l’effectif rose et bleu comme l’assène Pascal Papé : « On s’est resserrés, tout simplement. On s’est quand même aperçus qu’on était passés à deux doigts d’être les derniers joueurs à porter la tunique du Stade français. Forcément, ça te pousse à te dépasser. Notre fin de saison a été bien meilleure et on a retrouvé du plaisir sur le terrain. On a finalement fini septièmes au classement, et qualifiés pour la Champions Cup. » Au final, cet épisode restera comme « une belle aventure humaine pour les joueurs parisiens ».

Ce samedi, plus de six ans après ce projet de fusion aussi inimaginable que rapidement abandonné, le Racing 92 et le Stade français ont rendez-vous sur la pelouse de Jean-Bouin pour arracher un place en demi-finale du Top 14. Et comme l’a dit Pascal Papé, avec un petit sourire en coin, « si la fusion était allée au bout, on n’aurait pas eu de match ce week-end… »

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