Baky écrit : pour les filles d'Abobo, des poules pondeuses pour pouvoir jouer au rugby

Par Rugbyrama
  • Bakary Meité rend hommage à un club ivoirien dans sa chronique.
    Bakary Meité rend hommage à un club ivoirien dans sa chronique.
Publié le Mis à jour
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Dans sa chronique de la semaine, Bakary Meité rend hommage à un petit club d'Abidjan, au ORCAS Abobo. Pour aller un peu plus loin, l'ancien troisième ligne de Carcassonne évoque les joueuses ivoiriennes.

Quand Safiatou Koné arrive sur le terrain, elle prévient les bambins éparpillés devant elle : aujourd’hui ne sera pas une partie de plaisir. Une menace qui n’en est clairement pas une, à en juger par la réaction des U8 du club ORCAS Abobo. Ils sont hilares.
Abobo, donc, l’une des communes les plus pauvres d’Abidjan, dans laquelle je suis venu fêter l’obtention de mon Bac en 2001, pendant les grandes vacances. Mon oncle y vivait.

Safiatou, elle, préparera son bac l’année prochaine. Pour l’heure, elle achève son année de première. Du haut de ses 19 ans, elle jongle habilement entre les cours et les entraînements qui se déroulent sur le terrain vague qui se trouve en face de l’école primaire privée Ange Noir.
La surface est sableuse et relativement épargnée par les détritus qui s’amassent partout sur la commune. La faute a des industriels qui font du packaging à usage unique la panacée. On est bien loin du green washing qu’ils tentent de nous faire avaler en Europe.

Safiatou a deux jeunes sœurs qui sont aussi licenciées au club. Mamba (15 ans) et Fatoumata-Zara (11 ans). Une sororie qui relate parfaitement ce qui se passe au club d’ORCAS.
Il est probablement le seul club de rugby en Côte d’Ivoire où les filles sont majoritairement représentées. Dans une discipline qui, quoi qu’on en dise, reste mineure en termes de nombre de licenciés, c’est une prouesse dont on n’est pas peu fier à Abobo.

Quand Safiatou et plusieurs de ses copines se sont envolées pour la première fois vers le Ghana, pour étrenner leurs galons de rugbywomen internationales, ses parents, respectivement vendeur de pneus et commerçante, ont compris que quelque chose se tramait sur ce terrain vague. Quelque chose de bien. De bon et de rassurant.

Très assidues aux 3 entraînements hebdomadaires, les filles d’ORCAS symbolisent l’engouement des jeunes filles pour le rugby en Côte d’Ivoire. Notamment le rugby à 7.
Ici, elles pourraient aisément s’adonner à l’oisiveté quand elles ne sont pas réquisitionnées à la maison pour les tâches ménagères. Mais non, elles ont choisi de venir ici. Jouer, courir, sauter et se dépenser avec une abnégation qui force le respect. Preuve en est qu’elle s’occupe des catégories inférieures sans aucune espèce de qualification. Comme pour rendre immédiatement ce qu’on lui a donné. Et ce qu’on continue de lui donner.

La scolarité a sa place dans ce programme d’insertion sociale qui ne dit pas son nom. Chaque enfant licencié au club se voit remettre un kit scolaire pour la rentrée.
Évidemment, tout ceci a un coût pour le club et son président Hermann Yao. Pendant très longtemps, le club courrait uniquement après les dons. Culturellement dans le pays, le don est quelque chose de quasi institutionnalisé. Celui qui a, doit redistribuer dans son entourage.

Et si ORCAS compte toujours là-dessus en tant qu’association à but non lucratif, il a malgré tout pris son problème de financement par un autre bout, en présentant un projet intitulé ORCAS élevage. L’objectif : lancer un élevage de poules pondeuses, pour pouvoir faire le commerce des œufs. Ce projet, pour prendre de l’inertie, doit être financé au départ. C’est pourquoi ORCAS le présente aux entreprises qui ont des surfaces financières incommensurables, au regard de ce dont le club a besoin. Et ainsi, voir si dans le cadre de leurs engagements RSE, ils pourraient répondre favorablement à cette sollicitation.
Ce qui pourrait permettre à terme à Safiatou et à tout le club de pouvoir payer des créneaux horaires sur le complexe sportif et son terrain de sport homologué, qui se trouvent à un saut de puce du terrain vague. Entre autres besoins que je n’ai guère besoin d’énumérer ici, tant vous aurez compris le désoeuvrement dans lequel se trouvent tous les acteurs de ce club.

En attendant les filles d’Abobo continuent leur chemin, que ce soit dans le sable ou dans la vie. Elles avancent avec une détermination sans faille.

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