Champions Cup - Gérald Merceron : "Cela serait bien que les Rochelais ramènent le Bouclier"

Par Paul Arnould
  • Alldritt, Botia, Sazy, O'Gara, Dillane et Favre lors des célébrations au Vieux-Port du 2e titre consécutif en Champions Cup.
    Alldritt, Botia, Sazy, O'Gara, Dillane et Favre lors des célébrations au Vieux-Port du 2e titre consécutif en Champions Cup. Midi Olympique
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Gérald Merceron, 32 sélections en équipe de France et joueur du Stade rochelais entre 2005 et 2008, revient sur la finale légendaire de La Rochelle face au Leinster. L'ancien demi d'ouverture évoque la trajectoire du club, et s'avoue impressionné par ces Maritimes insubmersibles. Pour lui, les doubles champions d'Europe sont favoris pour aller chercher le Brennus. 

Comment avez-vous vécu cette finale ?

En tant qu’ancien, j’ai essayé de me mettre dans la tête des joueurs en me demandant : "A quoi pensent-ils après avoir vécu ce moment ?". Ce sont des moments que je n’ai pas vécus, du moins pas avec cette intensité, et je repense intérieurement à des choses qui me font du bien. Je suis très fier d’eux. C’était un match dantesque.

Les Rochelais réalisent-ils l’exploit qu’ils viennent de réaliser ?

Ces moments seront gravés en eux à tout jamais. C’est déjà fort de remporter un titre de champion d’Europe, alors un doublé, vous imaginez...? Et de cette façon : gagner en Irlande, face à la sélection irlandaise pratiquement, après un début de match si difficile. Pendant la rencontre, je me suis dit : "Comment vont-ils faire ?". J’avais mal pour eux, nous étions tous en souffrance. Et en même temps, en regardant le visage des joueurs à ce moment-là, on ne les sentait pas perturbés. C’est la force des grandes équipes. Ils me font penser au Toulouse des années 2000, qui ne craignait rien, qui gagnait des titres, et arrivait à renverser des situations même dans la souffrance. Aujourd’hui c’est La Rochelle.

Même à 17-0, vous avez continué à y croire ?

De souvenir de joueur, quand les matchs débutent comme ça, on sait qu’il va se passer quelque chose. Ce n’est pas possible d’encaisser des points aussi rapidement sans se rebeller. Est-ce que le Leinster a pensé que le match était déjà gagné ? Au vu de leur expérience, j’ai du mal à y croire, mais il y a forcément eu du relâchement. La force de La Rochelle, c'est qu'elle ne doute pas. Les joueurs sont revenus petit à petit, et ils se sont mis à jouer après 25 minutes comme le Leinster l’a fait pendant le premier quart d’heure, c’est-à-dire en faisant des choses très simples : de l’affrontement direct, un engagement terrible, une lucidité dans les moments clés. En face, le Leinster n'a pas eu réussi à conserver son jeu aéré. Ils ont fait des erreurs, des fautes inhabituelles, et comme Grég Alldritt l'a dit, à moins neuf à la mi-temps, quelque chose était vraiment possible. 

Pensiez-vous, en arrêtant votre carrière en 2008, que le Stade rochelais atteindrait ce niveau, 15 ans plus tard ?

Jamais. J’avais eu un échange avec Vincent Merling qui m’avait dit la même chose. J’ai arrêté en 2008, et à aucun moment je n'avais imaginé que ce club serait à ce niveau aujourd'hui. À l’époque, la politique du club se voulait d'inscrire La Rochelle dans la durée en haut de la Pro D2, pour ensuite franchir le pas en Top 14. On peut dire que le virage a bien été pris (rires).

Qu'est-ce-qui a changé ?

Ils ont franchi un cap dans la dimension physique. Je suis en admiration de tous ces joueurs et de leurs capacités à faire ce qu’ils font sur le terrain. Ça ne remet pas en cause ce qu’on a pu faire, nous les anciens, mais le rugby a quand même sacrément évolué. J’adore. J’aurais aimé pouvoir vivre des moments comme ça. C’est très pointu techniquement, et je n’ai pas honte de le dire, ils sont tous meilleurs que nous. Il y a peu de déchet, les techniques de passes, de plaquages... C’est hallucinant.

Gérald Merceron avec La Rochelle face à Béziers lors de la 3e journée de Pro D2 en 2007.
Gérald Merceron avec La Rochelle face à Béziers lors de la 3e journée de Pro D2 en 2007. Romain Perrocheau / Icon Sport

Vous avez joué contre Ronan O'Gara durant votre carrière. Que pensez-vous de son évolution comme manager ?

J'ai joué quelques fois contre Ronan et je me rappelle bien des rencontres face à lui dans le Tournoi. À l’époque, je ne parlais pas du tout anglais et nous avions juste échangé nos maillots. Le sien est à la maison. Aujourd'hui, il parle très bien français et j'ai eu l'occasion d'échanger deux mots avec lui après la demi-finale. Je lui ai proposé d'aller boire un café à l'occasion pour discuter rugby, de La Rochelle, revenir sur nos carrières, même si je ne me compare pas du tout à lui, il a un autre palmarès que moi (rires). Ronan a marqué l'histoire, et il a mis définitivement son empreinte sur le club. Il a su aussi s'entourer de personnes compétentes autour de lui. 

Est-ce le plus grand exploit d'un club français ? 

Ils battent pratiquement la sélection irlandaise chez elle, c'est incroyable. Je ne sais pas si on revivra des émotions comme celles-ci. J'ai du mal à réaliser et je me doute que les joueurs, dans leurs têtes, les émotions doivent s'affronter. C'est peut-être le plus grand exploit, oui. 

Parlez-nous des supporters rochelais... 

Ils sont exceptionnels. Je me fais discret, mais samedi je suis allé sur le port et c'était incroyable. On connaît la ferveur de nos supporters, et ça fait des années que ça dure ! Je suis originaire de Cognac, et quand nous faisions des tournois plus jeunes, La Rochelle était déjà l'équipe à battre. Le club s'est construit et a mis du temps à franchir le cap. Mais c'est un club qui peut se féliciter d'en être arrivé là sans aucun souci financier par exemple. Vincent (Merling) a géré le club comme il a géré son entreprise (Cafés Merling), avec efficacité et intelligence. Alors peut-être qu'il y a aura des moments plus difficiles, mais en attendant on ne parle plus de La Rochelle comme du Petit Poucet qui pointe le bout de son nez comme c'était le cas il y a quelque temps. 

Peuvent-ils, vont-ils faire le doublé (Champions Cup - Top 14) ? 

Si on se fie uniquement au dernier résultat, La Rochelle vient de battre le Leinster à l'Aviva Stadium dans un scénario fou, alors que Toulouse a pris 40 points face à cette même équipe en demi-finale. Attention, ça peut être trompeur, les Toulousains restent les Toulousains. Je parle naturellement de Toulouse car je ne vois pas une autre équipe être vraiment en mesure d'empêcher cette finale. Au-delà de ça, cela serait bien que les Rochelais ramènent le Bouclier. Samedi, ils ont envoyé un signal fort, et ils se sont positionnés comme les favoris. Les solutions pour contrer cette équipe sont maigres. Ils vont aborder les phases finales de Top 14 dans des conditions très favorables. 

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