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Témoignage. Philippe Chauvin, un père en lutte au nom de son fils disparu

  • Dans son ouvrage «Mourir fait partie du jeu» (éditions du Rocher), Philippe Chauvin raconte son combat depuis plus de quatre ans pour se faire entendre auprès des institutions
    Dans son ouvrage «Mourir fait partie du jeu» (éditions du Rocher), Philippe Chauvin raconte son combat depuis plus de quatre ans pour se faire entendre auprès des institutions Icon Sport - Icon Sport
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En décembre 2018, Philippe Chauvin a perdu son fils Nicolas, 18 ans. Le jeune garçon, victime d’un double plaquage extrêmement violent, ayant occasionné un arrachement de la deuxième vertèbre cervicale, portait alors les couleurs du Stade français. Depuis, son père, déçu par les institutions qu’il juge passives, se bat pour la protection des joueurs et pour faire évoluer les règles du rugby.

Philippe Chauvin est un amoureux du rugby. Il le dit, l’écrit et donne même rendez-vous dans un troquet du XVe arrondissement de Paris, repère de ses soirées d’après-match ou d’entraînement lorsqu’il portait fièrement les couleurs de l’équipe corpo du Groupe PSA à la fin des années 90. Tout un symbole. Dans son livre « Mourir fait partie du jeu », paru aux éditions du Rocher, sa déception de « ce petit monde du rugby » est pourtant immense. Après le décès de son fils Nicolas, lors d’une rencontre du championnat espoirs entre le Stade français et l’Union Bordeaux-Bègles, il a entendu « les belles paroles » des uns, les « promesses » des autres. Mais très vite, il l’affirme : « Je me suis retrouvé seul. » Deux jours après l’accident, alors que son fils est toujours sur son lit d’hôpital, il est encouragé par Pascal Papé pour mener une action en justice.

« Cette position très engagée et volontaire du directeur du centre de formation contraste avec celle beaucoup plus en retrait du président de l’Association (Roget Boutonnet, N.D.L.R.) qui évite prudemment de participer à l’échange », écrit-il dans son récit. Quelques mois plus tard, la sentence tombe. "Il en résulte une décision décevante mais tellement prévisible vu la longue période de tergiversations qui l’a précédée : l’Association Stade français-Paris Rugby comprend et soutient ma démarche mais ne souhaite pas se porter partie civile. » Une décision qu’il met en relief dans son livre avec « l’attitude exemplaire qu’a eue le club de Vannes lors de l’accident de Pierre Tarance ». Qu’importe, il dépose une plainte contre X pour homicide involontaire à l’automne 2019. "Or, dans le rugby, on ne porte pas plainte", ironise-t-il.

Pour des sanctions plus sévères

Dans son ouvrage, très documenté, Philippe Chauvin retrace donc la façon avec laquelle il s’est senti baladé par les différentes instances du rugby mais aussi par le ministère des Sports. Et ce, dès le début. À propos du vice-président de la FFR, Serge Simon, rencontré au soir de l’hommage organisé par le Stade français quelques jours après le drame, il écrit : « L’échange est courtois mais quelque peu déplacé : mon interlocuteur se lance dans un éloge des bonnes statistiques du rugby en matière de sécurité […] Est-il déjà en train de tester ma réaction pour évaluer comment les choses pourraient évoluer ? […] Son discours revient à dire à une « occurrence statistique » - le père d’un joueur décédé - qu’il n’est pas représentatif d’un quelconque danger. » Il relate également les différents échanges avec Bernard Laporte. Mais il ne voit rien venir. Il sent qu’il agace au plus haut point. On lui rapporte alors cette phrase d’un membre du comité directeur de la FFR : « Qu’est-ce qu’il veut Chauvin ? On va lui faire un gros chèque ! »

Son espoir se tourne vers le ministère des Sports. Là encore, la déception est grande. « La ministre reste silencieuse, écrit-il au sujet de Roxana Maracineanu. Son attitude n’aide pas à lancer la discussion […] Je ne ressens aucune humanité, ni même d’empathie. » Les mots sont cinglants, sa détermination à faire entendre sa voix renforcée. « Mes objectifs sont très simples, dit-il. Le premier, c’est la règle 9 alinéa 11 de World Rugby. La première phrase de cette règle, c’est : « Les joueurs ne doivent rien faire qui soit imprudent ou dangereux pour autrui. » Il faut communiquer dessus très largement et que chacun comprenne qu’il y a des limites à ne pas dépasser. C’est une pression forte que je mets sur le ministère. Mais on peut s’étonner, quand vous voyez le pouvoir d’un gouvernement, que depuis quatre ans, il ne soit pas fichu de demander à la FFR, dans le cadre de la délégation de service public, de faire écrire cette petite phrase sur les licences, pour une question de sécurité des pratiquants. »

Philippe Chauvin milite aussi pour des sanctions plus sévères pour des gestes illicites au regard du règlement. Il donne en exemple plusieurs cas récents de joueurs ayant été suspendus « très légèrement » au regard de la dangerosité de leur acte. En vrac : Atonio contre l’Irlande dans le dernier Tournoi, Du Toit sur Danty à l’automne dernier ou encore Haouas contre l’écosse en février. Mais il a aussi un deuxième objectif en tête : « C’est que les circonstances du décès de mon fils soient établies. Aujourd’hui, c’est comme si l’un de vos proches mourait dans un accident de la route et qu’on vous disait : « On est d’accord mais non, on ne fera pas de constat. » Cela n’a pas de sens. J’ai une vidéo mais personne n’a envie de voir les choses qui sont dessus. C’est trop facile. »

Il sait, évidemment, que le chemin sera long et semé d’embûches. Il sait aussi qu’il ne pourra compter que sur lui-même et éventuellement l’aide de la justice. Il y croit. Et de conclure : « De toute façon, je n’ai rien à perdre, j’ai déjà perdu mon fils. 

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Les commentaires (1)
SergeA22 Il y a 1 année Le 10/04/2023 à 10:27

je suis a fond avec l'état d'esprit de ce papa qui vit l'irremplaçable.
J'ai appris le rugby à Toulon mais la sécurité du joueur est le sujet numéro 1 de notre sport.
Aujourd'hui je fait du rugby santé à SAINT BRIEUC terre bretonne ou le rugby n'est pas forcement "religion".
L'ancien président de la FFR peut il se regarder dans une glace....
Merci de votre obstination monsieur. Nous sommes avec vous ,un enfant du rugby ne peut pas mourir sur le prés.
SERGE ADAM