6 Nations 2023 - La France doit-elle tenir le ballon face à l’Irlande ?

Par Paul Arnould
Publié le Mis à jour
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6 NATIONS 2023 - Les Bleus se déplacent samedi sur la pelouse du XV du Trèfle, invaincu à domicile depuis 12 matchs et qui fait figure de grand favori dans ce Tournoi des 6 Nations. Le staff du XV de France a maintes fois répété avant le début de la compétition la volonté d’être davantage décisionnaire du jeu. Face aux qualités irlandaises, est-ce vraiment la solution pour s’imposer à Dublin ?

Le XV de France est un à un tournant dans ce Tournoi des 6 Nations 2023 mais aussi dans son année qui l’amènera jusqu’à la Coupe du monde en septembre prochain. Cet affrontement face à l’Irlande, première nation mondiale, qui plus est à Dublin dans l’antre de l’Aviva Stadium, en dira beaucoup sur la forme actuelle des Tricolores.

L’équipe de France possède des "individualités qui ont permis la victoire face à l’Italie", expliquait dans nos colonnes du Midi Olympique l’ancien numéro huit Imanol Harinordoquy. Cependant, comme le narrait le finaliste de la Coupe du monde 2011, il fut difficile d’observer un réel plan de jeu face aux Azurri : "Je n’ai pas réussi à identifier un schéma de jeu avec des cellules, avec différentes options. Ça, je l’ai vu davantage chez les Italiens."

Cela étant dit, quelques chiffres pour comprendre ce qu’il s’est passé à Rome. Face aux Italiens, les Bleus n’ont tenu le ballon que 44 % du temps. Rien d’incroyable dans ce chiffre, en novembre face aux Sud-Africains, les Bleus l’avaient eu 47 % du temps. Malgré la volonté du staff de faire évoluer le plan de jeu entre la tournée et le Tournoi, les Français se sont retrouvés dans un entre-deux que décrivait l’Irlandais et manager de La Rochelle dans le Midi Olympique : "Ces derniers temps, j’ai trouvé que l’équipe de France n’avait plus la même volonté de jouer. Les joueurs ont eu tendance à être focalisés sur le "taper et chasser". Vous sentez que leur instinct était d’attaquer mais qu’ils se disaient "Ah, on a dit quoi déjà, pendant la semaine ?". Ils n’ont pas joué avec leurs forces naturelles."

La question s’impose : les Bleus doivent-ils absolument tenir le ballon face aux Irlandais habitués, et c’est dans leur culture, à dicter le tempo d’une rencontre, à multiplier les temps de jeu de façon presque automatisé ? Car si les Bleus restent sur trois victoires de suite face à la bande d’Andy Farrell, c’est davantage grâce à leur défense et leur spontanéité sur les ballons de récupération, qu’à leur capacité à conserver.

"La France doit rester sur ce qu’elle sait faire"

Pour le manager de Bayonne Grégory Patat, actuellement 6ème du Top 14, la France "doit rester sur ce qu’elle sait faire". En souvenir, le technicien revient sur le match face à la Nouvelle-Zélande en 2021, brillamment remporté par les Bleus (40-25). "La France avait su se réadapter avec un jeu plus direct, au bord des rucks, qui avait mis à mal cette défense néo-zélandaise", se souvient-il. "L’équipe de France a tout en sa possession pour mettre à mal cette équipe d’Irlande. Son jeu de dépossession ou plus frontal fait pour avancer, va permettre de récupérer une faute. Le but de la France sera de rentrer dans cette zone de marque, notamment en rendant l’Irlande indisciplinée au milieu du terrain, car ensuite l’équipe de France a un super pouvoir avec sa densité physique offensive, ses porteurs de balle et ses joueurs capables de faire des différences."

"Le jeu irlandais est unique"

En outre, les Bleus ne doivent pas tomber dans le piège de la possession. Car tenir le ballon face au van der Flier et consorts peut s’avérer être à double tranchant. L'exemple parfait est l'interception de James Lowe face au pays de Galles, après une longue séquence offensive des Gallois trop stérile. Dans ce secteur, le XV du Trèfle s’est amélioré selon O’Gara, meilleur réalisateur du Tournoi des 6 Nations. "Son attaque a beaucoup progressé. Elle a plus de menaces offensives, de capacité à varier, à surprendre l’adversaire". "Le jeu irlandais est unique, surenchérit Grégory Patat, mais la France peut rivaliser défensivement."

Être intelligent dans les zones de rucks

Le gros point noir de la rencontre face à l’Italie fut l’indiscipline. Concéder 18 pénalités dans une rencontre internationale (record sous l’ère Galthié) rend la victoire presque impossible. Les Bleus ont réussi l’exploit de l’emporter malgré cette déficience importante. "Collectivement, nous avons l’ambition d’évoluer, justifiait Fabien Galthié après le match. Le jeu demande aussi la faute."

Fabien Galthié et Romain Taofifenua lors d'Italie - France.
Fabien Galthié et Romain Taofifenua lors d'Italie - France. Sandra Ruhaut/Icon Sport - Icon Sport

Grégory Patat alors entraîneur de La Rochelle, avait trouvé la solution en demi-finale de Champions Cup en 2021 face au Leinster, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au XV de départ de l’Irlande. "On avait eu cette capacité à subir les assauts du Leinster sans encaisser de point, en étant très discipliné. On avait alors profité de leur indiscipline avant de prendre l’ascendant physique en deuxième période avec nos avants."

Et rapidement déplacer le ballon dans les couloirs

Le manager de Bayonne met en lumière une des clés du match, la bataille des rucks. "Leurs premiers temps de jeu sont très étudiés, au mètre près chaque joueur sait où il va aller. Peut-être que la France décidera de ne pas aller sur ces premiers rucks, mais il faudra saisir les opportunités. Il y a des joueurs capables de contester les ballons." L'homme fort de l’Aviron prend exemple du Stade rochelais en finale de la Champions Cup il y a un peu moins d’un an, cette fois-ci sans lui dans le staff.

"J’avais trouvé que les Rochelais avaient réussi à déplacer le ballon rapidement dans les couloirs, en évitant certains rucks et à jouer des duels sur les espaces extérieurs. Ils avaient réussi cela car ils avaient gagné le premier temps de jeu au milieu du terrain." Même sans Jonathan Danty en numéro 12 qui a cette faculté à être un point d’ancrage déterminant, les Français ont des solutions avec Atonio, Willemse, Jelonch, Alldritt, voire Fickou.

Conclusion, les Français doivent rester ce qu’ils maîtrisent et ne pas se dénaturer au risque de se faire prendre à leur propre jeu. À Grégory Patat de clore le sujet, visiblement pas inquiet : "Il faut être optimiste avec cette équipe de France qui reste sur 14 victoires d’affilée. Elle anticipe pas mal de choses et elle a peut-être plus pensé à ce match à Dublin qu’à la rencontre en Italie. On est proche de la Coupe du monde ça va être un vrai test et tout le monde va vouloir marquer son territoire."

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