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200 ans d'histoire (3/52) - 1843 : Guy’s Hospital, le premier club de l'histoire du rugby

  • Des anciens élèves du collège de Rugby ont décidé de créer un club. Une idée révolutionnaire et géniale.
    Des anciens élèves du collège de Rugby ont décidé de créer un club. Une idée révolutionnaire et géniale. Midi-Olympique - Fabien Agrain-Védille
Publié le Mis à jour
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Au milieu du dix-neuvième siècle, des médecins d’un hôpital londonien se sont réunis pour continuer à pratiquer le jeu qu’ils avaient appris au collège. C’est devenu un club : une idée géniale qui a conquis le monde.

Un club, une bande de copains ou de connaissances qui se réunissent pour jouer au rugby. La chose est si évidente aujourd’hui qu’on n’en oublie qu’un jour, au zénith de l’Angleterre victorienne, il fallut qu’une poignée de jeunes internes décident de se donner rendez-vous après le boulot pour inventer ce concept qui a fait le tour du monde : un club. Qu’est-ce qui les unissait ?

Leur métier de médecin d’abord, l’endroit où ils travaillaient ensuite, l’un des plus grands et prestigieux hôpitaux de Londres et, enfin, leur passé. Ils étaient tous des anciens du collège de Rugby, des émules directs du fameux Thomas Arnold. Pour la première fois, donc, on joua au « football rugby » en dehors du cadre d’une école ou d’une université. Le jeu perdait un peu de son identité strictement éducative pour devenir un loisir, un passe-temps, un foyer de nostalgie et un endroit de socialisation. Ces jeunes médecins ont donc fondé dans le quartier de Southwark, en plein centre de la capitale anglaise, le Guy’s Hospital Football Club. Mais pour jouer, ils se déplacèrent vers l’est, à Blackheath, une banlieue qui proposait des terrains.

Club majeur jusqu’à la fin des années 30

Guy’s Hospital RFC est considéré aujourd’hui comme le premier club de rugby du monde (1843) même si au début, les différences entre foot et rugby n’étaient pas encore établies et même si certains lui contestent ce titre. Il est assez drôle, avec nos yeux modernes, de comprendre que ce club ne s’est pas construit dans la solennité, au prix de cérémonials gravés dans le marbre. Si Guy’s Hospital est considéré comme le pionnier, c’est via des documents imprimés quarante ans plus tard : un programme de matchs annuels de la saison 1883-1884 qui faisait référence aux quarante ans d’existence du club. Des documents administratifs de la période 1863-1864 vont aussi dans le même sens. Les concurrents n’ont pas pu apporter de preuves plus convaincantes. Le Barnes RFC, par exemple, revendique une naissance en 1839 mais aucun document n’en atteste. En Irlande, le Dublin University Football Club a conservé des parchemins très précis mais ils arrêtent sa date de naissance à 1854. Idem pour le Blackheath RFC, dont la mise au monde est parfaitement « tracée » en 1858. Guy’s Hospital et Blackeath ont d’ailleurs partagé un terrain mais aussi des vestiaires dans un hôtel voisin.

Personne n’a donc surpassé ce club de carabins qui, apparemment, a passé ses vingt-cinq premières années dans une joyeuse improvisation. Mais en janvier 1871, le club a bel et bien fait partie des fondateurs de la RFU, la Fédération anglaise, vrai point de départ du rugby en tant que sport à part entière. Un nom nous est parvenu, celui de J. H. Ewart qui siégea dans le premier comité directeur fort de treize membres.

Guy’s Hospital a vécu une belle et longue vie. On peut considérer qu’il a fait honneur à son premier centenaire. Les médecins en crampons ont même été considérés comme un club majeur jusqu’à la fin des années 30, dans un rugby anglais assez difficile à comprendre. Il ne connaissait pas de championnat mais une série de matchs amicaux ou de petits challenges dictés par la tradition ou la coutume. De vagues compétitions parallèles et éparses. Guy’s Hospital a ainsi gagné trente-deux fois la United Hospitals Cup, une sorte de tournoi corporatif, mais d’un niveau certain, puisque le club fournissait des internationaux. Onze d’entre eux furent même Lions entre 1899 et 1910 (tout le monde se souvient d’Alan Ayre-Smith par exemple). En équipe nationale, on vit des joueurs du club des blouses blanches jusqu’en 1970, avec John Novak, trois fois sélectionné à l’aile du XV de la Rose. Avant lui, ils furent au nombre de trente-trois à porter le maillot de l’Angleterre, du pays de Galles, de l’écosse, de l’Irlande et de l’Afrique du Sud. Dans les années 20 et 30, Guy’s Hospital RFC était mené par une vraie vedette, William David Doherty, alias « George », deuxième ligne et capitaine de l’équipe d’Irlande. Les toubibs formaient, paraît-il, l’équipe la plus brillante du pays. Assez, en tout cas, pour que l’on retrouve des dessins de presse qui leur rendaient hommage.

Un modèle que la France n’a pas totalement copié

L’histoire de Guy’s Hospital est celle d’un club de rugby totalement amateur, peuplé de joueurs qui exerçaient un vrai métier que tout le monde pouvait constater. Son histoire nous dit quelque chose de cette notion de club à la sauce britannique, qui ont longtemps cultivé ce caractère de passionnés adultes un peu dilettantes qui payaient leur équipement. Un univers fermé sur lui-même où l’on payait pour ne pas être ennuyé sur le modèle du Club de gentlemen. Il n’y eut longtemps pas de championnat en Angleterre : on se rencontrait sur invitation, par tradition, entre clubs amis. Le modèle du club français, par exemple, se démarqua assez vite de cette référence britannique. Il devint rapidement quelque chose de plus populaire, de plus social, davantage tourné vers la compétition pure et dure et tenté plus tôt par le professionnalisme, fut-il marron. Les clubs français se sentirent très vite obligés de mettre en place des équipes de jeunes, ce qui n’existait pas en Angleterre, où le boulot était fait par les établissements d’enseignement secondaire et les universités. L’importance moindre donnée au rugby scolaire a aussi donné aux clubs français une mission formatrice qui s’est développée très vite avec des championnats régionaux et nationaux de jeunes sous la bannière des clubs « civils ». Le championnat Reichel, par exemple, fut longtemps une référence. La notion d’école de rugby (terme trompeur), lancée dans les années 50 en France, a fini de consacrer la formation venue des clubs.

Le pendant anglais était souvent celui d’une confrérie, parfois d’anciens élèves de la même école, souvent issus du même milieu social. En France, plutôt celui d’un village, d’une communauté géographique, plus démocratique. Les hasards de l’histoire ont aussi fait que le rugby français s’est développé avec un championnat peuplé exclusivement de clubs devenus l’institution pivot de notre sport. D’autres pays ont développé des compétitions basées sur les provinces, sélections intermédiaires entre le niveau de base et l’équipe nationale. C’est le cas de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et de l’Afrique du Sud, par exemple. Avec le professionnalisme, les provinces irlandaises ont aussi trouvé un nouveau souffle. Dans ces pays, les joueurs de haut niveau sont affiliés à un club amateur, avec lequel leurs liens sont symboliques.

 

Que sont-ils devenus ?

Evidemment, le club doyen a eu du mal à survivre à l’évolution du rugby. La création d’un championnat d'Élite, l’arrivée du professionnalisme n’était plus compatible avec la pratique du rugby par des médecins en exercice. Guy Hospital a peu à peu coulé dans la hiérarchie du rugby anglais. Aujourd’hui, Guy Hospital existe toujours, ou plutôt n’existe plus vraiment. En 1999, il a fusionné avec deux autres clubs de médecins nés au 19eme siècle : Saint-Thomas Hospital et Kings College Hospital. Le nouveau club nommé GKT FC joue à un niveau régional, dans le Kent. Il évolue à Honor Oak Park l’un des stades les plus centraux de Londres.

Le mythe du rugbyman médecin

Le souvenir de Guy Hospital nous ramène à l’archétype du rugbyman médecin. Il a longtemps incarné l’image du sportif amateur, à la tête bien pleine et bien faite, capable de libérer son énergie et d’ évacuer la tension de ses études et son métier à travers un sport viril et exigeant. La version rude des blagues grasses de carabins. Il y eut pas mal de médecins dans les équipes nationales anglo-saxonnes. Les plus connus furent l’arrière Gallois JPR Williams, le talonneur irlandais Ken Kennedy, le demi d’ouverture irlandais Jack Kyle. La France aussi a eu ses spécimens, le plus célèbre s’appelait Lucien Mias évidemment, deuxième ligne et capitaine du XV de France, plus près de nous dans les années 90 on a connu Serge Simon évidemment. A l’âge du professionnalisme, le plus bel exemple reste le centre gallois Jamie Roberts. 94 sélections entre 2008 et 2017 plus huit avec les Lions. Une vraie performance.

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