Fédérale 2 -"Des insultes racistes ? Ce n’est pas la première fois que j’en reçois au rugby" déplore Cheikh Sanha (Boucau)

Par Pablo Ordas
  • Cheikh Sanha joueur de Boucau a été victime d'insultes racistes lors du match Boucau Tarnos - Orthez (Fédérale 2). Cheikh Sanha joueur de Boucau a été victime d'insultes racistes lors du match Boucau Tarnos - Orthez (Fédérale 2).
    Cheikh Sanha joueur de Boucau a été victime d'insultes racistes lors du match Boucau Tarnos - Orthez (Fédérale 2). Valérie Manchot - Valérie Manchot
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FEDERALE 2 - Hier après-midi, pendant le match opposant le Boucau Tarnos à l’US Orthez, Cheikh Sanha (23 ans) a été la cible d’insultes racistes, prononcées par un joueur de l’équipe réserve adverse après une échauffourée. Si ce n’est pas la première fois que l’ailier du BTS est victime de ce genre de propos, il espère, néanmoins, que les mentalités évoluent et appelle les autres joueurs qui souffrent de racisme à témoigner.

Votre équipe du Boucau Tarnos stade recevait Orthez hier après-midi. Que s’est-il passé ?
C’était un match très tendu, dès le retour de la deuxième mi-temps. Orthez vise le maintien, nous les quatre premières places. Il y a une action où les Béarnais peuvent tuer le match suite à une percée de leur ailier. Il se fait rattraper par notre ailier opposé et se fait plaquer en touche assez violemment, mais dans les règles. À partir de ce moment, une bagarre générale a éclaté, car il y a eu du chambrage et qu’il était vexé.

Ensuite ?
La bagarre a commencé sur le terrain, puis elle s’est décalée sur la piste d’athlétisme avant de se rapprocher de la main courante. Des supporters s’en sont mêlés. En tant que remplaçants, nous avons essayé de séparer, c’était compliqué, les délégués ont dû intervenir. Pendant que ça chauffait avec les supporters, il y a un des joueurs de l’équipe réserve d’Orthez, à qui on disait de se taire, qui l’a mal pris et qui m’a lâché un “sale noir”, comme ça.

Comment avez-vous réagi ?
Lorsque j’ai entendu ça du bout de l’oreille, je repartais dans l’en-but. Le temps que je me retourne, tous les gars de mon équipe réserve avaient pris ma défense puisqu’ils étaient à côté. Ils sont partis sur le mec et une nouvelle bagarre générale a éclaté. Sur le coup, ça m’a énervé. Je suis parti aux vestiaires. Je savais très bien que si j’allais dans le tas, mon club allait prendre une sanction et ça ne servait à rien sur le moment.

Que s’est-il passé après le match ?
À la fin du match, quand j’ai voulu avoir le mec en face de moi, les dirigeants d’Orthez et les mecs de la réserve n’ont pas su me dire où était le joueur en question. Devant l’arbitre de la rencontre, j’ai demandé aux dirigeants d’Orthez de réunir tous leurs joueurs pour que je puisse retrouver qui c’était, afin qu’il assume ses propos devant moi. Je leur ai aussi dit que s’il venait de la part des coachs, je ne ferais rien sur le moment. Sauf que les entraîneurs d’Orthez n’ont pas voulu faire l’effort d’aller chercher le mec qui se cachait dans le bus ou qui était déjà parti en voiture. Avec un de mes dirigeants, on leur a précisé que s’ils ne voulaient pas faire les démarches maintenant, l’affaire se poursuivrait devant la Fédé, et ce, même si dans les prochains jours le joueur qui a tenu ces propos venait à se présenter.

"Sale noir" aurait lancé un spectateur au joueur de 23 ans... https://t.co/phV0cpe3zZ

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) January 22, 2023

Pendant l’échauffourée, avez-vous pu identifier le joueur en question ?
Je l’ai entendu et je l’ai entrevu. Lorsqu’il a dit ça, il a reculé et c’est un de ses copains qui a chargé pour lui pendant la bagarre.

Depuis hier soir, avez-vous un retour de la part du club d’Orthez ?
Non.

Est-ce la première fois que vous êtes victime d’insultes racistes ?
Cette saison, c’est la première fois pour moi, mais un autre ailier du BTS en a reçu également. Après, dans le monde du rugby, depuis sept ans que j’en fais, ce n’est pas la première fois que j’en reçois, puisque lorsque je jouais à l’AS Bayonne il y a trois ou quatre ans, j’en avais reçu de la part d’un supporter pendant un déplacement. J’avais vrillé sur le terrain et ça m’avait valu un carton rouge. Lorsque je jouais chez les jeunes, j’en avais aussi reçu, à chaque fois face à des clubs du Béarn. Quand j’ai joué contre des clubs du fin fond du Pays basque, où il n’y a pas forcément des personnes de couleur, je n’ai jamais reçu de telles insultes. C’est hyper respectueux et c’est ce qui fait, pour moi, l’amour du Pays basque. Au-delà du rugby, il y a pas mal de villes, dans le Béarn, avec de la diversité au niveau des origines. C’est assez anormal et irrespectueux qu’il y ait des insultes.

Quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ?
Ce soir, mon président (José Foncillas, NDLR), m’a convoqué. Nous allons parler de la décision que nous allons prendre. Je pense que nous allons déposer une plainte auprès de la Fédération contre le club d’Orthez. Je pense que c’est le plus logique, car porter plainte contre X n'amènera à rien. J’espère qu’il y aura des avancées et une amélioration dans le monde du rugby en général.

Avant le rugby, vous avez joué au football à l’Aviron. Aviez-vous déjà été victime d’insultes racistes ?
Non, car au football, c’est hyper diversifié. Après, dans le rugby, dès qu’on arrive au niveau de la région bordelaise, il y a pas mal de personnes de couleur, de la diversité. Je ne pense pas que ça arrive tous les week-ends. Mais dans d’autres régions où il y a moins de diversité, dès que ça chauffe, les gens ont le mot facile. En 2023, ça n’a pas lieu d’être, que ce soit sur un terrain de rugby, dans le monde du sport ou dans la vie courante.

Le fait de parler doit permettre de changer les choses ?
Il faut que les personnes victimes de racisme ne restent pas dans l’ombre. Au fur et à mesure qu’il y aura des témoignages, des récits par rapport à ce genre d’acte chaque week-end, et que ceux-ci sont remontés, la situation pourra s’améliorer.

Au lendemain des faits, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Là, c’est tombé sur moi. En début de saison, notre autre ailier avait reçu ce genre d’insultes. Je pense que des faits comme ça doivent avoir lieu chaque week-end, mais ils ne sont pas remontés. Si on peut faire avancer les choses en parlant… Hier, j’ai été touché pendant une heure. Après, mes coéquipiers et les supporters de mon club m’ont soutenu et m’ont remonté le moral. Ce côté famille, c’est une des valeurs que j’adore dans le rugby. Même si j’avais toujours ça dans un coin de la tête, j’ai fait ma soirée quasiment comme si rien ne s’était passé. Le rugby reste un sport avec des valeurs familiales et on sait que l’on peut compter sur ses coéquipiers dans ces moments-là.

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