"Tu ne mérites pas de vivre" : l'ancien pilier Anton Peikrishvili raconte sa profonde dépression

  • L’international géorgien Anton Peikrishvili lance un appel à l'aide.
    L’international géorgien Anton Peikrishvili lance un appel à l'aide. Icon Sport - Icon Sport
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Peu à peu, les langues se délient au sujet de la dépression du sportif professionnel. L’international géorgien Anton Peikrishvili, aujourd’hui en miettes après avoir tout connu dans le rugby pro, lance à son tour un appel à l’aide…

Anton Peikrishvili (35 ans) fut longtemps un interprète parmi d’autres du grand opéra du Top 14, une gueule familière des plus belles cérémonies de nos week-ends de rugby. En douze ans de carrière, le pilier droit géorgien a connu un titre de Pro D2 avec Agen en 2010, quelques belles saisons avec le Castres olympique de Christophe Urios, les grands soirs du derby basque à Jean Dauger et, au grè de quelques 200 matchs, les combats de chien que l’on prête, sous nos latitudes plus qu’ailleurs, aux maquisards de la première ligne… Au soir de ces batailles où il n'épargna jamais sa sueur, Peikrishvili se confie aujourd'hui sa dépression, celle de l'après-carrière. Glaçant.

Dès que je ferme les yeux, il y a une voix qui martèle dans ma tête : "Regarde toi : tu n’es qu’une merde"

Revenu au pays en 2019, l’international aux 27 sélections s’occupe depuis des avants du club de Kochebi, dans la campagne géorgienne : "J’essaie de transmettre ce que douze ans passés dans les mêlées de Top 14 ou de Ligue Celte (à Cardiff) m’ont enseigné, explique-t-il en préambule, un bonnet de l’Ulster vissé par la tête. Je forme des piliers, quoi : parce que je pense connaître un petit peu le sujet…" Il y a quelques jours et après avoir lu le témoignage du capitaine du Stade français Paul Alo-Emile, qui avait dans nos colonnes brisé le tabou de la dépression, Anton Peikrishvili nous a donc contactés pour lancer un appel à l’aide et perpétuer le sillon creusé par le pilard des soldats roses. "Il y a sept mois que la dépression me ronge, dit-il à présent. Dès que je ferme les yeux, il y a une voix qui martèle dans ma tête : "Regarde toi : tu n’es qu’une merde. Tu es fini. Depuis que tu as quitté le Top 14, tout le monde t’a oublié. Tu ne mérites pas de vivre". Cette voix, ce type, je n’arrive pas à les faire taire. Je n’y arrive plus..."

 

J’ai vu des joueurs en larmes après le debrief d’un match...

Retiré depuis quelques jours dans un monastère de la région de Koutaïssi, où il essaie de soigner son mal avec quelques prières, l’oreille bienveillante d’un prêtre orthodoxe et "quelques pompes effectuées dans la neige", Anton Peikrishvili poursuit ainsi sa confession : "Je sais que beaucoup de joueurs souffrent du même mal que moi. Mais ils n’osent pas le dire. Il faut pourtant qu’un jour ou l’autre, la parole se libère. Quand j’ai lu l’interview de Paul Alo-Emile, j’ai eu envie de lui faire un câlin et de lui dire : "Nous sommes dans la même galère, mon petit frère." Les clubs pros, ils sont tous à la pointe pour leurs entraînements : ils ont des analystes vidéos, ils nous collent des GPS sur la nuque mais ne nous aident pas, quand notre tête va mal. Moi, personne ne m’a préparé à l’après-carrière. Personne ne m’a dit que ce serait peut-être difficile : un jour, tu es sur le toit du monde au Stade de France et le lendemain, tu n’es plus rien. La plus grosse problématique du rugby, ce n’est pas les billets de Sébastien Chabal pour la Coupe du monde : c’est l’état mental des joueurs pros."

Emu aux larmes, Anton Peikrishvili ne sait pas vraiment quelle est la cause de son malêtre et, en vrac, lance au hasard des hypothèses : "Le monde du rugby pro est parfois dur, vous savez. On nous traîte comme des robots. Il y a de la violence, dans les vestiaires. Quand un coach te dit que tu n’es qu’un naze parce que tu as loupé un plaquage, tu charges. Combien de nuits blanches ai-je passées après avoir pris une branlée par un entraîneur qui me trouvait mauvais pour n’avoir pas réussi à courir trois kilomètres ? Je vous le jure : j’ai vu des joueurs en larmes après un debrief de match. Mais si tu en parles, tu passes pour un faible."

Au moment de conclure, Anton Peikrishvili lance : "Avant les repas, on me filait des pilules et jamais il ne m’était venu à l’esprit de savoir ce qu’il y avait dedans. Cela a-t-il joué ? Je n’en sais rien… Et je ne veux pas savoir… Je veux juste qu’on m’aide parce que je veux éviter le pire : je ne veux pas que ma petite fille grandisse seule."

 

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