L'édito : le rugby, l’argent et le mammouth

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L'édito du lundi par Emmanuel Massicard... Il risque de ne plus y avoir de suspens… si ce n’est pour connaître le moment où Bernard Laporte rendra officiellement les armes. Car la fin de l’histoire semble s‘écrire, marquée par le sceau de l’évidence : seul contre tous, le président de la FFR n’aura plus guère de choix si le coup de poker qu’il va tenter ce lundi (déléguer ses pouvoirs à un vice-président, mais rester en place pour vivre la Coupe du monde et, ainsi, bloquer l’opposition) échoue.

Dimanche, sa sortie médiatique lui a tout juste permis de planter le décor. Et de plaider encore l’innocence au nom de ce million (d’euros) refusé quand Mohed Altrad lui avait proposé d’entraîner Montpellier. Au fond, que vaut un contrat de 150 000 euros face à un million ! Voilà ainsi incarnée toute notre histoire et le rapport toujours particulier que notre sport entretient avec l’argent. C’est ici l’héritage de l’amateurisme « marron » qui si longtemps prédominé.

Déjà condamné par la justice, Bernard Laporte est poussé donc dehors par l’opinion publique qui n’entend pas son appel : au nom de la morale et de l’intérêt supérieur du rugby, « il doit laisser la présidence ! ». Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, l’a affirmé en sortant de son périmètre, rapidement suivie par l’opposition fédérale incarnée par Florian Grill (certains n’ont dès lors plus hésité à jurer que la ministre avait choisi son camp). C’était sans oublier les présidents du rugby pro, la LNR, le comité d’éthique de la FFR (créé par Laporte en personne), les internautes de Rugbyrama et les présidents de clubs amateurs que Midi Olympique a consultés. C’était enfin une partie de ses « soutiens » qui ont tenté de flécher sa sortie pour sauver ce qui pouvait l’être : l’honneur, le business ou la peau du comité directeur… Sauf que lui, vous le verrez, n’entend toujours pas l’affaire de cette oreille.

Laporte est donc isolé. Il compte désormais sur les doigts de la main ses soutiens, sincères et fidèles ; c’est la loi du genre. Certains de ses adversaires lui font porter la responsabilité de maux bien plus nombreux et profonds que ceux lui incombant vraiment. Alors, la vérité ? Il incarne malgré lui la fin d’une époque, voire même d’un monde.
Cette époque fut celle d’un univers politique où tous les coups étaient permis ; lui-même est le dernier élément d’une phalange de gouvernants très largement renvoyée devant la justice, qu’ils soient de son camp ou d’ailleurs.
Et ce monde fut celui du rugby français qui se rêvait en grand parmi les grands sans se donner tous les moyens de ses ambitions. Ainsi, comment imaginer qu’un président de fédération (ou de Ligue) puisse être encore bénévole quand il pilote une entreprise qui dépasse les cent millions de chiffre d’affaires ? Comment ladite fédération n’a pas encore eu le courage de se réformer de l’intérieur, pour sacrifier la lourdeur d’un comité directeur monolithique (mais si confortable pour ceux qui y siègent) au principe d’un exécutif plus agile et surtout entouré de cadres reconnus et professionnels ?
Ici encore, le rapport de notre sport à l’argent et sa gouvernance nous fige dans des principes archaïques quand certains sports, eux, rémunèrent parfois grassement leurs élus et directeurs. Chez nous, la culture de l’amateurisme et donc du bénévolat pèse très lourd…

Alors, régler le cas Laporte est une chose. Lui-même doit assumer ses fautes autant que sa stratégie actuelle, qui d’une certaine manière prend le rugby en otage. Mais, diable, ne confondons pas tout : ne laissons pas croire que son retrait et un changement de président poste pour poste régleront tous nos problèmes.
Il est urgent de reconsidérer la gouvernance du sport français dans son ensemble et, en pensant davantage à nous, d’offrir à la fédé - notre cher « mammouth » que Pierre Camou souhaitait déjà réformer - ce qui lui manque de modernité. Sans quoi, l’affaire « Laporte-Altrad » n’aura servi à rien d’autre qu’à égratigner l’image de notre sport. Encore une fois.

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Les commentaires (1)
jmbegue Il y a 1 année Le 19/12/2022 à 08:55

Je suis sûr qu'il finira par démissionner. Mais il n'y aura pas de nouvelles élections et c'est son complice Simon qui le remplacera.