L'édito - Justice ou morale, l'avenir de Bernard Laporte suspendu à deux vertus

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Ce fut violent, oui. En tout cas, étonnamment virulent pour un univers de la justice à la dialectique habituellement si technique et jargonneuse. Ce fut plus mordant encore pour ce qui est du politique, où la plume suggère habituellement le fond de la pensée plus qu’elle ne l’écrit. Cette fois, pas besoin de traducteur. Rien de captieux. Et personne n’a retenu les coups.

D’abord, la juge Rose-Marie Hunault. Elle n’avait pas pris pour habitude de ménager ses inculpés lors des audiences de septembre. Sa répartie est encore montée d’une octave ce mardi, au long des 45 minutes d’un délibéré saignant. « Bernard s’est fait massacrer » ponctuera vite un de ses proches.

 

Ensuite, World Rugby, qui le convoqua sur le champ à une réunion d’explications. Nouvelle audience, nouveau verdict. Et sa mise à l’écart de l’institution suprême. Cette décision est « prise par son vice-président Bernard Laporte de se retirer temporairement et volontairement » stipule le communiqué. Sérieusement ? Le scénario était pourtant écrit à l’avance et Laporte en avait été prévenu : en cas de condamnation lourde, World Rugby s’engouffrerait dans la brèche, s’asseyant au passage sur la législation française de l’appel suspensif et de la présomption d’innocence qu’il produit. 

World Rugby a donc poussé « Bernie » à se démissionner lui-même, tout en en lui passant une main dans le dos. Le baiser de la mort à celui qui avait trop claironné ses arrogances. Tout se paye, en ce bas monde. Laporte a payé.

 

Enfin, le communiqué tombé mardi soir et signé Amélie Oudéa-Castéra. Sur le fond, cette communication ne change pas grand-chose à l’affaire : la Ministre des Sports réclame une issue (la démission de Bernard Laporte) qu’elle ne peut structurellement pas imposer. La forme de son propos, en revanche, en dit long sur l’ombrage qui l’anime désormais à l’égard du président de la FFR. Rien n’est suggéré. Tout est saillant. Et Laporte, s’il reste en poste, sait qu’il devra composer pendant les deux années de sa fin de mandat avec un ministère qui joue contre son camp. Défi d’habileté politique.

 

Tout ceci étant exposé, reste cette question : un président condamné à 2 ans de prison avec sursis -entre autres- pour des chefs d’inculpation particulièrement graves (prise illégale d'intérêts, délit de trafic d'influence, corruption passive et délit de recel d'abus de biens sociaux) peut-il conserver son trône ? La justice a répondu que oui, ne retenant pas l’option de l’exécution provisoire et donc l’application immédiate de son interdiction d’exercer une activité en lien avec le rugby. Le ministère répond que non, au nom d’une certaine morale qui outre-passe l’idée de justice rendue et indépendante.

 

C’est désormais aux clubs amateurs de se pencher sur le sujet. Nous en avons interrogé un large panel, dans une consultation que vous lirez en page 4. La très nette majorité répond que « Bernard Laporte doit démissionner ». Justement au nom de cette morale.

 

Bernard Laporte, lui aussi, va devoir se confronter à sa propre morale : lâché par son ministère de tutelle, par ses institutions satellites et désormais par sa base, peut-il rester en poste alors qu’il avait toujours fait campagne sur le sujet « rendre le pouvoir aux clubs » ? A cette heure, la question n’est pas tranchée. Ce feuilleton, long de 5 ans et dont on promettait l’épilogue pour ce mardi 13 décembre, est en réalité loin d’avoir livré son verdict.

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